Jamais homme n'a mieux représenté cinquante ou soixante ans d'histoire. Que pensez-vous de ce jugement de Brunetière sur Voltaire ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Né à la charnière du xviie et du xviiie siècle, à l'aube de l'esprit philosophique, Voltaire allait vivre les grandes années
où devait s'élaborer la France moderne, ces moments de « crise de conscience » qui aboutiront, après lui, à la
Révolution.
Il est homme du xviiie siècle par son tempérament et surtout par ses préoccupations qui coïncident
exactement avec celles de ses contemporains, par cette littérature de combat et de propagande dans laquelle il
s'est engagé et qui a tant contribué à répandre les grandes idées de son temps.
Mais dans la mesure où grâce à son
génie d'écrivain et à son immense talent il a mieux que quiconque exprimé et illustré ces grands courants de pensée,
nous pouvons dire avec Brunetière : « Jamais homme n'a mieux représenté cinquante ou soixante ans d'histoire ».
Il
est pour nous leur porte-parole.
I.
LE TEMPÉRAMENT D'UN HOMME DU XVIIIe SIÈCLE
Les traits caractéristiques de Voltaire sont représentatifs de toute une génération, celle qui a succédé aux dernières
années moroses et solennelles du règne de Louis XIV et qui, avant même de s'ouvrir aux problèmes politiques et
sociaux, ne pense qu'à jouir du plaisir de vivre et rêve au bonheur de l'homme sur la terre.
Le Mondain, que Voltaire
écrit en 1736, est un poème d'un optimisme béat en l'honneur de la civilisation ; et lorsqu'il aura perdu ses illusions
sur l'homme et sa condition, il gardera malgré tout ce goût très « Régence » pour tous les raffinements de la vie.
Mais cette génération est aussi celle qui, avec l'affaiblissement de l'autorité, découvre le sentiment exaltant de la
liberté : liberté de pensée et d'opinion.
Voltaire a l'esprit frondeur, il aime la polémique comme beaucoup des
réactionnaires de son temps.
Plus qu'eux peut-être il a le tempérament ardent d'un militant.
C'est ainsi qu'il s'engage
dans l'action non seulement par ses ouvrages mais par des interventions directes comme, à la fin de sa vie, ses
luttes incessantes contre l'intolérance et l'injustice : il obtiendra d'ailleurs la réhabilitation de Calas, protestant
accusé à tort d'avoir pendu son fils qui voulait se faire catholique, celle encore du gouverneur des Indes LallyTollendal qui avait capitulé devant les Anglais, comme il défendra d'autres victimes de la prétendue justice des
Tribunaux d'alors.
A Ferney il a souci du bien-être des villageois, il améliore leurs conditions de vie et amorce même
un début d'industrialisation.
Cet amour de l'action, il le conservera jusqu'à ses derniers moments.
II.
TOUS LES COURANTS DU SIÈCLE SE RETROUVENT DANS LES PRINCIPES VOLTAIRIENS — LA CRITIQUE
VOLTAIRIENNE
Le procès des institutions Dès 1755 Voltaire est à la pointe politiques et sociales du combat philosophique dans tous
les domaines où ce combat s'exerce : politique, social et religieux.
D'un rationalisme optimiste, il croit, avec les
Encyclopédistes, aux progrès de la «raison», de la raison mathématique, critère de la méthode cartésienne.
La règle
de l'évidence l'amène ainsi à remettre en question les grands principes établis, la métaphysique et le fondement des
religions.
Au nom de la raison souveraine il attaque le gouvernement et les institutions : les Lettres Anglaises sont le premier
procès « officiel » du régime.
Voltaire cristallise dans cette œuvre de combat le malaise et le mécontentement des
victimes des privilèges et des lettres de cachet, ses contemporains.
En prônant l'Angleterre, pays de la liberté sous
toutes ses formes, il fait apparaître la vanité et les abus de la monarchie absolue avec ses néfastes conséquences :
mensonge, hypocrisie, état d'esclavage, persécutions et cruautés de toutes sortes.
Plus tard il fustigera les
Parlements et les Tribunaux dans de virulents pamphlets contre les injustices sociales, l'arbitraire de la procédure
criminelle et la torture, et les articles piquants du Dictionnaire Philosophique viendront encore appuyer et prolonger
l'action des pamphlets.
