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Je me souviens de la bohème - Francis CARCO

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Je me souviens de la bohème De mes amours de ce temps-là Ô mes amours, j'ai tant de peine Quand refleurissent les lilas Qu'est ce que c'est que cette antienne ? Qu'est ce que c'est que cet air-là ? Ô mes amis, j'ai trop de peine Le temps n'est plus de la bohème Au diable soient tous les lilas ! Il pleut dans le petit jour blème Il pleut, nous n'irons plus aux bois Toutes les amours sont les mêmes Les morts ne ressuscitent pas Il pleut dans le petit jour blème Il pleut, nous n'irons plus aux bois Toutes les amours sont les mêmes Un vieil orgue comme autrefois Joue essoufflé la Marjolaine Ô mes amours de ce temps là Jamais les mortes ne reviennent Elles dorment dans les lilas Où les oiseaux chantent ma peine Sous les lilas qu'on a mis là Les jours s'en vont et les semaines Ô mes amours, priez pour moi ! Ô mes amours, priez pour moi ! Francis CARCO.

« Nous allons commenter un poème de Francis Carco, dans lequel nous voyons apparaître certains thèmes comme celui de l'amour et celui du temps qui ont déjà été traités auparavant par des poètes comme Ronsard et notamment par les romantiques : Lamartine, Vigny, Musset, etc.

Ce qui fait l'originalité de ce poème, c'est surtout la manière dont sont présentés ces thèmes, c'est-à-dire d'une façon très discrète et surtout très simple ; on est loin en effet des longs thèmes en alexandrins de poètes comme Lamartine, par exemple. Nous pouvons noter que ce poème n'a pas une composition très nette ; cependant on pourrait y voir deux grandes parties qui sont, je crois, un peu mêlées : une première partie où l'on voit naître le souvenir chez le poète par des éléments qui sont extérieurs à lui et une seconde partie où Francis Carco exprime son regret et sa peine pour ses amours perdus. Ce poème va donc présenter essentiellement un intérêt psychologique et peut-être aussi nous pourrions y voir un certain intérêt biographique. Nous allons donc essayer de voir, à travers ce poème, comment se présentent chez Francis Carco les thèmes de l'amour, du temps, mais aussi, je crois, ceux de la mort et de la nature.

Nous allons, dans un premier temps, étudier la forme du poème, ce qui est comme nous l'avons déjà dit l'une de ses principales originalités, ensuite nous passerons à une étude plus détaillée du fond et nous essayerons de dégager la pensée de Francis Carco et sa conception des thèmes que nous avons déjà cités auparavant.

Prenons, tout d'abord, ce qui caractérise ce petit poème en ce qui concerne la forme.

Il faut remarquer que ce poème n'est pas un poème à forme fixe mais qu'il pourrait quand même ressembler beaucoup à une ballade.

Par cette remarque nous avons déjà une des principales qualités du poème qui est sa musicalité.

Cette musicalité est surtout visible, tout d'abord par les vers : « O mes amours, j'ai trop de peine » et « O mes amours de ce temps-là » qui forment une sorte de refrain qui fait penser à une chanson.

D'autre part, il y a dans le poème de nombreuses répétitions : « la bohème », « les lilas », « il pleut », « amours » ; ces répétitions contribuent également à donner l'impression au lecteur qu'il entend une chanson. D'autres éléments de musicalité sont les vers.

En effet, nous sommes en face d'octosyllabes, vers musicaux par excellence.

Il faut aussi, je pense, étudier les rimes de ce poème qui sont particulièrement intéressantes.

Le poème compte 22 vers, il ne peut donc pas se diviser en groupes de 4, ce qui formerait des groupes de rimes justes.

Il y a donc deux vers qui riment seuls.

Cela fait qu'il y a plusieurs façons de regrouper les vers pour qu'ils riment, ce qui entraîne une impression de variété et pour l'oreille une musicalité certaine.

Nous pouvons noter, quand même, que dans la plupart des cas ces rimes sont embrassées ou croisées.

Passons maintenant au rythme, qui est un rythme très régulier surtout parce que les vers, à part quelques exceptions comme : Il pleut, nous n'irons plus au bois » et « Moud, essoufflé », « La Marjolaine », ne sont pas coupés et ont un rythme lent et régulier.

