La musique Allemande de Bruckner à Strauss
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La musique Allemande de Bruckner à Strauss
" Voici l'homme providentiel ! Nous vivons à une époque musicienne par excellence.
Un jeune homme dont la musique nous touche au plus
profond de notre âme, et qui, j'en suis convaincu, suscitera la plus grande révolution dans le domaine de la musique ".
C'est en ces termes que
Robert Schumann, en automne 1863, annonça dans une lettre l'apparition dans le monde musical de Johannes Brahms (1833-1897), alors âgé de
vingt ans.
Schumann était convaincu qu'un musicien apparaîtrait, capable de réagir contre la " Nouvelle École allemande " inaugurée par Wagner
et Liszt ; ce musicien, en même temps, perpétuerait les tendances de la musique romantique allemande, dont Schumann était l'un des plus nobles
représentants, et insufflerait à ces tendances un esprit nouveau.
Brahms a réalisé entièrement ces prophéties de Schumann et accompli les tâches
que celui-ci lui avait assignées ; elles déterminent en effet sa vie et son oeuvre tout entières.
Mais c'est son génie qui lui permit d'être plus qu'un
opposant ou qu'un simple épigone.
Lorsque Brahms, venant de Hambourg, en 1863, fait de Vienne sa nouvelle patrie, sa personnalité d'artiste, après dix ans d'une vie errante et
romantique, montre déjà une physionomie nettement accusée ; là même où Gluck, Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert avaient trouvé leur
champ d'action, BrahmsM006 lui-même trouve l'ambiance nécessaire pour réaliser, par ses symphonies, ses oeuvres chorales et ses oeuvres de
musique de chambre, la synthèse de l'époque préclassique (représentée par les vieux maîtres de la musique vocale italienne, par Bach et par
Haendel) avec la musique classique viennoise et la musique romantique allemande.
Il crée ainsi le " style Brahms " qui, par son originalité, est
l'aboutissement d'un demi-millénaire d'évolution musicale et qui, en même temps, ouvre la voie à de nouvelles découvertes.
C'est par une discipline de fer que BrahmsM006 a pu accomplir les oeuvres qui lui assurent l'immortalité.
Il ne céda jamais à la facilité ; c'est avec
un esprit de critique implacable qu'il juge ses propres créations.
Toute sa force et toute sa volonté sont tendues vers l'oeuvre à laquelle il a sacrifié
sa vie.
Il ne trouve dans celle-ci aucune satisfaction.
Dans son art, en revanche, il réussit à concilier des éléments qui paraissent incompatibles :
liberté et indépendance, fantaisie et ordre, progrès et tradition s'unissent, en effet, chez lui en un tout organique, en une nouvelle unité, à laquelle
l'âpre force, la mélancolie nostalgique et la gaieté contenue du tempérament de BrahmsM006 confèrent un caractère unique et personnel.
A Vienne qui, grâce à BrahmsM006, est redevenue une citadelle de la " musique pure ", BrahmsM006 eut comme contemporains les deux plus
grands émules que Richard WagnerM056 ait trouvés en dehors de l'opéra : Anton BrucknerM007 (1824-1896) et Hugo Wolf (1860-1903).
Tous les
deux se distinguent de BrahmsM006 non seulement par leurs conceptions artistiques, mais encore par leur tempérament : la réserve et la retenue
de BrahmsM006 forment un contraste marqué avec la musicalité spontanée de BrucknerM007 et avec l'exaltation nerveuse de Hugo Wolf.
Ce qui
est commun à tous les trois, c'est leur volonté d'intérioriser la musique toujours davantage, ce qui les éloigne de l'opéra.
On peut considérer BrucknerM007 comme " wagnérien ", et cela surtout à cause de son admiration sans bornes pour le maître de Bayreuth, mais
aussi parce que BrucknerM007 s'est approprié les découvertes de Wagner dans le domaine de l'harmonie et de l'orchestration pour les appliquer à
sa propre création musicale.
Le caractère fondamental de son oeuvre qui, après une longue période de préparation, atteint son point culminant
dans les neuf symphonies et dans les quatre messes, est la profonde piété mystique d'un fervent catholique qui compose chacune de ses oeuvres
" ad majorem Dei gloriam " et qui dédie sa dernière oeuvre la IXe SymphonieM007M1 restée inachevée " Au Bon Dieu " expressément.
Cette
volonté de magnifier Dieu dans la musique toujours plus puissante explique les dimensions grandioses de ses oeuvres et fait comprendre les
efforts toujours renouvelés de BrucknerM007 dans son ascension jusqu'à l'apothéose finale.
