Joachim DU BELLAY (1522-1560) (Recueil : Les Regrets) - Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien
Extrait du document
«
Joachim DU BELLAY, Les Regrets, « Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien ».
1.
Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien,
2.
De ne m'avoir plus sage ou plus heureux fait naître),
3.
Pourquoi ne m'as-tu fait de moi-même le maître,
4.
Pour suivre ma raison et vivre du tout mien ?
5.
Je vois les deux chemins, et ce mal, et de bien :
6.
Je sais que la vertu m'appelle à la main dextre,
7.
Et toutefois il faut que je tourne à semestre,
8.
Pour suivre un traître espoir, qui m'a fait du tout sien.
9.
Et quel profit en ai-je ? O belle récompense !
10.
Je me suis consumé d'une vaine dépense,
11.
Et n'ai fait autre acquêt que de mal et d'ennui.
12.
L'étranger recueillit le fruit de mon service,
13.
je travaille mon corps d'un indigne exercice,
14.
Et porte sur mon front la vergogne d'autrui.
Du Bellay : poète français né vers 1522 et mort en 1560.
Premier poète de la Renaissance qui a consacré à
Rome toute une œuvre poétique en français et a utilisé pour cela le sonnet jusqu’alors réservé à l’évocation
amoureuse.
Sa rencontre avec Ronsard, qui devient son ami, est à l'origine de la formation de la Pléiade, groupe de poètes
auquel Du Bellay donna son manifeste, la Défense et illustration de la langue française.
En 1533, malgré des problèmes
de santé, du Bellay accompagne son oncle à Rome pour une mission diplomatique.
Cet exil de quatre ans commence
dans l'enthousiasme mais la capitale italienne qu'il avait tant magnifiée dans ses rêves, le déçoit.
De retour à Paris, en
1558, il publie Les Regrets, recueil de 191 sonnets d'inspiration élégiaque et satirique en alexandrins (dont le fameux
« Heureux qui comme Ulysse »).
Sa santé se détériore.
Sourd et malade, il meurt le 1er janvier 1560 à 37 ans.
« Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien ».
Sonnet > forme fixe composée de quatorze vers de 14 alexandrins, organisés en deux quatrains à rimes identiques
embrassées (ABBA ABBA) + de deux tercets.
Rimes du type CCD, EED dans les tercets > sonnet italien ou marotique.
Alternance respectée entre les rimes féminines (qui se terminent par –e, -es, -ent) et les rimes masculines.
I- Une triste condition
A- Reproches faits à la mère nature
• « Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien ».
-Assonance en [a] avec « marâtre ; nature ; marâtre ».
- « et / es » : sons très proches.
-Lyrisme avec le «Ô »… + personnification de la nature.
« Marâtre » > renvoie à la mère, à la mauvaise mère.
Répétition de « marâtre » > insistance.
Marâtre avec le suffixe –âtre a une connotation péjorative.
Reproche, critique
adressée à la nature.
Cf.
l’insistance dans la parenthèse.
• « De ne m'avoir plus sage ou plus heureux fait naître ».
Vers négatif avec le « ne ».
« Sage » et « heureux » qui ont des connotations mélioratives, qui expriment le bonheur
et la sagesse sont niés.
Cela est mis en valeur par la répétition de « plus ».
• « Pourquoi ne m'as-tu fait » > explique le reproche.
Question rhétorique qui lui permet d’exprimer ses reproches, ses
regrets…
• Évoque une vie heureuse.
Cf.
« vivre du tout mien » ; « « moi-même le maître » > autonomie du poète ; « suivre ma
raison » > poète sensé qui dirige sa vie comme il l’entend….
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