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Jean Giraudoux fait dire à un personnage d'une de ces pièces de théâtre c'est d'une simplicité enfantine le propre du théâtre, c'est d'être réel dans l'irréel. qu'en pensez-vous ? Commentez et illustrez votre propos ?

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Jean Giraudoux fait dire à un personnage d'une de ces pièces de théâtre c'est d'une simplicité enfantine le propre du théâtre, c'est d'être réel dans l'irréel. qu'en pensez-vous ? Commentez et illustrez votre propos ?

« INTRODUCTION Depuis le milieu du xixe siècle, de nombreux artistes cultivent le réalisme ; mais les tentatives d'Henry Becque pour l'acclimater au théâtre n'ont pas fait beaucoup d'émules.

Les rapports entre la scène et la réalité sont toujours aussi vivement débattus, et Giraudoux conciliant deux positions extrêmes écrivait à ce sujet : « Le théâtre, c'est d'être réel dans l'irréel.

» L'irréel n'est-il pas en effet une nécessité au théâtre ? Les dramaturges contemporains en ont fait volontiers usage, et l'on peut se demander aussi dans quelle mesure ils n'atteignent pas ainsi une réalité plus profonde. I.

L'UNIVERS DRAMATIQUE EST IRRÉEL Le théâtre est par définition même le domaine de l'illusion ; pour lui donner plus de force suggestive, les théoriciens ont cherché des règles, des conventions efficaces. Les conventions du genre C'est ainsi que le genre impose à l'écrivain des limites étroites dans le temps et dans l'espace.

Les tragédies antiques se conforment à cette règle ; en France, les représentations de mystères au Moyen Age pouvaient durer plusieurs jours, mais dès le xvie siècle on parle des « trois unités ».

Cette règle, que l'on prétendait tirer d'Aristote, fut pour certains écrivains un carcan douloureux — et l'on sait les démêlés de Corneille avec les doctes qui lui reprochaient d'avoir violé dans le Cid les lois antiques de la composition dramatique.

De fait ce principe, approximativement appliqué, aboutit à une simplification de la réalité que l'on peut juger regrettable : combien d'invraisemblances certains écrivains ont dû accumuler pour enfermer leur œuvre « en un lieu, en un jour » ! D'ailleurs, en s'opposant à cette tradition, les Romantiques n'ont pas toujours évité d'autres écueils : le mélange de tons, la violence mélodramatique ne donnent pas nécessairement une impression de vérité. Le public Le public, il est vrai, impose de lui-même certains artifices : le goût des émotions fortes contraint l'auteur à ménager certains effets, à prévoir des coups de théâtre.

Le langage tenu par les personnages varie aussi selon le type de pièces : au xviie siècle, le spectateur savait qu'il entendrait à la représentation d'une tragédie des vers plus ou moins emphatiques.

Sartre, de nos jours, laisse ses personnages s'exprimer de façon triviale, si la réalité lui paraît l'exiger, mais pour Giraudoux le théâtre est « une école de beau langage ». Les décors Au-delà des mots, le problème essentiel semble se trouver dans le processus même de la représentation : le décor, si l'on met à part le cas des théâtres de plein air, ne peut restituer exactement la réalité.

Il n'est pour les classiques qu'« un palais à volonté ». Les metteurs en scène du xxe siècle sont plus exigeants : qu'ils recherchent la stylisation comme J.

Copeau, ou la magnificence comme G.

Baty, ils tentent d'appuyer le texte, de faire œuvre créatrice — et s'éloignent de la réalité.

Le théâtre est donc bridé, dans chacun de ses éléments, par un réseau de conventions qui justifient l'opinion de Giraudoux. II.

LE THÉÂTRE CONTEMPORAIN ACCUSE CET ASPECT IRRÉEL Les dramaturges classiques croyaient cependant suivre « la nature » ; les écrivains contemporains savent qu'ils ont nécessairement recours à l'illusion, et ne cherchent pas à le cacher.

Ils se jouent de leur propre jeu, et en font l'armature de leurs créations. La mise en scène Ils utilisent souvent le procédé antique du prologue : un personnage y vient révéler aux spectateurs les artifices de la mise en scène — comme dans le Soulier de Satin de Claudel —, ou le déroulement des événements — comme dans L'Antigone d'Anouilh. Les mythes Il s'agit, nous l'avons dit, d'un procédé utilisé dans les tragédies antiques.

Il est en effet curieux de voir que notre siècle, héritier des « Modernes » plus que des « Anciens », est représenté à la scène fréquemment par l'intermédiaire des mythes.

