Jean Racine
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«
Jean Racine
Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi.
Si l'on veut essayer de comprendre Racine, il est essentiel de tenir compte, avant tout, des liens qui l'attachent
irrésistiblement à Port-Royal, liens d'autant plus solides et impérieux que Port-Royal ne cessa d'être persécuté.
Racine reçut de Port-Royal deux enseignements : l'amour infini de Dieu dont il ne se départit jamais, et une extrême
et maladive sensibilité devant l'esprit de persécution.
A côté de cet attachement à Port-Royal, il semble important de savoir que Racine était orphelin.
Il avait treize mois
quand il perdit sa mère, et moins de quatre ans à la mort de son père.
Racine, c'est d'abord Eliacin.
Après avoir été élevé par sa grand-mère, Marie des Moulins, de Port-Royal, avec les Vitart, gens de confiance de
Port-Royal, après avoir été au collège de Beauvais, collège recommandé par Port-Royal, Racine fait ses humanités à
l'École des Granges, grâce aux maîtres de Port-Royal.
Lancelot lui enseigne le grec, Hamon, le droit, Antoine le
Maître lui sert de "Papa".
Il baigne dans cette atmosphère de sainteté au milieu de ces "anges mortels" que sont les religieuses de Port-Royal
; sa tante Sainte-Thècle veille sur lui.
C'est dans cette maison de piété absolue qu'il reçoit la première révélation de
la Nature et ses odes, ses premiers pas poétiques pourraient être de la main d'Eliacin.
Il commençait sa vie comme il
devait la finir, en jouant Esther et Athalie.
Lorsque, le 1er octobre 1658, ayant terminé ses humanités, Racine se rend à Paris pour y faire sa philosophie au
collège d'Harcourt, il ne se doute pas du détour que désormais il sera obligé de faire avant de pouvoir revenir en ce
lieu solitaire et saint.
La retraite silencieuse et pure des chastes et saintes religieuses fait place au cabaret bruyant où l'on va "deux et
trois fois le jour".
On n'est pas sans aventures.
On est poète.
On compose des vers selon les circonstances.
On
cherche à les placer.
On se laisse aller à intriguer un peu auprès de Chapelain, de Perrault.
On écrit des odes pour le
roi Louis XIV.
On parle de belle mignonne de quatorze ans, et l'on se persuade de plus en plus que "l'Amour est celui
de tous les dieux qui sait le mieux le chemin du Parnasse".
Et, en dehors des concours poétiques auxquels on
participe pour se faire remarquer, on se met à penser au théâtre, au théâtre et particulièrement aux comédiennes.
Un beau jour, Racine part pour Uzès.
Encore tout frémissant des deux inoculations contradictoires que Port-Royal
d'une part et Paris de l'autre lui avaient injectées, il va avoir pendant deux ans l'occasion de les digérer, de les
assimiler, dans cette région reculée et quasi étrangère du Languedoc.
Le but de ce séjour est de trouver un bénéfice : un prieuré, une cure.
Racine se fait tonsurer, mais ne prend
toutefois pas l'habit.
Le monde ecclésiastique qui l'entoure le dégoûte.
Il s'irrite contre les moines, contre leur
paresse et leur sottise.
En revanche, ce pays l'inspire particulièrement sur le plan poétique.
Les amours n'y sont pas médiocres ; les
passions y sont démesurées.
Le climat surtout, la beauté antique de la Nature frappent définitivement ce savant
helléniste :
Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.
Port-Royal avait enfanté un premier Racine, que nous avons appelé Eliacin.
Paris, à l'époque du collège d'Harcourt,
en avait enfanté un second, une sorte de poète mondain mais passionné et farouche.
A Uzès, la nature aidant,
c'est ce dernier qui se confirme.
Le véritable poète se précise.
Lorsque Racine revient à Paris en 1633, le "monstre
naissant" est mûr pour écrire les Frères ennemis.
C'est cette année-là qu'il fait la connaissance de Boileau, "le meilleur ami et le meilleur homme qu'il y eût au monde",
le meilleur des conseillers, le plus précieux des hommes.
"Une belle amitié est ce qu'il y a au monde de plus doux."
Peu d'hommes auront été liés aussi étroitement.
Avec Boileau, c'est Pylade qui entre en scène.
Molière, de dix-sept ans son aîné, accueille et monte la Thébaïde.
En conséquence, la tante Sainte-Thècle se
redresse et envoie sa malédiction : "J'ai appris avec douleur que vous fréquentiez plus que jamais des gens dont le
nom est abominable à toutes les personnes qui ont tant soit peu de piété, et avec raison, puisqu'on leur interdit
l'entrée de l'Église et la communion des fidèles, même à la mort..."
Entre Racine et Port-Royal, l'orage fatal se prépare.
La rupture pénible est proche.
Quand il fait répéter sa deuxième tragédie, Alexandre, à la fois chez Molière et à l'Hôtel de Bourgogne, donnant
finalement sa préférence à ce dernier théâtre, sans aucun égard pour celui qui lui avait fait faire ses premiers pas, il
se conduit comme un goujat.
Le second Racine, le fauve, est arrivé à terme.
Il est bien décidé à la révolte : cette
révolte, c'est son ancien maître, Nicole, qui va la déclencher.
Nous sommes en 1666.
Racine a vingt-sept ans..
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