LA CHANSON DE ROLAND
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LA CHANSON DE ROLAND.
1.
L'Histoire et la Légende — L'Histoire.
— Éginhard ou Einhard nous a laissé le récit très succinct des
événements historiques transformés en légende' dans la Chanson de Roland.
Charlemagne revenait d'une expédition
contre les Sarrazins dans le nord de l'Espagne.
Son arrière-garde, commandée par le comte de la marche de
Bretagne (Bretagne française), Roland ou Hroland, fut surprise dans la vallée de Roncevaux par les montagnards
basques.
Ceux-ci, armés à la légère et habitués à combattre parmi les rochers et les précipices, eurent facilement
raison de chevaliers pesamment armés et étrangers au pays.
Les Francs furent cernés, écrasés; et Charlemagne ne
put tirer aucune vengeance de cet affront (778).
La Légende.
— De Roland, on fit le neveu de Charlemagne (nous ne savons pourquoi) et l'un des douze pairs de
France.
A ses côtés, dans l'arrière-garde, on plaça Olivier (dont la soeur, Aude, est fiancée à Roland), l'archevêque
Turpin, et les autres pairs de France.
Cette arrière-garde se composa donc de l'élite des barons chrétiens, au
nombre de vingt mille.
Il fallait leur donner des adversaire dignes d'eux.
Comment tolérer que Roland, Olivier, Turpin et leurs héroïques
compagnons aient été écrasés sous des quartiers de rocher, dans une embuscade dressée par des Basques,
ennemis obscurs et insaisissables ? Les Francs revenant d'Espagne seront donc attaqués à Roncevaux par cent mille
Sarrazins, bien armés et très braves.
Et fon oubliera que pareilles armées ne pouvaient évoluer à Roncevaux.
Dans la
pensée des trouvères du Nord, de Roncevaux il ne restera plus qu'un décor ténébreux et grandiose, une toile de
fond avec des rocs, des pins, plantés comme des portants de théâtre.
Une modification en amène une autre.
Est-il vraisemblable que les Sarrazins aient osé attaquer cette arrière-garde,
ou que celle-ci se soit laissé surprendre ? Alors, trait essentiellement populaire et primitif, naît la pensée de la
trahison.
Dans toutes les littératures, la mort des héros est attribuée à l'intervention d'un traître.
(C'est par trahison
que Pâris tue Achille, que Hagen tue Siegfried, que Laerte tue Hamlet...
Cf.
les morts historiques, presque toujours
attribuées par le peuple à la trahison ou au poison.) Charlemagne, qui vient de traiter avec le roi sarrazin Marsile,
quitte le pays en toute sécurité; mais Ganelon a préparé, comme 'une vengeance personnelle, la mort de Roland.
Il n'est pas possible enfin que pareil affront soit resté sans représailles.
Et tandis que, dans la réalité, Charlemagne
n'avait jamais pu châtier les Basques, on le verra, dans la légende, revenir en Espagne, pour exterminer les Sarrazins
et, d'autre part, punir le traître Ganelon.
Bien entendu, tous les éléments sont agrandis en proportion, et il y a une sorte de logique surprenante dans ce
travail.
A la qualité des héros, à leur vertu, à l'importance du combat, à la beauté du décor, correspondent des
caractères dont la vraisemblance relative paraît avoir été calculée par un artiste
conscient, — et un merveilleux tout à fait approprié.
Mais ce qui doit surtout nous frapper dans la genèse obscure de la plus belle de nos Chansons, c'est que le héros
succombe, qu'il est responsable de sa défaite, par son orgueil, sa "desmesure", et que sa mort y est glorifiée.
2.
Plan et Analyse critique.
— Simplicité et clarté du plan.
— Le plan général du Roland est simple et facile à
saisir; il est d'une clarté toute française
et d'une construction dramatique; il contient une exposition, un noeud et un dénouement ; ce dénouement, il est
vrai, est double et prolongé.
— L'exposition est formée par les préparatifs du départ de Charlemagne et de la
trahison de Ganelon; — le noeud, c'est l'épisode où Roland refuse d'appeler Charles son secours, et engage une
bataille inégale ; — le dénouement, c'est d'abord la mort de Roland, puis la punition des Sarrazins et du traître.
Aucun épisode étranger à l'action ne rompt la suite du développement; si les entretiens de Ganelon avec Blancandrin
et Marsile, si les combats entre Francs et Sarrazins nous paraissent trop délayés, toujours est-il que nous ne
sortons jamais du sujet.
Analyse de la Chanson de Roland.
— Depuis sept ans, Charlemagne est on Espagne; il ne lui reste plus à
triompher que de Saragosse et du roi Marsile.
Or celui-ci, demande la paix; et c'est à ce moment précis que le
poème commence.
Pour discuter les propositions du Sarrazin, Charlemagne convoque ses barons.
Après une
délibération à laquelle prennent part le vieux duc Naîmes, Roland, Olivier, l'archevêque Turpin, Ganelon, le traité de
paix est accepté en principe; mais il s'agit de désigner un ambassadeur, qui partira avec les envoyés musulmans et
traitera directement avec Marsile.
La mission est dangereuse : Roland la réclame avec impétuosité.
Charlemagne
refuse de la lui confier ; il ne veut pas davantage de Turpin, ni d'Olivier.
C'est alors que, sur l'avis de Roland,
l'Empereur choisit Ganelon ; et celui-ci en conçoit une vive colère.
Tout en cheminant vers Saragosse, aux côtés du
Sarrazin Blancandrin, Ganelon prépare sa trahison ; et quand il est en présence de Marsile, il promet de faire placer
Roland et les autres pairs à l'arrière-garde, de façon à ce que les Sarrazins puissent surprendre et massacrer à
Roncevaux l'élite de la chevalerie française.
Charlemagne, après le retour de Ganelon, est parti pour la France.
Roland avec l'arrière-garde vient de pénétrer
dans les défilés des Pyrénées, quand il se sent entouré par l'ennemi.
Olivier lui conseille de sonner son cor, pour
rappeler Charlemagne ; par trois fois Roland refuse, et la bataille s'engage.
Après des exploits héroïques, tous les
barons français succombent.
Seuls, survirent Olivier, Turpin et Roland.
Celui-ci se décide à sonner son olifant.
Sous
l'effort de sa voix, ses tempes se brisent, mais le son arrive aux oreilles de l'Empereur, qui revient en grande hâte,
après avoir fait enchaîner Ganelon, dont il comprend trop tard la félonie.
A Roncevaux, Olivier meurt; après lui,
Turpin; enfin Roland essaye de briser sa Durandal contre le rocher, et ne pouvant y parvenir, il met sous lui son
épée et son olifant, et meurt, la tète tournée vers l'Espagne, et tendant à Dieu le gant de sa main droite..
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