La mise en scène est-elle une recréation ?
Extrait du document
«
La transposition de l'œuvre théâtrale vers sa représentation pose le problème de la fidélité au texte.
Pour ces
raisons il est intéressant de s'interroger sur le rôle du metteur en scène : peut-il ou doit-il rester fidèle à la pièce
qu'il souhaite faire jouer? La mise en scène est-elle l'aboutissement de la création ou une recréation inévitable?
I/Texte et représentation : deux éléments complémentaires
·
Le théâtre comprend différents types de pièces (comédie, drame, tragédie, tragi-comédie).
Son idéal est de
représenter, c'est-à-dire étymologiquement de « rendre présent ».
La mise en scène, l'exhibition des acteurs,
l'ensemble des éléments capables de faire vivre cette représentation du monde réel (cf.
mimésis : « imitation »
en grec, théorie élaborée par Aristote) sont au cœur du spectacle, mais pas uniquement.
Sa fonction principale
est de plaire, c'est la raison pour laquelle ce sont souvent les grandes émotions humaines qui y sont
représentées (tels que les drames de la destinée, les conflits du pouvoir, les mythes fondamentaux de la
condition humaine, le procès éternel des mystifications sociales…).
·
Certes la lecture d'une pièce de théâtre offre de nombreux avantages.
Elle laisse libre cours à l'imagination.
Pour autant sa représentation ne doit être négligée.
Le théâtre, en effet, est avant tout créé pour être joué.
Le
jeu scénique permet de matérialiser les éléments de la pièce, et facilite ainsi l'accès à la compréhension de
l'œuvre.
Il offre en même temps une vision et une audition aux spectateurs.
C'est pourquoi de l'Antiquité
jusqu'au siècle classique les mythes sont souvent repris dans les tragédies (le mythe d'Electre dans Les
Euménides d'Eschyle, Electre d'Euripide et Electre de Sophocle).
Notons encore que nos dramaturges les plus
célèbres comme Corneille, Molière ou encore Racine étaient à la fois auteurs et metteurs en scène, et que leurs
représentations respectives étaient le reflet de l'aboutissement de leur création.
·
De plus, ce que nous considérons sous l'appellation : « pièces à lire » n'apparaît qu'au
cours du XIXe siècle avec des auteurs romantiques comme Musset (Lorenzaccio) ou
encore Hugo (Cromwell).
Dans chacune de ces pièces de théâtre, des didascalies sont
composées en parallèle des répliques, pour indiquer l'espace scénique ou le jeu d'acteur
au lecteur passif.
Cette présence laisse suggérer l'intention latente des auteurs : ces
derniers souhaitent que leurs œuvres soient mises en scène et qu'elles le soient selon
leur volonté.
On ne peut vraisemblablement pas parler de recréation pour ce genre de
mise en scène.
II/La mise en scène : le choix d'une libre interprétation de l'œuvre
·
·
·
Toutefois nous devons émettre certaines objections.
Le lecteur (ou le public) de
l'œuvre est toujours convié à apprécier une double création artistique.
On ne peut pas contredire le fait que la
participation à une lecture et à une représentation soit absolument dissemblable, tant par les sens qu'elles
mobilisent que par la stabilité de la création.
C'est-à-dire qu'un texte de théâtre produit sur support papier reste
fixe et qu'en cela il ne lui reste plus qu'à être reproduit, retravailler par le metteur en scène.
Chaque
représentation devient donc unique.
En ce sens elle apparaît sous les traits d'une recréation.
De la sorte, nous possédons deux voies majeures pour aborder une pièce de théâtre : soit l'on est
spectateur, soit lecteur.
La représentation a pour objet de présenter de nouveau une pièce de théâtre, avec
parfois, des transformations éventuelles d'une représentation à l'autre, ce qui la rend unique.
Chaque
représentation est alors une recréation de la pièce par le metteur en scène.
Elle noue un lien unique entre les
spectateurs et les acteurs qui contemplent la scène.
Néanmoins chaque metteur en scène (toutes époques confondues) a pour devoir de respecter le texte, même
si ce celui-ci lui est infidèle.
Ils en font une lecture approfondie, et l'utilisent à des fins de créativité personnelle.
Prenons pour exemple la pièce de Shakespeare : Roméo et Juliette.
N'est-elle pas l'une des pièces qui subi le
plus de transpositions et de transformations ? Il n'en demeure pas moins que l'essentiel (désiré par le
dramaturge) a été préservé.
Il s'agit invariablement de « deux familles, égales en noblesse, dans la belle Vérone,
(…).
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies, a pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple
d'amoureux, dont la ruine néfaste et lamentable doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
Les
terribles péripéties de leur fatal amour et les effets de la rage obstinée de ces familles, que peut seule apaiser la
mort de leurs enfants, vont en deux heures être exposés sur notre scène.
» Cette trame est reconstituée
fidèlement jusqu'au film de Baz Lurhmann (1997), pourtant tout le décor a été recréé et la scène transposée
dans une autre époque, véhiculant des mœurs différentes..
»
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