Dans cette démarche obstinée contre les systèmes vains qui engendrent l'injustice et le désordre social, Voltaire
attaque en même temps que les institutions, la métaphysique et les religions établies.
Refusant à l'homme la
possibilité de résoudre des problèmes qui le dépassent, comme celui de sa destinée, il condamne la métaphysique,
inutile, car elle « contient deux choses : la première, tout ce que les hommes de bon sens savent ; la deuxième, ce
qu'ils ne sauront jamais ».
De plus elle peut être funeste car elle provoque querelles et dissensions entre les
hommes.
Quant aux religions et plus précisément la religion catholique, elles sont pour Voltaire des foyers d'erreurs,
de duperies et de superstitions dans la mesure où les dogmes sont des fables, où la théologie utilise des méthodes
de connaissance fausses.
Elles sont donc également condamnables.
Par ailleurs, elles offrent un exemple d'abus de
pouvoir et, ce qui est plus grave, elles poussent leurs fidèles à l'intolérance et au fanatisme, et partant sont la
source des plus grands désordres dans les États.
Cette hostilité contre la religion et les folies qu'elle entraîne, est une constante de la bataille philosophique à partir
de 1750.
Mais peu d'ouvrages bouleverseront autant l'opinion que le Traité sur la Tolérance et le Dictionnaire
Philosophique qui de plus aura un succès de scandale.
« Écrasons l'Infâme », ce slogan voltairien deviendra même un
des mots d'ordre du programme révolutionnaire.
L'idéal politique Si Voltaire polémiste fait ainsi figure de symbole, celui du mécontentement d'une certaine classe
sociale à la veille de la Révolution, la partie positive de son œuvre reflète par ailleurs un idéal qui, à bien des égards,
est celui des philosophes et des esprits éclairés de son temps.
En politique Voltaire reste, comme Rousseau et d'Holbach, monarchiste ; et, réaliste comme ce dernier qui ne juge la
démocratie possible que dans un petit pays, il ne demande que la suppression des abus et des injustices :
autrement dit, le monarque doit prendre comme guide la raison et ses exigences.
Et il croit au bonheur du peuple
sous la loi de ce «despotisme éclairé».
L'idéal moral et religieux C'est la raison encore qui le fait croire en un principe divin.
Car Voltaire, descendant de
Bayle et de Fontenelle, est irréligieux mais non athée.
Déiste, il croit en un Dieu souverain, seule explication
rationnelle de l'Univers : « Le monde est un ouvrage admirable, donc il y a un artisan plus admirable : la raison nous.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'écrivain contemporain, Claude Roy écrit dans Défense de le Littérature (1968): Certains esprits refusent le roman. Ils y voient une amusette, un gaspillage de force. Ils trouvent la vie (ou l'Histoire) plus riche en histoire, la science plus excitante et que la philosophie donne mieux a penser. Vous direz, en vous appuyant sur les textes du corpus, sur les romans que vous avez étudiez et sur vos lectures personnelles ce que vous pensez de ce jugement sur les romans rapporté par Clau
- L'écrivain contemporain, Claude Roy écrit dans Défense de le Littérature (1968) : Certains esprits refusent le roman. Ils y voient une amusette, un gaspillage de force. Ils trouvent la vie (ou l'Histoire) plus riche en histoire, la science plus excitante et que la philosophie donne mieux à penser. Vous direz, en vous appuyant sur les textes du corpus, sur les romans que vous avez étudiez et sur vos lectures personnelles ce que vous pensez de ce jugement sur les romans rapporté par Cla
- Cette tragédie ressemble constamment à une comédie qui tourne mal. Que pensez-vous de ce jugement de Charles Mauron sur l'histoire de Des Grieux ?
- Charles Baudelaire écrit dans un article de 1861 : Victor Hugo était dès le principe, l'homme le mieux doué, le plus visiblement élu pour exprimer par la poésie ce que j'appellerai le mystère de la vie. Commentez et illustrez ce jugement à partir des Contemplations.
- « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants comme sa pauvre et infirme nature », écrivait Th. Gautier. Que pensez-vous de ce jugement? Vous direz, en particulier, en empruntant vos exemples à vos propres lectures, quelle utilité vous reconnaissez aujourd'hui à la littérature.