Jean-Antoine de BAÏF (1532-1589) (Recueil : Amours de Francine) - Après les vents, après le triste orage
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Jean-Antoine de BAÏF (1532-1589) (Recueil : Amours de Francine) - Après les vents, après le triste orage Après les vents, après le triste orage, Après l'yver, qui de ravines d'eaux Avoit noyé des boeufs le labourage, Voicy venir les ventelets nouveaux Du beau printemps : desja dedans leur rive Se vont serrer les éclarcis ruisseaux. Mon Dieu, pour moy cette saison n'arrive. Le triste yver dure tousjours pour moy. Si bien Amour de mon printemps me prive ! Bien que tout rit, rien de gay je ne voy : Bien que de pleurs le ciel serein s'essuye, Donner la fin à mes pleurs je ne doy. Sans fin mes yeux versent leur triste pluye, Et quand chacun se montre plus joyeux, C'est quand plus fort plus triste je m'ennuie. Sous la fraicheur des bois delicieux Venus la gaye, et les Graces compagnes, Et ses Amours font un bal gracieux. Les Satyreaux aguetans des montagnes, Courent après : le gentil patoureau De son flageol éjouit les campagnes. Dans les bosquets sur le verd arbrisseau On oit chanter en son caquet sauvage Et plaindre Ityl le Daulien oyseau. Le ciel en rit, la prée et le bocage : Et semble encor la Naiade en ses flots Trepignotant dancer au doux ramage. Mes chants plus gays ce sont tristes sanglots, Et mon bal c'est de mille pas la perte, Tous mes plaisirs mille espoirs vains et sots : Le triste noir, c'est ma couleur plus verte : D'infinis maux je sen le renouveau, Des biens je per toute fleur entrouverte. Rien de printemps je n'ay, sinon le beau, (Ains mon yver, et printemps de Madame) Dont je reçoy tousjours yver nouveau. Doux son printemps : mais bruslante est la flâme, Du chaud yver, qui me transist le coeur, Par contréffort me martyrant mon ame. A ta beauté du printemps la vigueur Je parangonne, et les fleurs à tes graces, A la saison de ton âge la fleur. Mais en beauté le printemps tu surpasses : A sa douceur cede ta cruauté : Ta cruauté de douceur tu effaces. Quand m'attirant de douce privauté Tu me contreins de te sentir rebelle, Et t'éprouver contre ma loyauté Par ton refus ingratement cruelle.
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