L'art a-t-il sa place dans la rue ?
Extrait du document
«
L'art est par définition l'expression d'une identité particulière qui transcende la singularité, autrement dit : si l'on
peut voir une forme de spécificité dans chaque œuvre, le propre de l'art est de dépasser cet intérêt individuel pour
atteindre une forme d'universalité.
C'est pourquoi, au nom de cette sensibilité étendue au monde, les œuvres sont
placées dans des musées, des lieux publics, où chacun peut les contempler à loisir.
Lorsqu'une production atteint le rang de chef-d'œuvre, soit qu'elle est considérée comme une contribution
majeure à l'art, et donc qu'elle présente un intérêt universel, il est coutume de l'enfermer, de la protéger.
Or, le
musée a vocation publique, mais il n'est pas gratuit.
Il reste inaccessible à une grande partie de la population : il est
cher, éloigné, parfois trop élitiste.
Les moins aisés n'ont pas accès à la culture, une situation paradoxale, quand on
sait qu'elle est l'inverse de l'effet souhaité, la diffusion des œuvres étant la principale requête de leurs auteurs.
Ces
productions font partie du patrimoine culturel de la France, voire du monde, elles sont destinées à toucher l'élite
comme le peuple.
A force d'autarcie intellectuelle, les lieux d'exposition nationaux se sont progressivement fermés à
la masse.
Alors que certains musées tentent une ouverture, notamment le Louvre, en pleine démocratisation, encore
trop d'espaces restent inaccessibles et empêchent la rue d'atteindre l'art.
C'est donc logiquement que l'art descend dans la rue.
Si de nombreux artistes y sontréticents, leur inertie est
compensée par l'effervescence qui caractérise l'art de rue.
Plusproche du peuple, créé pour et par le peuple, cet art
s'oppose directement au cloître desmusées.
Revendiquant une liberté démocratique, il sait ne rien perdre de sa
qualité enréinventant ses matériaux, ses supports et surtout, son public.
L'art a-t-il sa place dans la rue ? C'est
certain, reste à savoir quelle est cette place etcomment les artistes parviennent à l'investir.
La nature de l'art
change-t-elle lorsqu'il est dit « populaire » ? Cet adjectif est associé à un imaginaire péjoratif et renvoie à l'idée
d'unedégradation qualitative des oeuvres.
Il ne faudrait pas confondre art et arts.
Ce qu'une certainearistocratie
tente de dénigrer, l'expression d'une masse jamais anonyme, peut-elle rivaliser avec les sommets d'excellence qu'ont
atteignent les productions de l'élite ? « La créativité permet à chacun d'explorer ses valeurs, les significations et
rêves qui lui appartiennent tout en créant des attentes à propos de ce qui est possible et souhaité.
»
L'art du peuple, est-ce l'art qui s'échappe ?...
qui redescend ? Dès l'antiquité, le fossé entre l'art du peuple et
celui des élites se creuse.
L'exemple du théâtre est révélateur : en Grèce, les représentations sont réservées aux
citoyens, soit aux hommes propriétaires, libres et politisés.
Les femmes, les esclaves et les enfants sont jugés
inaptes à entendre les subtilités de l'art, ils sont relégués au second plan de la société culturelle.
En réaction à cette ségrégation, la classe la plus populaire s'organise et crée son propre théâtre dans la rue.
Ces
représentations, souvent secrètes, révèlent un besoin naturel de se distraire, d'entrevoir le plaisir que procure
l'inutile, le ravissement du beau.
Platon, dans La République, propose une critique de l'art dont la signification est
politique et le fondement métaphysique.
Elle s'organise autour de considérations épistémiques.
Platon considère en
effet que la poésie, notamment celle d'Homère, et la peinture sont des arts mensongers.
Il préconise de n'accepter
dans la cité idéale qu'il imagine, la Calipolis, que les artistes qui obéiront aux philosophes-rois.
Selon lui, les arts
seraient le moyen de détourner l'homme de ses attributions naturelles et conduiraient au luxe, qui est l'ennemi de la
société.
Cette peur de l'artiste, justement parce qu'il est populaire, souligne un point essentiel : les classes laborieuses sont
elles aussi capables d'être éveillées à la pensée.
Platon redoute cette masse qu'il juge grégaire et trop simple, bannir
l'art de la société revient à la maintenir dans sa condition inférieure.
Cette origine ancestrale de l'art de rue souligne sa capacité d'adaptation : les supports et les formes de l'art ont
évolués avec le temps, mais il a su rester constant.
Au Moyen-Âge, les théâtres de marionnettes amusent le
peuple ; à la Renaissance, les artisans populaires créent des meubles qui sont aujourd'hui reconnus pour leur
qualité ; au 18e siècles ils fabriquent des bijoux qui rivalisent avec ceux des nobles ; au 19e siècle, les caricatures
et les journaux du peuple influencent toute la société, etc… L'art a besoin de descendre dans la rue, pour des
raisons politiques, économiques et sociales, mais également dans le but d'élever la création à son plus haut niveau.
Il existe de nombreux artistes contemporains qui n'envisagent leurs travaux qu'en interaction avec le public, et
parfois même avec les passants.
L'art contemporain s'exprime sous trois formes : l'œuvre plastique ou l'installation, une production matérielle,
visuellement identifiable, créée dans une optique artistique ; la performance, la réalisation d'un spectacle, d'une
œuvre ou d'une idée devant des spectateurs ; et enfin l'action, une performance à visée politique, dénonciatrice.
Sur ces trois formes, deux nécessitent directement la rue comme théâtre de réalisation : performances et
actions n'ont de sens qu'en présence du peuple, du plus grand nombre.
Mais contrairement aux idées reçues, de.
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