La littérature a-t-elle pour seule fonction de faire réfléchir ?
Extrait du document
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Analyse du sujet et problématisation
Il s'agit d'un sujet sur la littérature en général.
Il importe donc de définir ce qu'on entend par « littérature » ;
la littérature peut être définie comme toute production de textes écrits à visée artistique et esthétique.
On prendra
ici littérature au sens plus concret d'œuvre littéraire.
Le sujet invite donc à mobiliser des références issues de tous
les genres littéraires.
Le verbe « réfléchir »est aussi très vague et mérite d'être précisé.
Réfléchir c'est penser activement,
analyser, chercher…Si la littérature a pour fonction de faire réfléchir c'est qu'elle interroge sur autre chose qu'ellemême, c'est qu'elle pousse le lecteur à penser au delà su texte littéraire et à voir comment ce texte introduit des
questions et des problèmes qui dépassent le domaine de la littérature (on peut penser au sens plus technique du
verbe « réfléchir » qui signifie renvoyer par réflexion : cf.
le miroir qui réfléchit la lumière la renvoie sur autre chose à
de même la littérature en faisant réfléchir renvoie à autre chose qu'elle-même).
Le verbe « réfléchir » implique aussi
un rôle important de l'esprit et de son pouvoir d'analyse et s'oppose ainsi à l'idée d'une littérature émotionnelle,
fondée seulement sur les sentiments.
L'emploi de l'adjectif « seule » montre qu'il faut prendre cette fonction de la littérature en compte mais
implique qu'il faille la dépasser.
Il est présupposé ici que la littérature ne se réduit pas à une dimension seulement
réflexive.
Problématique : Si la littérature amène nécessairement le lecteur à une réflexion plus poussée et plus
générale sur des sujets dépassant le cadre même de la littérature, elle ne se réduit pas à cette seule fonction.
Quelles sont donc, dès lors, les fonctions de la littérature ? A quoi sert-elle ?
Ce sujet met en jeu les fonctions et les apports de la littérature au lecteur.
I)
La littérature sert certes à faire réfléchir…
La littérature a bien sûr pour fonction de mener à une réflexion dans plusieurs domaines.
- La littérature peut amener le lecteur à une réflexion philosophique mettant en jeu des concepts et idées
universelles.
Ex : La Nausée , un roman philosophique, où Sartre met en œuvre son talent de romancier pour incarner les
concepts philosophiques qu'il théorisera dans l'Etre et le Néant.
Pour faire simple, on peut considérer que SartreRoquentin met en évidence les deux notions antagonistes :
·
l'en-soi, qui est, la contingence, ce qui peut ne pas être et qui s'oppose au nécessaire,
·
et le pour-soi, la conscience, qui en permettant à l'homme de prendre de la distance par
rapport à l'en-soi, aboutit à sa néantisation.
Les actes d'un homme libre sont toujours
contingents.
C'est dans la scène du jardin public, que Roquentin est frappé, comme par un coup de tonnerre, par
l'évidence de cette contingence en examinant la racine d'un marronnier, qui se trouve devant lui, qui existe en soi et
non à travers sa fonction de pompe à nourriture pour l'arbre.
Cette révélation lui fournit l'explication de son malaise,
de la nausée qu'il éprouve depuis qu'il séjourne à Bouville.
- La littérature peut introduire une réflexion politique et sociale.
C'est le cas de tous les apologues, tels les
Fables de La Fontaine, qui, à travers une histoire divertissante pose un œil satirique et invite à une réflexion critique
sur la société.
C'est aussi le cas de la littérature concentrationnaire qui utilise le média littéraire pour témoigner de
l'atrocité de l'expérience concentrationnaire et faire que cela n'arrive plus jamais.(cf.
Primo Lévi, Si c'est un homme)
- La littérature sert aussi souvent à faire réfléchir le lecteur sur lui-même, elle favorise l'introspection.
C'est
le cas souvent des autobiographies : l'autobiographe propose sa propre introspection mais par là même transfère ce
désir voire cette nécessité d'introspection sur son lecteur.
C'est souvent aussi le cas du théâtre où le spectateur
est mis face à ses propres passions telles qu'elles sont représentées sur la scène ( cf.
le concept de catharsis)
- La littérature a aussi une importante fonction auto-réfléxive : elle permet de réfléchir sur elle-même.
Ainsi
l'autobiographie sartrienne Les Mots apparaît-elle paradoxalement davantage comme une réflexion sur la littérature
que comme une introspection ; les souvenirs d'enfance, analysés à la lueur du présent amènent Sartre à mettre en
garde contre la littérature, à travers son œuvre littéraire ! Les Mots montrent que la littérature est un leurre, elle
est un mensonge qui nous fait prendre les mots pour des choses et les images du réel pour le réel.
"L'enfant que
j'étais, dit Sartre, trouvait à l'idée plus de réalité qu'à la chose" ou encore "pour avoir découvert le monde à travers
le langage, je pris longtemps le langage pour le monde".
Bref, la littérature est "une longue, amère et douce folie
dont il est urgent de guérir".
II)… mais elle peut aussi être envisagée comme un pur divertissement…
- La littérature peut avoir une fonction seulement divertissante, initiant au plaisir des mots et des « bons
mots ».
Elle peut être envisagée comme un plaisir mondain, favorisant la conversation.
C'est la conception de la
littérature telle qu'elle est véhiculée dans les salons mondains du XVIIe siècle où l'on se divertissait par la lecture de
contes et où les jeux favoris étaient des jeux littéraires, tel le jeu du « bout-rimé ».
Cette littérature de pur
divertissement c'est aussi celle des romans de gare ou du théâtre de boulevard..
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