Jean AUVRAY (1590-1630) - La jalousie
Extrait du document
Jean AUVRAY (1590-1630) - La jalousie Poètes, peintres parlants, que vous sert de nous feindre, Peintres, poètes muets, que vous sert de nous peindre Des feux, des fouets, des fers, des vaisseaux pleins de trous, Des rages, des fureurs, des lieux épouvantables : Pour exprimer l'horreur des enfers effroyables, Est-il enfer semblable à celui des jaloux ? L'aigle de Prométhée, les fouets des Euménides, Les vaisseaux défoncés des folles Danaïdes, D'Ixion abusé les roues et les clous, Les peines de Tantal, de Sisyph, de Phlégie Ne sont que jeux au prix de l'âpre jalousie, Il n'est enfer semblable à celui des jaloux. Si la nuit le jaloux tient sa femme embrassée, Il croit tenant le corps qu'un autre a sa pensée ; Fût-elle à prier Dieu dans l'église à genoux, Si du temps qu'il lui donne elle passe les bornes, Ce Vulcain pense avoir le front tout plein de cornes Et se plonge insensé dans l'enfer des jaloux. Une rare beauté, un accoutrement brave, Une charmante voix, une démarche grave, Un oeil rempli d'attraits, un sourire trop doux, Une gaillarde humeur, une larme aperçue, Un doux accord de luth, une oeillade conçue, Sont les plus grands tourments de l'enfer des jaloux. Ils sont pâles, chagrins, songeards, mélancoliques, Noisifs, capricieux, maussades, fantastiques, Difficiles, hargneux, sauvages, loups-garous, L'esprit toujours porté à quelque horrible songe, Un vautour sans cesser les entrailles leur ronge, Bref, il n'est tel enfer que celui des jaloux. Donc vieillards refroidis, cherchez quelques Médées Pour faire rajeunir vos vieillesses ridées, Et au tripot d'amour mieux assener vos coups, Ou bien, dagues de plomb, votre horoscope preuve Que vous serez bientôt des cocus à l'épreuve Et que vous entrerez dans l'enfer des jaloux. Et vous cabas moisis, vieilles tapissières, Tétins mous, fronds ridés, culs plats, fesses flétries, Yeux pleureux, cheveux gras, pourquoi épousez-vous Ces volages poulains qu'un jeune amour enflamme ? Vous n'êtes que de glace, ils ne sont que de flamme. Entrez, vieilles, entrez dans l'enfer des jaloux.
Liens utiles
- Jean AUVRAY (1590-1630) - Ma belle un jour dessus son lit j'approche
- Jean AUVRAY (1590-1630) - À une laide amoureuse de l'auteur
- Jean AUVRAY (1590-1630) - Stances funèbres
- Jean GODARD (1564-1630) - Un peu devant que l'aube amenât la journée
- Jean GODARD (1564-1630) - Ô jour heureux, heure, temps, et moment