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Lamartine- Odes politiques

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Marchez! l'humanité ne vit pas d'une idée! Elle éteint chaque soir celle qui l'a guidée, Elle en allume une autre à l'immortel flambeau : Comme ces morts vêtus de leur parure immonde, Les générations emportent de ce monde Leurs vêtements dans le tombeau. Là, c'est leurs dieux; ici, les moeurs de leurs ancêtres, Le glaive des tyrans, l'amulette des prêtres, Vieux lambeaux, vils haillons de cultes ou de lois : Et quand après mille ans dans leurs caveaux on fouille, On est surpris de voir la risible dépouille De ce qui fut l'homme autrefois. Robes, toges, turbans, tunique, pourpre, bure Sceptres, glaives, faisoeaux, haches, houlette, armure Symboles vermoulus fondent sous votre main, Tour à tour au plus fort, au plus fourbe, au plus digne, Et vous vous demandez vainement sous quel signe Monte ou baisse le genre humain. Sous le vôtre, ô chrétiens! L'homme en qui Dieu travaille Change éternellement de formes et de taille : Géant de l'avenir, à grandir destiné, Il use en vieillissant ses vieux vêtements, comme Des membres élargis font éclater sur l'homme Les langes où l'enfant est né. Lamartine- Odes politiques

« On distinguera : I.

— LA PART DE POÉSIE : Il faut avouer que le lyrisme, au sens habituel du mot, est absent : aucun sentiment tendre.

Seule l'éloquence, et une éloquence épique, en tient lieu.

Du reste il s'agit d'une ode et d'une ode impersonnelle.

Ce qui donne le change c'est le ton enflammé (le "moi" de Lamartine est donc présent) et l'emploi du vers. II. — LA PART D'ÉLOQUENCE : A.

— Lamartine soutient une thèse dont il tire deux conséquences : a) — — — — fins La thèse : il y a un progrès : immortel flambeau; qui peut connaître des montées et des descentes (vers 18); qui a pu avoir dans le passé des aspects hideux ou risibles, voire démentiels; mais qui n'en réalise pas moins les desseins de Dieu.

En gros, c'est la reprise de la thèse de Bossuet, historien, pour des que celui-ci aurait réprouvées. b) Première conséquence : la thèse contenue dans le vers 1 : le changement est la loi du monde aussi bien dans le domaine religieux (amulette des prêtres), politique (sceptres, glaives, faisceaux), militaire (haches, houlettes, armure) que vestimentaire (robes, toges, etc.). c) Deuxième conséquence : sous ces changements, quelque chose ne change pas : leur direction lointaine, car il s'agit de réaliser — sur terre — le royaume de Dieu (4e strophe). B.

— Cette thèse, Lamartine la lance comme une vraie objurgation à ses adversaires politiques : aux réactionnaires, aux conservateur aux traditionalistes.

Relever : a) un certain mouvement oratoire : Marchez !...

Et vous vous demandez...

Sous le vôtre, ô chrétiens.

Bref il s'adresse à des contradicteurs imaginaires; b) l'inspiration épique qui, avec ses agrandissements, ses comparaisons amplifiantes est l'inspiration auxiliaire naturelle de l'éloquence; c) la structure et le mouvement même de la strophe qui finit chaque fois sur un vers plus court, prolongeant le précédent force la pensée comme à se prolonger elle-même et invite à une sorte d'élan. C.

— Enfin habileté à présenter la thèse : a) Elle est présentée en deux temps : • Le fait du changement continuel des institutions que ses adversaires sont bien obligés de constater avec lui; • puis la révélation que ce changement s'accomplit selon leurs propres convictions chrétiennes.

Il les met donc en contradiction avec eux-mêmes. b) Pour ne pas trop les vexer, il admet ce qui a pu les induire en erreur : l'aspect souvent hideux ou risible ou irrationnel de cette évolution, dans le passé.

Il songe naturellement à leur faire admettre que notre révolution de 89 se place précisément dans cet axe. c) Poésie n'est pas didactisme : un mot concret suffit à Lamartine pour évoquer toute une civilisation, tout un genre de gouvernement.

Montrez-le. III — LE LAMARTINE EN SITUATION QUI S'EXPRIME : a) Ce texte nous découvre un Lamartine bien différent du poète des Méditations, du chantre d'Elvire.

Lui-même en a été conscient en soulignant cette évolution dans l'Epître à Félix Guillemardet.

C'est un Lamartine plus volontiers épique que lyrique. b) De plus ce texte est le reflet de ses préoccupations politiques au lendemain de 1830, et, chez lui, les positions politiques ont rejoint les positions religieuses. c) D'une façon plus générale, se rappeler qu'à partir de la Révolution, la pensée s'est scindée en deux courants devant l'événement : • d'un côté, les contre-révolutionnaires (en général sur le plan religieux les catholiques orthodoxes et sur le plan politique les partisans de la monarchie), où se recrutent les adversaires de Lamartine; • d'un autre côté, les différentes doctrines socialistes et aussi les libéraux qui veulent réaliser, plus ou moins pleinement, les idéaux de la Révolution.

Parmi eux figurent des catholiques de gauche comme Dargaud et Lamennais, qui influenceront particulièrement Lamartine. Cette tendance vise à réconcilier l'Eglise et la Révolution. d) Enfin nous avons là un Lamartine assez réaliste, qui ne se fait pas trop d'illusions sur l'histoire (vers 18) et sur la politique (vers 16).

Siégerait-il tellement au "plafond" comme il l'a prétendu ?. »

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