La poésie est une imitation et une peinture. Cette définition de Fénelon vous suffit-elle ?
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«
• La poésie est une imitation et une peinture.
Cette définition de Fénelon vous suffit-elle ?
Dans la Lettre à L'Académie, Fénelon fait à plusieurs reprises le procès de nos plus grands poètes.
Il les trouve trop
spirituels ou trop emphatiques.
En définissant la poésie « une imitation et une peinture, » c'est une leçon de
simplicité et de vérité qu'il veut donner.
I.
Comme la peinture, la poésie doit visera la ressemblance.
1.
Elle doit être vraie dans la peinture des objets et des personnages, des scènes de la nature et de l'histoire, des
sentiments et des passions.
« Peindre, c'est non seulement décrire les choses, mais en représenter les
circonstances d'une manière si vive et si sensible, que l'auditeur s'imagine presque les voir.
» Et tous les exemples
qu'il donne pour illustrer sa pensée montrent que, pour lui, «la perfection de l'art consiste à imiter si naïvement la
simple nature qu'on le prenne pour elle...
».
On croit être dans les lieux qu'Homère dépeint, y voir et y entendre les
hommes.
2.
Il faut joindre la passion à la vérité.
Le poète nous fera pleurer avec lui.
Ainsi « Virgile anime et passionne tout.
Dans ses vers, tout a du sentiment, tout vous en donne; les arbres mêmes vous touchent.
»
3.
Pour produire cette illusion et cette émotion, il faut que l'art se cache et que l'auteur se fasse oublier.
Le bel
esprit, l'emphase, l'effort, tout ce qui trahit l'auteur va contre le but de l'art.
Fénelon recommande le naturel et le
désintéressement aux poètes comme aux orateurs.
(Cf.
Comparaison entre Démosthène et Cicéron.)
II.
Cette définition est-elle suffisante ?
1.
Les principes et les conseils de Fénelon sont excellents.
Boileau, La Fontaine et Molière ne les auraient pas
désavoués.
Mais on peut noter :
a) Que dans sa réaction contre le bel esprit, Fénelon exagère un peu les mérites de la facilité.
Il semble ne goûter
chez les poètes que les scènes champêtres ou touchantes.
« Je demande un poète aimable, proportionné au
commun des hommes....
Je veux un sublime si familier, si doux et si simple, etc.
» L'idylle n'est pas toute la poésie.
b) Et que ce qui nous intéresse dans une poésie comme dans un tableau, c'est moins la fidélité de la copie, si on
peut ainsi parler, que la qualité de la vision et de l'émotion.
L'art, comme dit Bacon, c'est l'homme ajouté à la
nature.
2.
Autant qu' « imitation et peinture » la poésie est « évocation et musique.
» Cet aspect a été mis en lumière par
Verlaine et les Symbolistes, mais ce n'était pas absolument nouveau.
L'harmonie a toujours été considérée comme un des éléments essentiels du vers.
Tels vers prestigieux de Racine
doivent leur puissance de suggestion à leur harmonie musicale, autant qu'au sens des mots et à la qualité des
images.
Souveraine des mers qui la doive porter...
Et moi, qui l'amenai triomphante, adorée,
Je m'en retournerai, seule et désespérée...
3.
Enfin beaucoup de poètes modernes n'accepteraient pas la définition de Fénelon.
Sans parler de Baudelaire, qui
cherchait de parti pris le rare, l'étonnant, l'artificiel, ni de Mallarmé qui cultivait l'obscurité, ni Paul Valéry, ni Claudel
ne voudraient, sans doute, réduire la poésie et l'art à l'imitation de la simple nature.
Leur objet est précisément pour
eux de nous introduire dans un monde différent du réel, et surtout du matériel : le rêve, l'idée, l'âme, l'infini, et cela
par des moyens qui n'auraient certainement pas été du goût de Fénelon..
»
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