Je tiens dit Duhamel, que le romancier est l'historien du présent. Cette formule appliquée aux romanciers du 20e siècle, des romantiques aux naturalistes, vous paraît-elle exacte ?
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«
REMARQUE PRÉLIMINAIRE
Le libellé de l'énoncé (notamment l'expression : « des romantiques aux naturalistes ») impose une restriction à la
généralité de la phrase de Duhamel.
Sans faire de plan chronologique, il sera préférable de tenir compte des limites
assignées.
De plus, Ha formule ainsi présentée (le « mot » de Duhamel, au complet, est : « Je tiens que le romancier
est l'historien du présent, alors que l'historien est le romancier du passé », Nuit de la Saint-Jean, préface, Mercure
de France) implique que le devoir porte sur le roman et non sur l'histoire.
Nous ne proposerons ici que quelques
réflexions générales sur les rapports de ces deux genres, sans traiter le sujet proposé, pour déblayer quelques
avenues.
A partir de quoi on pourra, à titre d'exercice, construire un plan et rédiger entièrement la dissertation.
ÉLÉMENTS POUR UN PARALLÈLE ENTRE LE ROMANCIER ET L'HISTORIEN
I.
A l'état pur.
1.
Les deux genres s'opposent.
a) Roman = fiction
— Histoire = vérité.
b) Roman = évasion, dépaysement.
— Histoire = retour à la réalité
c) Roman : frivole
— Histoire : sérieuse.
2.
Certaines ressemblances s'amorcent.
a) Le souci moral.
b) Des protagonistes devant une toile de fond.
c) L'histoire est brillante; par exemple, chez Froissart elle illustre l'idéal romanesque et chevaleresque.
Inversement,
le roman se plaît dans un passé de fantaisie (Persans, Romains, Gaulois).
II.
Lorsque le roman se charge de réalités.
1.
L'objet : il devient presque identique.
Il consiste à saisir l'homme dans la collectivité (Le Rouge et le Noir a
pour sous-titre : Chronique du XIXe siècle, ce qui présente tout à fait le romancier comme l' « historien du présent
».
Voir de même, dans le passé, Chroniques italiennes de Stendhal, Chronique du Règne de Charles IX de Mérimée,
etc.).
Mais alors que l'historien se doit davantage aux grands événements et aux grands hommes, le romancier
s'intéresse à la société, à la civilisation; si bien que, pour le présent, c'est le second qui l'emporte, alors que le
premier ne peut raconter grands événements et grands exploits que pour le passé (le présent est réservé au
journalisme, genre que l'historien méprise volontiers).
2.
La méthode : elle repose sur des postulats presque analogues chez le romancier et chez l'historien.
a) Croyance en une causalité matérielle : les hommes sont le fruit de leur milieu.
Les petits faits sont importants.
(Se rappeler Pascal : « Le nez de Cléopâtre : s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
» Et
Maupassant : « ...
groupement adroit de petits faits constants.
»)
ANECDOTE: Si le nez de Cléopâtre avait été plus court, écrit Pascal, toute la face de la Terre aurait changé.
Que
voulait-il dire par là ? Si Marc-Antoine, amoureux de la reine d'Égypte, avait préparé son combat contre Octave au
lieu de compter fleurette à la belle, il serait devenu empereur à la place de son rival.
En changeant de chef, Rome
aurait changé le monde.
Ainsi, l'histoire tient-elle à des riens, à des hasards insignifiants que Pascal s'empresse de
rallier afin de faire une apologie du Dieu du christianisme.
b) Droit à l'hypothèse psychologique : neuf fois sur dix l'hypothèse historique est une hypothèse psychologique; par
exemple, elle vise à reconstituer l'état d'esprit qui a poussé les « thermidoriens » à faire tomber Robespierre.
C'est
exactement un travail de romancier.
Le rapprochement est encore plus grand quand la conception de l'histoire est
conforme à celle de Michelet, qui lui assignait comme but la « résurrection intégrale » du passé, ou à celle de Renan
qui affirmait : « Dans des histoires...
où l'ensemble seul est certain et où presque tous les détails prêtent plus ou
moins au doute, par suite du caractère légendaire des documents, l'hypothèse est indispensable.
» (Les Apôtres,
Introduction.)
c) Caractère romanesque du « fait historique » : enfin la méthode qui consiste à découper dans le contenu du réel
des « faits historiques » est profondément romanesque.
En effet l'historien considère que le « fait historique » est le
plus représentatif d'un temps : par exemple, la prise de la Bastille est un événement sans importance en lui-même,
qui libère quelques fous et quelques fils de famille de l'Ancien Régime.
Mais cet événement représente la fin de
l'arbitraire monarchique.
Le retenir comme « fait historique », c'est un travail de romancier.
En somme, on peut résumer la méthode commune de la façon suivante : au moyen de documents interprétés avec
un minimum d'imagination, étudier l'homme dans la société..
»
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