Le genre de la comédie vous semble-t-il le mieux approprié pour faire la satire d'une société ?
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Sujet: Le genre de la comédie vous semble-t-il le mieux approprié pour faire la satire d'une société ?
Le libellé du sujet nécessite de définir d'une part ce que représente « le genre de la comédie » et d'autre part ce que désigne le
terme « satire ».
Après avoir mis en lumière ces deux notions clés, la (les) problématique(s) sera (seront) ainsi formulée(s) : Pourquoi
sommes-nous enclins à privilégier le genre de la comédie plutôt que celui de la tragédie pour faire la satire d'une société? La comédie
n'est-elle pas vraisemblablement l'arme la plus efficace pour dénoncer ses abus et ses dysfonctionnements?
1.
Le genre de la comédie : la comédie est d'origine grecque et dérive de processions burlesques données en l'honneur de Dionysos, le
2.
dieu du vin.
Aristote en donne une brève définition dans La Poétique : « la comédie est (…) une imitation d'hommes sans grande
vertu, non qu'elle traite de vices dans sa totalité, puisque le comique n'est qu'une partie du laid.
Le comique tient en effet à un
défaut et à une laideur qui n'entraînent ni douleur, ni dommage.
» De ce fait, il convient de supposer que l'on prête à la comédie
l'humanité ordinaire, car elle permet de faire naître le rire par la peinture des défauts ou par la laideur, tant physique que morale.
Notons enfin, que la comédie latine développe grâce au poète Horace un autre trait caractéristique : la comédie doit certes faire rire,
mais elle doit surtout se conformer le plus possible au réel : « il faut marquer les mœurs de chaque âge, changeant avec les années
les traits qui conviennent ».
Digne héritier de la comédie antique et latine, Molière saura réutiliser à sa manière chacun de ces
éléments fondamentaux.
La satire : il s'agit d'une critique ou d'une attitude critique, qui sans faire l'objet d'un texte, peut caractériser une œuvre en générale
(comédie satirique), les paroles d'une personne ou un individu.
I/ La comédie au théâtre : entre divertissement et châtiment
·
Notons tout d'abord que le théâtre comprend différents types de pièces (comédie, drame, tragédie, tragi-comédie).
Son idéal est de
représenter, c'est-à-dire étymologiquement de « rendre présent ».
La mise en scène, l'exhibition des acteurs, l'ensemble des éléments
capables de faire vivre cette représentation du monde réel (cf.
mimésis : « imitation » en grec, théorie élaborée par Aristote) sont au
cœur du spectacle, mais pas uniquement.
Certes, sa fonction principale est de divertir, c'est la raison pour laquelle ce sont souvent les
grandes émotions humaines qui y sont représentées (tels que les drames de la destinée, les conflits du pouvoir, les mythes
fondamentaux de la condition humaine, le procès éternel des mystifications sociales…).
Mais, le théâtre a également pour objet de
critiquer, d'instruire et d'édifier, car l'on peut en tirer certaines « leçons ».
En effet, il ne cesse de donner à l'homme à méditer sur les
multiples dimensions de son destin.
De la sorte, Molière va marquer le siècle classique de nombreuses critiques virulentes à travers
l'ensemble de ses pièces ( L'Avare, L'école des femmes, Le misanthrope ou encore le Malade imaginaire…) La mise en scène du ridicule est
très souvent déguisée par le rire, un ressort de la comédie qui lui assurera un véritable succès (selon cet adage castigat ridendo mores
notons que la comédie corrige les mœurs par le rire).
L'intention du dramaturge réside tout autant dans sa volonté de divertir que de
dénoncer les abus et le ridicule de cette société de faux-semblants.
·
Or jusqu'au XVII e siècle la comédie est un genre risqué, car déprécié dans la Poétique d'Aristote.
Elle peint une image du monde
sans valeur et dénigre l'espèce humaine.
Qui plus est, oeuvre de la pensée grecque, elle demeure le double négatif de la tragédie,
résultant de procédés traditionnels comiques et sans finesses.
Malgré cela les poètes latins vont lui offrir une nouvelle voie.
Avec
Horace (castigat ridendo mores) la comédie doit faire rire mais elle doit surtout se conformer le plus possible au réel, et d'après Térence,
elle doit délivrer des intentions moralisatrices évidentes, afin de dénoncer des problèmes idéologiques.
