Jean Giono écrit que le cinéma et la télévision tendent vers le même but que le livre: distraire, divertir, mais qu'ils le font moins bien. Qu'en pensez-vous ?
Extrait du document
«
Introduction.
Depuis l'émergence du cinéma et la diffusion massive de la télévision, les auteurs, les journalistes et les sociologues
comparent et opposent le règne de l'écrit à celui de l'image.
Giono participe également à ce débat en prenant - on
ne s'en étonnera pas - fait et cause pour le livre.
C'est ainsi qu'il déclare que le cinéma et la télévision tendent vers
le même but : « distraire, divertir » mais qu'ils le font « moins bien ».
Quels arguments utilisent l'auteur pour étayer ce jugement ? Peut-on souscrire pleinement à cette opinion ou doiton lui apporter quelques restrictions ?
I.
Relevé et étude de l'argumentation de Jean Giono dans le texte proposé.
A.
L'absence d'effort dans le divertissement par l'image
qui s'oppose à la collaboration intellectuelle requise dans la lecture.
C'est l'argument clé de Jean Giono et celui de tous les détracteurs de la civilisation de l'image.
Le cinéma et la
télévision imposent une image, un rythme au spectateur, tandis que le lecteur lit à son rythme et imagine selon sa
personnalité.
Argument quasi irréfutable qui repose sur la définition même des genres et qui explique, entre autres, la déception
ressentie par certains lors de l'adaptation d'œuvres littéraires à l'écran.
On peut donc opposer la facilité caractérisant l'absorption d'images à la difficulté requise par la lecture
(concentration, effort intellectuel, exigences culturelles).
Cependant, ne peut-on critiquer Giono lorsqu'il déclare que le cinéma apporte une « délectation morose », l'évasion
n'est-elle pas complète, plus facile {cf.
l'héroïne du film de Woody Allen sur les mirages du septième art, La Rose
pourpre du Caire) ? Ce point reste à discuter.
B.
Pas d'oeuvre de télévision (« ne parlons pas d'œuvres de télévision »).
L'étude des programmes de télévision aux heures de grande écoute semble donner raison à Giono (sitcom,
feuilletons, « soaps », émissions dérivées de la société de consommation ou de jeux de hasard et d'argent...).
Là
encore, des nuances doivent être apportées (émissions culturelles, téléfilms qui « divertissent et distraient » avec
qualité, adaptation de films grand écran pour la télévision comme Cuore de Comencini ou Manon des sources de
Claude Berri).
C.
La critique majeure contre le cinéma apparaît dans le
dernier paragraphe.
Résumons-la : faute de temps (lors du tournage et de la représentation), le cinéma ne peut pas produire de chefsd'œuvre.
Il existe en effet des films purement commerciaux, à peine « pensés », tournés rapidement et qui
disparaissent aussi vite des écrans que des mémoires.
Cependant, on ne peut réduire le septième art à ces produits
ratés, donc le point de vue de Giono est à nuancer.
D.
La critique du cinéma et de la télévision apparaît également en filigrane à travers l'éloge que fait Giono du livre de
poche.
Résumé de l'argumentation de Giono : le livre de poche met la culture à la portée de tous (« // n'y a pas de texte
difficile quand on Va dans sa poche »).
Il est indéniable que le livre de poche facilite l'accès « économique » à l'œuvre, mais se met-il à la portée du grand
public.
« Grand public » et vaste public (les 50, 60 ou 100 000 lecteurs qu'évoque Giono) représentent-ils les mêmes
individus ? Ceux qui se distraient par le livre de poche sont-ils les mêmes qui regardent la télévision ou qui vont au
cinéma.
Ne faudrait-il pas esquisser une typologie de ces différents publics ?
Les critiques formulées par Giono sont pour la plupart justes.
La première notamment s'appuie sur la différence
radicale entre l'image et l'écrit (qui donne à voir et qui donne à construire par un système de signes au contraire).
Les autres arguments doivent en revanche être nuancés : Giono est un amoureux de livres et un détracteur de
l'image, comme le montre cette prophétie trop rapidement formulée : «le cinéma (qui s'éteint peu à peu)...
la
télévision (qui va s'éteindre) ».
II.
Le cinéma et la télévision peuvent-ils distraire et divertir aussi bien que le livre ?
A.
Le cinéma : un art à part entière.
Contrairement à ce que dit Giono, le cinéma mérite l'expression de « septième art ».
Il existe un cinéma de qualité, c'est un mode d'expression propre, ayant son histoire, ses écoles, ses styles, ses «
auteurs ».
• Exemples « d'auteurs », c'est-à-dire de metteurs en scène.
Citons quelques contemporains seulement : Visconti,
Costa Gavras, Jean-Luc Besson, Bertrand Blier et tant d'autres.
• Exemples d'écoles : le néo-réalisme italien, le cinéma soviétique d'après le Révolution, le film muet américain, le «
thriller », etc.
• Exemples d'acteurs entrés dans l'histoire du cinéma : Marilyn Monroe, James Dean, Ava Gardner, Buster Keaton,
Charles Vanel,
Louis Jouvet et, parmi les contemporains, Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Fanny Ardant...
• Exemples de scenari témoignant d'une authentique création : Trop belle pour toi de Bertrand Blier (rupture de la
temporalité, jeu avec les personnages, leur identité, leurs fantasmes), les films d'Alfred Hitchcock (Sueurs froides)..
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