D'autre part, l'esprit de l'orgue est un facteur
déterminant dans l'inspiration de BrucknerM007 ; il jouait de cet instrument en virtuose et surtout en génial improvisateur.
Sa vie fut d'une
simplicité extrême : il ne vivait que pour son art et pour sa religion ; la fonction d'organiste, ainsi que l'enseignement, n'étaient pour lui que de
lourdes nécessités matérielles ; il n'eut ni le temps ni l'envie de se vouer à des activités intellectuelles d'un ordre supérieur.
Au contraire, Hugo Wolf, lui, fut un écrivain brillant ; pendant la période où il exerça les fonctions de critique musical à Vienne, il lutta avec une
bravoure extraordinaire et un esprit des plus satiriques contre BrahmsM006 et ses disciples.
Sa culture littéraire très poussée devait suppléer au
don poétique qui lui manquait, et le choix, ainsi que l'assemblage des textes de ses lieder, témoigne d'une grande finesse d'esprit et d'une
sensibilité aiguë.
Hugo Wolf, dans la manière d'en interpréter, par la musique, les nuances les plus subtiles, dépassait de beaucoup Wagner ; il
créa ainsi un style du lied entièrement nouveau et personnel.
L'accompagnement de ses lieder, par la variété de ses rythmes et de sa polyphonie,
ainsi que par la finesse de son harmonie, égale l'orchestration de Wagner.
Dans son unique opéra, le Corregidor (1895), d'après la nouvelle Le
Tricorne d'Alarcon, Wolf se révéla avant tout comme un fin lyrique et un maître brillant de l'instrumentation ; mais il fut inférieur à lui-même dans
le domaine de la production dramatique.
Ses deux quatuors à cordes (le second est la célèbre Sérénade italienne) et le poème symphonique
Penthésilée témoignent de ses dons pour la musique pure ; mais son importance véritable dans l'histoire de la musique, il faut la chercher dans
ses lieder.
En 1898, déjà, la folie brisa la carrière musicale de ce grand génie.
La musique viennoise, à ce moment du moins, ne prit point la succession de Wagner dans le domaine de l'opéra.
Le style des oeuvres tardives de
Wagner, en particulier celui de la tétralogie des Nibelungen, trouva de nombreux imitateurs qui essayaient de donner à des sujets tirés de la
mythologie germanique et grecque une forme analogue à l'opéra wagnérien ; mais tous ces imitateurs ne connurent que des échecs.
Les
successeurs de Wagner furent plus heureux lorsqu'ils abandonnèrent les sujets mythologiques et commencèrent à créer l'opéra féerique et l'opéra
populaire.
Une innovation dans ce domaine fut l'opéra Hänsel et Gretel, d'Engelbert Humperdinck, représenté pour la première fois en 1893,
oeuvre dans laquelle il sut associer l'orchestration et le principe du leitmotivKW125 de Wagner à l'emploi des chansons d'enfants.
Siegfried
Wagner (1869-1930), le fils de Richard, fut l'élève de Humperdinck ; il obtint quelque succès dans le domaine de l'opéra féerique avec son
Bärenhäuter (1899), tandis que dans celui des sujets mythologiques il ne fut qu'un faible épigone de son père.
Mais, parmi les compositeurs allemands après Wagner, seul Richard StraussM051 (né à Munich en 1864) connut une réputation mondiale.
StraussM051, dont le père fut musicien d'orchestre (corniste) et qui manifesta de très bonne heure son talent de compositeur, fut de tendance
classique dans sa première manière.
En 1885, cependant, il évolua dans le sens de la musique de Wagner et de LisztM028 et écrivit, entre 1887 et
1904, une série de poèmes symphoniques parmi lesquels Don Juan, Mort et transfiguration, Till Eulenspiegel, Ainsi parlait Zarathoustra, La
Vie d'un héros et La Symphonie domestique font les plus remarquables.
StraussM051, dans ces oeuvres, sut multiplier puissamment les
procédés d'instrumentation et parvint, grâce à des combinaisons polyphoniques toujours plus riches, à un niveau qui ne saurait être dépassé
dans le style symphonique.
StraussM051 en prit conscience et abandonna dès lors la musique pure pour se vouer entièrement à l'opéra, genre
dans lequel il n'avait fait jusque-là que deux essais qui n'avaient pas encore été concluants (Guntram et Feuersnot).
En 1915 seulement, il écrit.
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