Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : Les complaintes) - Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés
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Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : Les complaintes) - Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés Menez l'âme que les Lettres ont bien nourrie, Les pianos, les pianos, dans les quartiers aisés ! Premiers soirs, sans pardessus, chaste flânerie, Aux complaintes des nerfs incompris ou brisés. Ces enfants, à quoi rêvent-elles, Dans les ennuis des ritournelles ? " Préaux des soirs, Christs des dortoirs ! " Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas, Défaire et refaire ses tresses, Broder d'éternels canevas. " Jolie ou vague ? triste ou sage ? encore pure ? Ô jours, tout m'est égal ? ou, monde, moi je veux ? Et si vierge, du moins, de la bonne blessure, Sachant quels gras couchants ont les plus blancs aveux ? Mon Dieu, à quoi donc rêvent-elles ? A des Roland, à des dentelles? - " Coeurs en prison, Lentes saisons ! " Tu t'en vas et tu nous quittes, Tu nous quitt's et tu t'en vas ! Couvent gris, choeurs de Sulamites, Sur nos seins nuls croisons nos bras. " Fatales clés de l'être un beau jour apparues ; Psitt ! aux hérédités en ponctuels ferments, Dans le bal incessant de nos étranges rues ; Ah ! pensionnats, théâtres, journaux, romans ! Allez, stériles ritournelles, La vie est vraie et criminelle. " Rideaux tirés, Peut-on entrer? " Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas, La source des frais rosiers baisse, Vraiment ! Et lui qui ne vient pas... " Il viendra ! Vous serez les pauvres coeurs en faute, Fiancés au remords comme aux essais sans fond, Et les suffisants coeurs cossus, n'ayant d'autre hôte Qu'un train-train pavoisé d'estime et de chiffons. Mourir ? peut-être brodent-elles, Pour un oncle à dot, des bretelles ? "- Jamais ! Jamais ! Si tu savais! " Tu t'en vas et tu nous quittes, Tu nous quitt's et tu t'en vas, Mais tu nous reviendras bien vite Guérir mon beau mal, n'est-ce pas? " Et c'est vrai ! l'Idéal les fait divaguer toutes, Vigne bohème, même en ces quartiers aisés. La vie est là ; le pur flacon des vives gouttes Sera, comme il convient, d'eau propre baptisé. Aussi, bientôt, se joueront-elles De plus exactes ritournelles. " - Seul oreiller ! Mur familier ! " Tu t'en vas et tu nous laisses, Tu nous laiss's et tu t'en vas. Que ne suis-je morte à la messe ! Ô mois, ô linges, ô repas ! "
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