C'est la raison pour laquelle
c'est une arme efficace, capable de dénoncer les abus d'une société en perte de repères (critique des travers psychologiques comme
l'avarice, l'entêtement, l'orgueil; et des comportements sociaux : préciosité, hypocrisie, refus de la loi), plus que ne le serait tragédie.
Afin de critiquer « tout en douceur » ou avec plus d'agressivité certaines de ces dérives, la comédie au théâtre a recourt à la satire, à la
caricature ou à la parodie.
La satire fait rire parce qu'elle fustige une anormalité, un écart par rapport à un idéal ou à un bon sens.
Par
le rire elle tend à susciter une prise de conscience.
De ce fait, elle peut se révéler une arme redoutable dans la critique des institutions
et de la société.
II/ La supériorité du genre de la comédie dans le registre de la satire :
·
Parce que la tragédie repose avant tout sur un art de la parole, la comédie semble plus appropriée pour peindre certaines réalités,
pour restituer lors de la représentation une satire de la société.
Dans la tragédie, les personnages n'existent en effet qu'à travers les
mots qu'ils prononcent.
Leur malheur et parfois leur bonheur dépendent pleinement de leur talent d'orateur, de leur capacité de
persuasion.
Aussi les scènes ressemblent la plupart du temps à des joutes verbales qui relèvent du genre délibératif, judiciaire ou
parfois épidictique.
Il y en a de nombreux exemples dans les tragédies de Corneille, notamment celle du Cid : ne sachant s'il doit
provoquer en duel le père de Chimène, Rodrigue résume le dilemme auquel il est confronté (Corneille, Le Cid, I, 6, v.
309-310).
·
La comédie quant à elle met en scène des personnages souvent stéréotypés qui provoquent le rire dans des actions entravées par
des obstacles dus, non plus à la fatalité (comme dans la tragédie), mais aux mœurs et aux caractères.
On distingue cinq grands types
de comiques et leurs procédés visent à faire rire : le comique de geste (chutes malencontreuses, gags divers,), le comique de mots
(jeux de mots, répliques spirituelles), le comique d'intrigue ou de situation (quiproquos, rencontres fâcheuses), le comique de mœurs
(satire du milieu social, de certaines professions) et le comique de caractères (caricature des grands défauts humains, avarice, colère,
snobisme, etc.).
Le comique de caractère est le plus répandu dans les comédies satiriques.
III/La comédie satirique ou un lieu de réflexion :
·
L'un des atouts considérables de la comédie tient dans son ambition de peindre le ridicule, de dresser le portrait caricaturé des
faiblesses humaines.
Entre l'idée que le personnage se fait de lui-même et ce qu'il est en réalité aux yeux de son entourage scénique,
voire du public, il y a une distance considérable.
C'est le cas de grands nombres de comédies de Molière (Le Malade imaginaire,
L'Avare…) et de bien d'autres pièces notamment celles de Marivaux, un siècle plus tard (Le jeu de l'amour et du hasard).
Le comique est
bel et bien passé en arrière plan de la comédie mais il reste latent.
Cela permet au genre d'affiner la dimension satirique.
·
Enfin dans un autre registre que celui de la comédie au théâtre, nous pouvons nous tourner vers l'univers satirique de la série
télévisée Kaamelott.
Cette œuvre de fiction semble prendre forme à partir d'une lecture attentive des romans de la Table Ronde.
À une
exception près, cette fois-ci les personnages ne sont pas uniquement destinés à partir en quête de l'objet sacré ou à le trouver, mais
mis en scène pour faire naître le rire.
Un rire capable de prendre différents visages à travers cette réinterprétation fantaisiste du mythe.
Ainsi il est intéressant de souligner que Kaamelott ne cherche pas uniquement à amuser le spectateur comme à la manière des
fabliaux en vogue au XIII e siècle, mais plutôt à le divertir aux dépens d'une œuvre trop célèbre ou trop unanimement reconnue
comme celle du Conte du Graal.
Ici la fonction du comique se veut essentiellement divertissante, malgré cela rien empêche que se
dessine en filigrane une critique virulente de la société.
Selon Bergson, nous rions chaque fois que nous voyons « du mécanique plaqué sur du vivant », Le rire, 1900..
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