L'auteur d'une introduction à l'édition récente des Fables de La Fontaine souligne que la versification d'apparence facile est dans cette oeuvre l'expression même d'une diversité fondamentale. Qu'en pensez-vous ?
Extrait du document
«
Introduction
«La Cigale et la Fourmi», «Le Corbeau et le Renard» et d'autres fables où l'on voit un loup croquant un agneau, un
chêne se révéler plus faible qu'un roseau, quand ce n'est pas une grenouille voulant faire le bœuf, ce sont toujours
ces histoires de bêtes et de plantes, rarement d'hommes que retient la mémoire enfantine et scolaire.
Leçons peu
variées et récitations monotones !
Cependant, qui s'applique à mieux connaître ces fables peut percevoir leur « diversité fondamentale », selon
l'expression d'un commentateur.
Leur mise en page rend évidente la diversité des mètres employés ; mais celle-ci est repérable à bien d'autres
signes.
À tel point qu'il semble légitime de s'interroger sur ce qui peut faire l'unité sinon de l'ensemble des Fables, du
moins du second recueil et plus particulièrement du livre IX : sa cohérence, mais aussi les traits permanents de
l'artiste dont on trouve ici peut-être l'expression.
Première idée directrice : les manifestations de la « diversité ».
I.
Diversité des destinataires (enfants ou adultes)
Le premier recueil est dédié «à Monseigneur le Dauphin», fds de Louis XIV, qui a 7 ans en 1668 ; le livre XII au fils
du Dauphin, Monseigneur le duc de Bourgogne, qui a 11 ans au moment où il paraît en 1693.
Par contre, La Fontaine
s'adresse à Madame de Montespan, maîtresse du roi, au début du livre VII, à Madame de la Sablière, femme cultivée
qui héberge La Fontaine, au livre IX, et au livre X au duc de La Rochefoucauld dont les Maximes sont rééditées pour
la cinquième fois en 1678, quand paraît le deuxième recueil des Fables.
Si l'on peut considérer que le fabuliste s'adresse pour une part aux enfants, c'est surtout à la sensibilité et à
l'intelligence de ceux qui connais-sent le monde qu'il s'adresse.
II.
Diversité des sources
— La Fontaine puise son inspiration dans l'Antiquité : parmi les Grecs, chez «Ésope le Phrygien», dont il place la
biographie comme celle d'un
« père » tutélaire en tête du premier recueil.
Ésope lui inspire, par exemple, dans le livre IX, «Le Songe et le
Renard», «Le Loup et le Chien maigre», ou «Jupiter et le Passager».
Il prend aussi son bien chez Hésiode («Le Milan
et le Rossignol»).
Chez les Latins, dans Phèdre ou, pour le livre IX, Horace et ses Satires, Ovide et ses
Métamorphoses ;
— dans les contes orientaux de Pilpay : Le Livre des Lumières est à l'origine du «Dépositaire infidèle» (IX, 1) ou des
«Deux Pigeons» (IX, 3), par exemple ;
— chez Rabelais, si peu en honneur parmi les « classiques » : le Perrin Dandin de « L'Huître et les Plaideurs » est un
personnage du Tiers Livre.
La Fontaine se souvient du Quart Livre dans «Le Milan et le Rossignol» (IX, 18) ou «Le
Berger et son troupeau» (IX, 19) ;
— dans les romans de l'époque dont La Fontaine est grand lecteur comme L'Astrée ou ceux de Mademoiselle de
Scudéry sans laquelle les « Deux Pigeons » n'exprimeraient peut-être pas au même degré le sentiment de tendre
amitié ;
— dans la tradition poétique du siècle : Boileau pour « L'Huître et les Plaideurs», Racan, Saint-Amant, ou Voiture
dans d'autres livres que le 9e;
— dans les «Fantaisies» d'un Tabarin, bateleur sur le Pont-Neuf, dont La Fontaine, comme Molière, appréciait les
parades : elles sont à l'origine du « Gland et la Citrouille » (IX, 4) ;
— enfin chez lui même : «L'Écolier, le Pédant et le Maître d'un jardin» semble inventée à partir de «L'Enfant et le
Maître d'école» (i, 19) et du «Jardinier et son Seigneur» (IV, 4).
III.
Diversité des tons
Les Fables relèvent des tons suivants :
— celui de la comédie, moins perceptible toutefois dans le livre IX que dans les livres VII ou VIII, X ou XI : il s'agit
tantôt d'un comique d'apparence («Un héron au long bec emmanché d'un long cou» [VII, 4]), d'un comique de
gestes (celui rageur du Coq qui « aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs» [VII, 12]), d'un comique de situation
(«LaTortue et les deux Canards» font un curieux baptême de l'air [X, 2]) ;
— celui de l'élégie dans « Les Deux Pigeons » ;
— celui de la philosophie dans le «Discours à Mme de la Sablière» ;
— celui des chroniques d'un temps où la presse n'existe guère : le fabuliste se fait commentateur politique dans « Le
Berger et le Roi » (X, 9) en rappelant les cabales contre Fouquet, ou chroniqueur de faits divers dam «Le Curé et le
Mort» (VII, 10).
Dans les livres VII et VIII, il se met son vent au service de la politique royale, pour étonnant que
cela puisse paraître chez un homme que sa relation avec Fouquet et les milieux libertins rendra toujours suspect à
Louis XIV.
Ainsi dans «Le Pouvoir des Fables » (VIII, 4) La Fontaine tente-t-il d'empêcher l'Angleterre de se joindre
aux ennemis de la France dans la guerre de Hollande.
IV.
Diversité de la versification.
»
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