La lenteur est aussi donnée par les quelques vers qui sont coupés au troisième pied, comme par exemple : « O, mes amours, j'ai trop de peine.

» Ce rythme régulier contribue encore à la musicalité du poème. Nous allons maintenant passer à la seconde grande qualité de ce poème pour la forme : la simplicité.

En effet, la simplicité se voit en premier lieu parce que le poème se présente en style direct : « Je me souviens de la bohème » ; l'auteur semble s'adresser à un interlocuteur, ce qui rend le ton beaucoup plus familier.

Cette familiarité est également visible dans les interrogations : « Qu'est-ce que c'est que cette antienne ? « Qu'est-ce que c'est que cet air-là ? » D'autre part, nous avons dans ce poème un vocabulaire très simple, à part le mot « antienne » qui est un peu recherché mais qui a quand même des sonorités très musicales.

Ce vocabulaire très simple est parfois même un vocabulaire populaire, surtout dans : « Au diable soient tous les lilas ! » ; ce vers est à mon avis un vers très important parce que c'est l'endroit où l'on voit peut-être apparaître le mieux la personnalité de Francis Carco. Nous avons aussi dans : « Moud, essoufflé », « La Marjolaine », le nom propre qui, d'un côté, ajoute encore de la familiarité et de la simplicité et, d'un autre côté, nous donne une impression de sincérité de la part de l'auteur. Enfin, nous pouvons voir, en ce qui concerne la forme, comment l'auteur nous suggère des impressions grâce surtout au rythme et aux sonorités.

Nous avons, par exemple, dans les deux vers « Un vieil orgue, comme autrefois », « Moud, essoufflé », « La Marjolaine », le son saccadé de cet orgue qui est rendu par le rythme parce que les vers sont très coupés.

Également dans les vers : « Qu'est-ce que c'est que cette antienne ? », « Qu'est-ce que c'est que cet air-là ? », la musique est suggérée non pas ici par le rythme mais surtout par les sonorités en « é » et en « è » et aussi par les mots très courts, les monosyllabes qui se suivent d'une façon assez rapide.

En conclusion à cette étude de la forme, nous pourrions dire qu'il se dégage donc deux qualités essentielles : la musicalité et la simplicité de ce poème. Nous allons, à présent, passer à l'étude du fond et grâce à ce que nous venons de dire au sujet de la forme nous pouvons déjà dégager que pour Francis Carco, la vision des choses est une vision très simple et que pour lui les sentiments sont quelque chose de très personnel et de très discret. Prenons, en premier lieu, la conception de l'amour chez l'auteur.

La lecture de ce poème nous permet de dire un premier élément : Francis Carco nous présente l'amour sous un aspect simple, comme si c'était pour lui quelque chose de très naturel, de très désinvolte.

Ceci apparaît surtout, comme nous l'avons déjà dit, dans la forme du poème et aussi dans ce pluriel qui revient souvent dans le texte : « mes amours.

» L'amour apparaît aussi comme lié à la jeunesse ; nous voyons cet aspect dans : « Je me souviens de la bohème », « de ce temps-là.

» Donc, pour Francis Carco, l'amour est un sentiment fait surtout de simplicité, et même on pourrait dire de joie de vivre, ce qui se confond très bien avec l'image qu'on se fait de la jeunesse, d'où la conclusion qu'on peut tirer de ceci : pour Francis Carco, je crois qu'on peut arriver à confondre les deux mots : amour et jeunesse. Mais nous voyons plus loin dans le texte que cet amour est périssable de même que la jeunesse. Donc nous pouvons passer maintenant à l'autre grand thème traité par Francis Carco : le thème du temps.

Le temps se présente dans ce poème sous deux formes ; d'une part, nous avons le temps synonyme de destruction qui est également une destruction double : la destruction de l'amour en soi : « de mes amours de ce temps-là », « le temps n'est plus de la bohème », mais aussi la destruction de la personne aimée : « les morts ne ressuscitent pas », « jamais les mortes ne reviennent.

» D'autre part, le temps ici engendre la douleur comme on peut le voir clans : « O mes amours, j'ai trop de peine » car si le temps détruit l'amour et même l'être aimé, il est incapable de détruire le souvenir. »

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