Kleber Haedens écrivait dans Paradoxe sur le roman : « Il est très dangereux de lier le sort d'une oeuvre d'art au sort d'une époque. Ce que nous voyons de notre époque n'est sans doute pas ce que les siècles futurs en verront... Les grandes oeuvres ne sont jamais essentiellement une peinture des moeurs. » Sans vous en tenir nécessairement au roman, vous vous demanderez quelle place occupe, dans les oeuvres littéraires et artistiques que vous choisirez d'analyser, le témoignage sur leu
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Kleber Haedens écrivait dans Paradoxe sur le roman : « Il est très dangereux de lier le sort d'une œuvre
d'art au sort d'une époque.
Ce que nous voyons de notre époque n'est sans doute pas ce que les siècles
futurs en verront...
Les grandes œuvres ne sont jamais essentiellement une peinture des mœurs.
» Sans
vous en tenir nécessairement au roman, vous vous demanderez quelle place occupe, dans les œuvres
littéraires et artistiques que vous choisirez d'analyser, le témoignage sur leur époque.
La représentation de la réalité, qu'elle soit revendiquée ou au contraire rejetée, est au cœur du débat artistique.
Pourtant, selon Kleber Haedens, « il est très dangereux de lier le sort d'une œuvre d'art au sort d'une époque.
Ce
que nous voyons de notre époque n'est jamais sans doute ce que les siècles futurs en verront...
Les grandes
œuvres ne sont jamais essentiellement une peinture des mœurS.
» Pour son auteur, l'œuvre d'art est
indiscutablement liée à son époque quel que soit le parti pris esthétique du créateur.
Cependant, nous savons
qu'une authentique œuvre d'art doit subir victorieusement l'épreuve du temps, résister aux modes, bref posséder
une part d'intemporalité.
Comment concilier ces deux exigences ? Quelle place occupe, dans les créations
artistiques, le témoignage sur leur époque ? Nous distinguerons les œuvres qui revendiquent une fonction de
témoignage pour les opposer à celles qui fuient volontairement le réel et enfin nous tenterons d'évaluer la place de
celui-ci et comment il doit être transfiguré par le creuset artistique.
Comme l'écrit Kleber Haedens, certaines œuvres et certains mouvements lient leur sort à celui de leur époque.
C'est
le cas du courant réaliste et de l'art engagé.
Contrairement à l'opinion répandue, le réalisme est un courant permanent de l'expression artistique depuis l'Antiquité
: fabliaux du Moyen Âge, pages de Rabelais, romans réalistes du xviie et du xviiie siècles, drame bourgeois des
philosophes des Lumières.
Cependant le mouvement culmine au xixe siècle avec les écrivains chefs de file du
Réalisme, puis du Naturalisme : Balzac, Stendhal, Flaubert, Maupassant, Zola, les frères Goncourt.
Si différents
soient-ils, ces écrivains se réclament de la réalité.
Leurs sources (d'authentiques « affaires » sont à l'origine du
Rouge et le Noir de Stendhal et de Madame Bovary de Flaubert), leurs méthodes de travail (innombrables lectures
pour Flaubert assorties d'enquêtes sur le terrain pour Zola), l'ampleur de leurs projets ( La Comédie humaine de
Balzac et Y Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire de Zola) le démontrent.
La présence de
la réalité éclate à chaque page : le monde normand de Flaubert et de Maupassant, les différents milieux peints par
Zola s'imposent au lecteur qui peut y puiser maints renseignements.
D'autres époques, également riches en
transformations et en révélations politiques, sociales, économiques et psychologiques, ont suscité des textes
réalistes.
Citons la Première Guerre mondiale dont témoignent des écrivains aussi différents que Remarque (A
l'Ouest, rien de nouveau), Genevoix (La Boue), Dorgelès (Les Croix de bois), Barbusse (Le Feu) ou Apollinaire.
Ces
écrivains témoignent de l'horreur quotidienne de cet enfer qu'ils souhaitent ne jamais voir se renouveler : la
littérature sert le rêve de « la Der des Ders »...
Le réalisme en littérature semble bien vivant : Troyat, Bazin entre
autres en assurent la continuité.
Ces constatations valent pour d'autres formes artistiques : l'art du portrait et le
genre de la nature morte parallèlement aux peintres se réclamant ouvertement du Réalisme comme Courbet (avec le
célèbre et scandaleux en son temps, Enterrement à Ornans) témoignent d'une même volonté esthétique.
L'art engagé, non seulement prend en compte la réalité, mais la dénonce et descend parfois dans l'arène politique.
De nouveau, les époques troublées sont les plus propices à ces prises de positions.
1789 et l'ensemble des années
révolutionnaires voient fleurir des discours, des chansons, des pièces de théâtre.
La Résistance pendant la Seconde
Guerre mondiale trouve un écho chez les écrivains {Le Silence de la Mer de Vercors) et les poètes (Éluard, Aragon,
Tardieu...).
Un événement comme le bombardement par les Allemands du village de Guernica est à l'origine de la
célèbre toile de Picasso et d'un poème d'Éluard.
Goya, en son temps, avait stigmatisé l'occupation napoléonienne
avec deux toiles : le Deux Mai et le Trois Mai.
Les cinéastes, grâce à l'image et au vaste public qu'ils rassemblent,
ont parfois ce rôle.
Costa Gavras dénonce le pouvoir des Colonels grecs (Z),la chute du président Allende (Missing),
d'autres films évoquent la personnalité de Gandhi ou le problème de Y apartheid ( Cry Freedom).
Indiscutablement lié
à son époque, généreux dans ses intentions, l'art engagé a ses grandeurs et ses limites.
Il s'épanouit plus dans la
contestation individuelle que dans la soumission au pouvoir.
L'art engagé se dénature quand il devient art officiel,
que ce soit celui de Napoléon, de Mussolini, de Staline ou d'Hitler...
La reproduction ou même la présence du réel ne sont pas uniformément revendiquées par l'ensemble des
mouvements et des genres artistiques.
Quels sont ces mouvements, ces genres ? Quelles difficultés rencontre-t-on
à vouloir témoigner de son époque ?
Au Réalisme et au Naturalisme, il convient d'opposer le pur esthétisme.
Déjà, un poète romantique comme Musset
s'oppose aux prises de position politiques de Victor Hugo et de Lamartine.
Le poète Leconte de Lisle, précisément
déçu par l'échec de la Révolution de 1848 (le coup d'État du prince Louis Napoléon Bonaparte alimente au contraire
la veine satirique de Hugo, poète des Châtiments) prône le désengagement et le culte de la Beauté.
Les poètes du
Parnasse voient en lui leur maître et Théophile Gautier devient le champion de l'Art pour l'Art.
Retrait du monde
vulgaire, apologie de l'esthétisme, quête de la pure beauté guident également des écrivains comme Huysmans et
Oscar Wilde (Le Portrait de Dorian Gray).
De même, certains genres littéraires fuient le réel.
Le roman d'analyse consacre l'essentiel de ses préoccupations
aux peintures psychologiques, à l'étude de la passion, qu'elle se fasse à la cour d'Henri II {La Princesse de Clèves de
Madame de La Fayette), au xixe siècle {Adolphe de Benjamin Constant) ou pendant la guerre de 1914-1918 {Le
Diable au corps de Radiguet).
Le conte merveilleux, quand il devient une mode littéraire (c'est-à-dire à la fin du xviie.
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