Jean BERTAUT (1552-1611) - Elégie (2)
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Jean BERTAUT (1552-1611) - Elégie (2) ... Ah ! fille sans amour, ou du moins sans constance, Pourquoy paissant mon coeur d'une vaine espérance, Me juras-tu jamais que mon feu te plaisoit, Et qu'un mesme desir ta poitrine embrasoit ? Pourquoy soufflant l'ardeur de ma flamme insensée M'asseuras-tu jamais que j'estois ta pensée : Et que ta seule amour bruslant trop vivement Ne nous permettoit point d'aymer également ? Si tu ne m'aymois point que te servoit la fainte Dont tu trompois l'espoir d'une amitié si sainte ! Si vraiment tu m'aymois, pourquoy sans mon erreur As-tu pris ma constance et mon nom en horreur ? Qu'ay-je dict, qu'ay-je faict, digne de ce supplice ? Que je sache ma faute avant qu'on me punisse. Qu'on ne me face point, par une injuste loy, Mourir sous les tourments sans me dire pourquoy. Ce saint et chaste feu de qui la pure flame Ardoit incessamment sur l'autel de mon ame, L'ay-je laissé mourir, ou l'ay-je violé Par quelque feu prophane où mon coeur ait bruslé ? Ma bouche t'accusant de ma mort inhumaine, Ou ma main decrivant la rigueur de ma peine, Ont-elles contre toy lâché sans y penser Quelque traict qui t'ait peu justement offenser ? Helas ! et l'une et l'autre est trop accoustumée A loüer la Beauté qui te rend estimée, Mesme au fort des tourments dont tu gesnes ma foy, Pour avoir en fureur blasphemé contre toy. Aussi n'eust pas souffert le doux feu qui m'anime Qu'un dépit m'eust rendu coulpable de ce crime : Ma douleur l'eust commis, mon amour l'eust puny. Je me fusse à jamais interdit la parole : J'eusse bruslé ma main comme un autre Scevole : Si mesme es passions ou plus l'ame s'aigrit J'eusse blessé ton nom de bouche ou par escrit. Mais tu ne me sçaurois reprocher cest' offence, Causant ton changement dessus mon imprudence : Car j'en suis incoulpable, et de tout ce malheur A toy seule est la faute, à moy seul la douleur. Or vueillent, les destins que tu ne sois blessée De repentir aucun en ta jeune pensée Pour ce trait d'inconstance, et que t'en souvenir Ce ne soit point un jour toy-mesme t'en punir. Je ne desire point que ta peine me vange : Assez suis-je vangé de te voir perdre au change, Et puis comme pourroit du mal te desirer Un coeur qui n'a jamais appris qu'à t'adorer ? Que l'eternel oubly de ta jeune inconstance Me l'effaçant du coeur soit ma seule vengeance : Afin que mon repos se remarque aussi bien Naistre de mon oubly que ma peine du tien. Cependant, si jamais tu repasses l'histoire De ma fidele amour par devant ta memoire, Il te ressouviendra que j'ay fait jusqu'aux Cieux Voller par mes soupirs la gloire de tes yeux. Il te ressouviendra que j'ay sans artifice Monstré de postposer ma vie à ton service, Donné ta volonté pour regle à mes desirs, Senty de ton bien seul naistre tous mes plaisirs. Et lors, en t'accusant d'estre ingrate et cruelle, Peut-estre avoüeras-tu qu'un esprit si fidelle Que celuy dont les Cieux me daignent animer, Tout imparfait qu'il est, t'obligeoit à l'aymer. Bien est-il imparfait au prix de tant de graces, Dont approchant des Dieux les humains tu surpasses : Mais parfait en amour, constance et fermeté ; Seule perfection qui manque à ta beauté.
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