Joachim Du Bellay, Les Regrets (1558), XLVIII
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Joachim Du Bellay, Les Regrets (1558), XLVIII
Ô combien est heureux qui n'est contraint de feindre,
Ce que la vérité le contraint de penser,
Et à qui le respect d'un qu'on n'ose offenser1
Ne peut la liberté de sa plume contraindre !
Las, pourquoi de ce noeud sens-je la mienne éteindre,
Quand mes justes regrets je cuide2 commencer ?
Et pourquoi ne se peut mon âme dispenser3
De ne sentir son mal ou de s'en pouvoir plaindre ?
On me donne la gêne, et si4 n'ose crier,
On me voit tourmenter5, et si n'ose prier
Qu'on ait pitié de moi. O peine trop sujette !
Il n'est feu si ardent, qu'un feu qui est enclos,
Il n'est si fâcheux mal, qu'un mal qui tient à l'os,
Et n'est si grand' douleur, qu'une douleur muette.
1. Du Bellay se trouve à Rome en qualité d'intendant de la maison de son oncle, le Cardinal Jean Du Bellay.
2. cuider : croire.
3. se dispenser de : se permettre de.
4. si : pourtant.
5. on me voit tourmenter : on voit que l'on me tourmente.
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