Jean-François de SAINT-LAMBERT (1716-1803) - La bourrasque d'été
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Jean-François de SAINT-LAMBERT (1716-1803) - La bourrasque d'été Les cris de la corneille ont annoncé l'orage ; Le bélier effrayé veut rentrer au hameau : Une sombre fureur anime le taureau Qui respire avec force, et, relevant la tête, Par ses mugissements appelle la tempête. On voit à l'horizon des deux points opposés Des nuages monter dans les airs embrasés ; On les voit s'épaissir, s'élever et s'étendre. D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre : Les flots en ont frémi, l'air en est ébranlé, Et le long du vallon le feuillage a tremblé. Les monts ont prolongé le lugubre murmure, Dont le son lent et sourd attriste la nature. Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur, Et la terre en silence attend dans la terreur. Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre Disparaît tout à coup sous un voile grisâtre ; Le nuage élargi les couvre de ses flancs ; Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants. Mais des traits enflammés ont sillonné la nue, Et la foudre en grondant roule dans l'étendue : Elle redouble, vole, éclate dans les airs ; Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs En font sortir sans cesse un jour pâle et livide. Du couchant ténébreux s'élance un vent rapide Qui tourne sur la plaine, et, rasant les sillons, Enlève un sable noir, qu'il roule en tourbillons. Ce nuage nouveau, ce torrent de poussière, Dérobe à la campagne un reste de lumière. La peur, l'airain sonnant, dans les temples sacrés Font entrer à grands flots les peuples égarés. Grand Dieu ! vois à tes pieds leur foule consternée Te demander le prix des travaux de l'année. Hélas ! d'un ciel en feu les globules glacés Écrasent en tombant les épis renversés ; Le tonnerre et les vents déchirent les nuages ; Le fermier de ses champs contemple les ravages, Et presse dans ses bras ses enfants effrayés. La foudre éclate, tombe, et des monts foudroyés Descendent à grand bruit les graviers et les ondes Qui courent en torrent sur les plaines fécondes. Ô récolte ! ô moisson ! tout périt sans retour ; L'ouvrage de l'année est détruit dans un jour. Ah ! fuyons ces tableaux ; et, loin de ces rivages, Allons chercher des lieux où le cours des orages, Sans y lancer la foudre ou noyer les moissons, A rafraîchi les airs, et baigne les sillons. De l'écharpe d'Iris l'éclatant météore, Déployant dans les cieux les couleurs de l'aurore, Y couronne les champs, où le ruisseau vermeil Voit jouer dans ses flots les rayons du soleil. Un reste de nuage, errant sur les campagnes, Va s'y perdre en fumée au sommet des montagnes ; Un vent frais et léger y parcourt les guérets, Et roule en vagues d'or les moissons de Cérès. On y sent ce parfum, cette odeur végétale, Que la terre échauffée après l'orage exhale. Le berger au berger répète ses chansons ; L'heureux agriculteur, si près de ses moissons, Se rappelle ses soins, ses travaux, sa prudence, Admire ses guérets, sourit à l'abondance. Il est content de lui, ne se repent de rien, Et se dit, comme un Dieu : "Ce que j'ai fait est bien !"
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