Anouilh reprend la légende d'Antigone, celle de Médée ; Giraudoux nous présente un trente-huitième Amphitryon, Electre, la guerre de Troie ; L'Orestie inspire aussi les Mouches de J.-P.

Sartre.

Partout la tradition est interprétée très librement, les anachronismes accusent l'invraisemblance de ces personnages qui franchissent trente siècles pour tricoter, fumer des cigarettes et boire « du vin clairet ». La fantaisie Si, dans de telles pièces, les costumes modernes peuvent parfois nous donner l'illusion de la réalité, le décor, délibérément fantaisiste, nous en éloigne aussitôt : tel est par exemple le palais d'Argos construit « en pierres gauloises qui suintent à certaines époques de l'année » et en marbre d'Argos «lequel, sans qu'on ait jamais su pourquoi, s'ensoleille soudain, même la nuit », si bien qu'il semble tantôt rire, tantôt pleurer.

Des procédés de ce genre font de certaines œuvres de Giraudoux de véritables poèmes. Personnages irréels Cet univers immatériel voit évoluer des personnages souvent bien étranges.

Dans Huis Clos, de Sartre, ils sont déjà morts, et, bien qu'ils s'expriment comme nous, certains détails les différencient tragiquement : ils ne cillent plus, ils ont le pouvoir torturant de voir ce qu'on fait sur terre de leur souvenir.

L'Ondine de Giraudoux, le spectre, dans Intermezzo, ne sont pas de notre monde non plus, et le Mendiant qui assiste Electre semble être l'émanation de quelque pouvoir surnaturel.

Dans des perspectives religieuses, P. Claudel marque ses personnages du sceau divin, élargit démesurément leur destin, jusqu'à leur donner des proportions surnaturelles : la douce et modeste Violaine devient sous nos yeux une sainte capable de susciter les miracles.

C'est ainsi que le théâtre moderne revendique donc l'irréalité au lieu de la réduire.

Est-ce par un goût gratuit de l'imaginaire ? III.

L'IRRÉEL SOURCE DE RÉEL En fait, sous une apparente fantaisie, la plupart des auteurs dramatiques contemporains cherchent à faire passer un message. C'est ainsi que les mythes antiques revêtent une valeur symbolique.

L'Antigone d'Anouilh, déchirée entre l'exigence de l'absolu et la tentation « du petit bonheur », pose le problème de l'adolescence, incarne la difficulté d'un choix fondamental entre l'idéal et les compromissions, entre l'intransigeance et l'acceptation.

L'Electre de Giraudoux, posant une question semblable, pousse jusqu'au bout la défense de la justice, sans regarder aux conséquences de son acte.

De tels personnages sont très proches du spectateur, et les résonances que donne à leurs paroles la légende lointaine renforcent les intentions de l'écrivain. Atmosphère vraie Les décors aussi, leur caractère fictif, peuvent traduire la réalité plus exactement qu'une copie : c'est ce qui peut faire la supériorité d'un tableau sur une photographie.

Dans une pièce, nous voyons l'univers parles yeux d'un dramaturge qui en accuse un aspect, le valorise à nos yeux : ce choix n'est-il pas légitime ? Claudel se justifie ainsi à propos du cadre du Soulier de Satin qui, dit-il, «comprime les pays et les époques, de même qu'à distance voulue, plusieurs lignes de montagnes séparées ne font qu'un seul horizon ». Personnages vrais Les personnages eux-mêmes, dans ce monde symbolique du théâtre, incarnent une réalité plus profonde que celle dont nous prenons conscience dans la vie quotidienne : l'affrontement insoutenable des protagonistes de Huis Clos est d'autant plus pénible que leur condamnation est éternelle : leur caractère surnaturel rend donc plus frappante la thèse de Sartre selon laquelle le regard d'autrui posé sur nos actes en fait la valeur.

Si Claudel choisit des personnages surhumains, c'est pour délimiter la part de l'homme qui revient à Dieu — et nul ne pouvant donner de la réalité une restitution totale, les vérités partielles qui sont ainsi dégagées n'ont de valeur que par leur force percutante ; or cette force dépend de la puissance que revêt le symbole choisi. CONCLUSION En prenant leurs distances par rapport au réel, les auteurs dramatiques obéissent aux lois d'un genre ; mais en même temps ils arrachent le spectateur à son sort quotidien, le dépaysent, lui présentent son existence sous un jour nouveau, plus lumineux que le jour naturel. C'est finalement le procédé de tout art, que de partir ainsi du réel pour le transfigurer, le rendre plus significatif, grâce à une élaboration arbitraire.. »

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