Jean-Baptiste ROUSSEAU (1671-1741) (Recueil : Odes) - Ode tirée du Cantique d'Ézéchias
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Jean-Baptiste ROUSSEAU (1671-1741) (Recueil : Odes) - Ode tirée du Cantique d'Ézéchias J'ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant ; Au midi de mes années Je touchais à mon couchant : La Mort, déployant ses ailes, Couvrait d'ombres éternelles La clarté dont je jouis ; Et, dans cette nuit funeste, Je cherchais en vain le reste De mes jours évanouis. Grand Dieu, votre main réclame Les dons que j'en ai reçus ; Elle vient couper la trame Des jours qu'elle m'a tissus : Mon dernier soleil se lève Et votre souffle m'enlève De la terre des vivants, Comme la feuille séchée, Qui, de sa tige arrachée, Devient le jouet des vents. Comme un lion plein de rage, Le mal a brisé mes os ; Le tombeau m'ouvre un passage Dans ses lugubres cachots. Victime faible et tremblante, A cette image sanglante Je soupire nuit et jour ; Et, dans ma crainte mortelle, Je suis comme l'hirondelle Sous les griffes du vautour. Ainsi, de cris et d'alarmes, Mon mal semblait se nourrir ; Et mes yeux, noyés de larmes, Etaient lassés de s'ouvrir. Je disais à la nuit sombre : Ô nuit, tu vas dans ton ombre M'ensevelir pour toujours ! Je redisais à l'aurore : Le jour que tu fais éclore Est le dernier de mes jours ! Mon âme est dans les ténèbres, Mes sens sont glacés d'effroi : Ecoutez mes cris funèbres, Dieu juste, répondez-moi. Mais enfin sa main propice A comblé le précipice Qui s'entr'ouvrait sous mes pas : Son secours me fortifie, Et me fait trouver la vie Dans les horreurs du trépas. Seigneur, il faut que la terre Connaisse en moi vos bienfaits : Vous ne m'avez fait la guerre Que pour me donner la paix. Heureux l'homme à qui la grâce Départ ce don efficace, Puisé dans ces saints trésors ; Et qui, rallumant sa flamme, Trouve la santé de l'âme Dans les souffrances du corps ! C'est pour sauver la mémoire De vos immortels secours ; C'est pour vous pour votre gloire, Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontés sacrées Ne seront point célébrées Dans l'horreur des monuments : La Mort, aveugle et muette, Ne sera point l'interprète De vos saints commandements. Mais ceux qui de sa menace, Comme moi, sont rachetés, Annonceront à leur race Vos célestes vérités. J'irai, Seigneur, dans vos temples, Réchauffer par mes exemples Les mortels les plus glacés, Et, vous offrant mon hommage, Leur montrer l'unique usage Des jours que vous leur laissez.
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