Joseph CONRAD, L'agent secret
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Joseph CONRAD, L'agent secret
La terre paraissait un autre monde. Nous sommes accoutumés à regarder le corps entravé d'un monstre vaincu, mais là-bas - là-bas on avait sous les yeux une chose monstrueuse, et en liberté. C'était un autre monde, et les hommes étaient - non, ils n'étaient pas inhumains. Eh bien, voyez-vous, c'était ça le pire - se douter qu'ils n'étaient pas inhumains. Ça vous venait tout doucement. Ils hurlaient et bondissaient, et tournoyaient et faisaient d'horribles grimaces ; mais ce qui vous faisait frémir, c'était précisément l'idée de leur humanité - semblable à la vôtre - la pensée de votre lointaine parenté avec ce tumulte effréné et passionné. Affreux. Oui, c'était assez affreux ; mais si vous étiez assez viril, vous reconnaissiez en votre for intérieur qu'il y avait en vous rien qu'un soupçon de corde sensible à la terrible franchise de ce bruit, une vague notion qu'il recelait une signification que vous - vous si éloigné de la nuit des premiers âges - pouviez saisir.
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