L'art de Péguy
Extrait du document
«
LE MOUVEMENT ORATOIRE
La phrase de Péguy semble reproduire le mouvement d'une pensée qui se cherche et qui se précise en même temps
qu'elle se traduit par des mots.
Des synonymes s'accumulent en tumulte; mais le mécanisme qui les associe ne
s'exerce jamais au hasard.
L'écrivain suit le fil d'une réflexion méthodique et tenace, qui marque un progrès à chaque
nouveau terme; il avance par vagues successives, dont chacune recouvre et dépasse la précédente : « Singulier
peuple de Paris, peuple de rois, peuple roi; le seul peuple dont on puisse dire qu'il est le peuple roi sans faire une
honteuse figure littéraire; profondément et véritablement peuple, aussi profondément, aussi véritablement roi; dans
le même sens, dans la même attitude et le même geste peuple et roi...
» (Notre Patrie).
LE RYTHME POÉTIQUE
Les procédés oratoires qui donnent à la prose de Péguy sa vigueur et son relief se retrouvent dans ses vers.
Le
rythme propre au poète des Tapisseries est un rythme pesant, monotone, obsédant, qui fait songer à la marche d'un
fantassin chargé de ses bagages ou aux litanies d'un chrétien en oraison.
Péguy épuise toutes les variations
possibles sur un thème déterminé; puis il en lance un autre, qui se prête, à son tour, à une longue suite de
combinaisons.
Ainsi s'adresse-t-il à Ève exilée du paradis terrestre; il détaille en un mouvement unique et qui se
propage de strophe en strophe toutes les misères de sa nouvelle condition :
0 mère ensevelie hors du premier jardin,
Vous n'avez plus connu ce climat de la grâce...
Vous n'avez plus connu la terre maternelle
Fomentant sur son sein les faciles épis...
Vous n'avez plus connu les saisons couronnées
Dansant le même pas devant le même temps...
(Ève)
L'IMAGINATION POÉTIQUE
Cette progression lente et régulière engendrerait à la longue un sentiment de lassitude, si de magnifiques images
n'en rehaussaient le cours.
Ces images sont presque toujours naturelles : la glèbe nourricière, l'eau, le soleil les
inspirent.
Péguy possède un don de vision concrète qui lui permet de donner une forme aux idées ou aux sentiments.
Évoque-t-il « la deuxième vertu », l'espérance? Il la représente sous l'aspect d'une petite fille, suggérant ainsi que
l'espérance est une joie qui n'est pas encore adulte et qui parviendra à l'âge mûr par la grâce de Dieu :
L'Espérance est une petite fille de rien du tout,
Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière,
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier,
Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint...
C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes,
Cette petite fille de rien du tout,
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.
(Le Porche du Mystère de la deuxième vertu).
»
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