Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : L'Imitation de N.D la Lune) - Climat, faune et flore de la lune
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Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : L'Imitation de N.D la Lune) - Climat, faune et flore de la lune Des nuits, ô Lune d'Immaculée-Conception, Moi, vermine des nébuleuses d'occasion, J'aime, du frais des toits de notre Babylone, Concevoir ton climat et ta flore et ta faune. Ne sachant qu'inventer pour t'offrir mes ennuis, Ô Radeau du Nihil aux quais seuls de nos nuits ! Ton atmosphère est fixe, et tu rêves, figée En climats de silence, écho de l'hypogée D'un ciel atone où nul nuage ne s'endort Par des vents chuchotant tout au plus qu'on est mort ? Des montagnes de nacre et des golfes d'ivoire Se renvoient leurs parois de mystiques ciboires, En anses où, sur maint pilotis, d'un air lent, Des Sirènes font leurs nattes, lèchent leurs flancs, Blêmes d'avoir gorgé de lunaires luxures Là-bas, ces gais dauphins aux geysers de mercure. Oui, c'est l'automne incantatoire et permanent Sans thermomètre, embaumant mers et continents, Etangs aveugles, lacs ophtalmiques, fontaines De Léthé, cendres d'air, déserts de porcelaine, Oasis, solfatares, cratères éteints, Arctiques sierras, cataractes l'air en zinc, Hauts-plateaux crayeux, carrières abandonnées, Nécropoles moins vieilles que leurs graminées, Et des dolmens par caravanes, - et tout très Ravi d'avoir fait son temps, de rêver au frais. Salut, lointains crapauds ridés, en sentinelles Sur les pics, claquant des dents à ces tourterelles Jeunes qu'intriguent vos airs ! Salut, cétacés Lumineux ! et vous, beaux comme des cuirassés, Cygnes d'antan, nobles témoins des cataclysmes ; Et vous, paons blancs cabrés en aurores de prismes ; Et vous, Foetus voûtés, glabres contemporains Des Sphinx brouteurs d'ennuis aux moustaches d'airain, Qui, dans le clapotis des grottes basaltiques, Ruminez l'Enfin ! comme une immortelle chique ! Oui, rennes aux andouillers de cristal ; ours blancs Graves comme des Mages, vous déambulant, Les bras en croix vers les miels du divin silence ! Porcs-épics fourbissant sans but vos blêmes lances ; Oui, papillons aux reins pavoisés de joyaux Ouvrant vos ailes à deux battants d'in-folios ; Oui, gélatines d'hippopotames en pâles Flottaisons de troupeaux éclaireurs d'encéphales ; Pythons en intestins de cerveaux morts d'abstrait, Bancs d'éléphas moisis qu'un souffle effriterait ! Et vous, fleurs fixes ! mandragores à visages, Cactus obéliscals aux fruits en sarcophages, Forêts de cierges massifs, parcs de polypiers, Palmiers de corail blanc aux résines d'acier ! Lys marmoréens à sourires hystériques, Qui vous mettez à débiter d'albes musiques Tous les cent ans, quand vous allez avoir du lait ! Champignons aménagés comme des palais ! Ô Fixe ! on ne sait plus à qui donner la palme Du lunaire ; et surtout, quelle leçon de calme ! Tout a l'air émané d'un même acte de foi Au Néant Quotidien sans comment ni pourquoi ! Et rien ne fait de l'ombre, et ne se désagrège ; Ne naît, ni ne mûrit ; tout vit d'un Sortilège Sans foyer qui n'induit guère à se mettre en frais Que pour des amours blancs, lunaires et distraits ..... Non, l'on finirait par en avoir mal de tête, Avec le rire idiot des marbres Egynètes Pour jamais tant tout ça stagne en un miroir mort ! Et l'on oublierait vite comment on en sort. Et pourtant, ah ! c'est là qu'on en revient encore Et toujours, quand on a compris le Madrépore.
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