« Le comique étant intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique n'offre pas d'issue. » Commentez et discutez ces propos d'Eugène Ionesco in Notes et Contre-notes, 1966 ?
Extrait du document
«
Analyse et problématisation
Ce sujet porte sur un registre, le « comique », le registre du rire et de la dérision à travers l'énigmatique expression
de Ionesco, célèbre dramaturge, pionnier du théâtre de l'absurde : « Le comique n'offre pas d'issue ».
Pour mieux la
comprendre, on peut remettre cette expression dans le contexte de la phrase où elle apparaît :« Le comique étant
intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique.
Le comique n'offre pas d'issue.
»
Le comique est envisagé dans cette phrase dans une opposition au registre tragique (qui lui aurait alors une issue) ;
il est montré paradoxalement comme plus désespérant que le tragique du fait de caractère absurde.
Si le comique « n'offre pas d'issue », cela veut dire que l'on ne peut sortir du comique, qu'il est une sorte
d'enfermement angoissant qui ne conduit à rien d'autre qu'à lui-même, qu'à sa propre dérision.
Si le comique
« n'offre pas d'issue » c'est aussi qu'il n'offre aucune solution aux problèmes qu'il dénonce en les tournant en
dérision, il montre les problèmes tout en affirmant l'impossibilité de les résoudre.
Problématique : Le comique est-il un registre angoissant figurant une situation désespérée dont on ne peut sortir ?
N'est-il pas un remède à l'angoisse ?
I)
Le comique est profondément absurde donc sans issue (par rapport au tragique qui en offre
une)
- Le comique est un moyen de révéler l'absurdité du monde : c'est ici en particulier le comique dit « absurde »
qui révèle cette absurdité du monde.
Ex :
·
Ionesco crée le comique dans ses pièces à travers des situations et/ou des répliques absurdes.
(cf.
La Cantatrice chauve : incipit présentant une famille « anglaise », ayant un mode de vie
« anglais » à la répétition de l'adjectif « anglais » associé de façon étrange à certains éléments crée
le comique : on rit parce que c'est absurde.
Cf.
aussi Rhinocéros ou la situation présentée, à savoir la
transformation des hommes en rhinocéros n'est pas du tout réaliste et, confinant à l'absurde, prête à
rire)
·
les personnages de Beckett par leur difformité et leur caractère irréel peuvent prêter à rire mais
ce rire masque une angoisse plus profonde qui se cache derrière ces personnages : celle de la mort et
de l'absurdité de la vie qui nous engloutit peu à peu.
Cf.
Le personnage sympathique et étrange de
Winnie dans Oh les Beaux Jours, enterrée dans une motte de terre dont ne dépasse que sa tête et
ses bras mais qui reste une femme coquette.
Derrière la fantaisie se cache une angoisse profonde.
à le comique n'est donc que le masque grimaçant d'un sentiment tragique de l'existence.
- Le comique est « sans issue » car il révèle l'absurdité du monde en jetant un déni sur le langage.
Le
langage est le signe de toutes les dépossessions puisqu'il a été appris et imposé de l'extérieur.
Faire que ce langage
prête à rire, c'est détruire la plus sûre assise de la société.
Le comique fait flotter le langage entre le sens et le non
sens, en le présentant comme un simple mécanisme (cf.
le principe même du jeu de mot ou de la contre pétrie réduit
le langage à un mécanisme.) Ce qui provoque le rire est le placage de mécanique sur du vivant, pour reprendre ici la
thèse de Bergson dans Le Rire.
Dès lors, le langage ne signifie plus rien d'extérieur à lui, il perd sa valeur de signe et
ne renvoie plus qu'à lui-même.
Ex :
·
Ionesco prend les mots au pied de la lettre et fait naître des objets ou des gestes qui possèdent
un aspect comique : par exemple, on demande à Choubert de remonter dans son souvenir et il grimpe
sur une table, de fouiller son passé et il mime « une descente au fond des eaux ».
Cette littéralité du
langage crée le comique mais elle montre aussi que le langage échappe au contrôle de l'homme, qu'il
n'est en rien le produit d'une vie intérieure ou d'une spiritualité pure.
·
L'usage constant de la répétition de mots ou d'expression venant ponctuer ses pièces chez
Beckett prête à rire car ces expressions sont souvent incohérentes et ne veulent rien dire (cf.
« On
attend Godot » dans En attendant Godot, « Quelque chose suit son cours dans Fin de partie…), mais,
par là même, se présente comme angoissant :la répétition révèle qu'il suffit d'abandonner les mots à
leur tendance incoercible à fabriquer du sens pour qu'ils éclatent alors et se ridiculisent d'euxmêmes : il suffit de parler pour se perdre.
La mort du langage par le comique de répétition chez
Beckett fait écho au langage de la mort.
Et si on rit c'est seulement comme l'affirme Lucky « d'un rire
sans joie, d'un rire qui rit du rire… du rire qui rit… de ce qui est malheureux »
- Le comique s'oppose ainsi au registre tragique qui, lui, semble offrir plusieurs issues.
Comme l'affirme Ionesco, le
comique est « plus désespérant que le tragique » car il révèle de façon grinçante le malheur et l'angoisse
existentielle des hommes et empêche d'en sortir.
Le tragique, même s'il révèle aussi le malheur humain propose
plusieurs issues à ce malheur.
Le dénouement tragique propose toujours une porte de sortie :
Ex :
·
L'issue est souvent la mort, qui permet le soulagement des souffrances ( notons a contrario que,
dans les pièces de Beckett, les personnages ne peuvent pas mourir : ils sont au seuil de la mort et
n'en « finissent pas de mourir » sans jamais basculer de l'autre côté) : cf.
Antigone
·
L'issue peut être aussi l'exil : cf.
Œdipe dans Œdipe Roi de Sophocle est exilé et va trouver la paix
dans son exil ( cf.
Œdipe à Colonne)
·
L'issue peut être par ailleurs, le choix de se retirer du monde, dans la confession religieuse, choix.
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- « Le comique étant intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique n'offre pas d'issue. » Commentez et discutez ces propos d'Eugène Ionesco in Notes et contre-notes, 1966 ?
- Je n'ai jamais compris, pour ma part la différence que l'on fait entre tragique et comique. Le comique étant l'intuition de l'absurde, il me semble plus désespérant que le tragique. Le comique n'offre pas d'issue, écrit Ionesco. Que pensez-vous de cette réflexion ?
- Ionesco remet en cause la distinction traditionnelle entre le comique et le tragique : j'ai intitulé mes comédies antipièces, drames comiques, et mes drames pseudodrames ou farces tragiques, car, me semble-t-il, le comique est tragique, et la tragédie de l'homme est dérisoire. En vous appuyant sur votre lecture de Dom Juan, de Tartuffe, et des textes de corpus (Beckett, Bücner, Koltes) et de toute autre texte théâtral pertinent vous pourrez expliquer, commenter et éventuellement discut
- Eugène Ionesco dit dans Notes et contre-notes le théâtre est une histoire qui se vit [...] aussi une histoire que l'on voit vivre. Discutez cette affirmation.
- Ionesco remet en cause la distinction traditionnelle entre le comique et le tragique : j'ai intitulé mes comédies antipièces, drames comiques, et mes drames pseudodrames ou farces tragiques, car, me semble-t-il, le comique est tragique, et la tragédie de l'homme est dérisoire. En vous appuyant sur votre lecture de Dom Juan, de Tartuffe, et des textes de corpus (Beckett, Büchner, Koltes) et de toute autre texte théâtral pertinent vous pourrez expliquer, commenter et éventuellement discu