« Le langage nous réintègre à la communauté humaine : il faut écrire l'échec, la maladie, la mort, non pas pour désespérer les lecteurs, mais au contraire pour essayer de les sauver du désespoir. » Commentez cette citation de Simone de Beauvoir.
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«
« Le langage nous réintègre à la communauté humaine : il faut écrire l'échec, la maladie, la mort, non pas
pour désespérer les lecteurs, mais au contraire pour essayer de les sauver du désespoir.
» Commentez
cette citation de Simone de Beauvoir.
Analyse du sujet et problématisation :
Simone de Beauvoir présente ici les enjeux de la littérature conçue avant tout comme un « langage ».
Le
« langage » peut être défini comme la faculté que les hommes possèdent d'exprimer leur pensée et de communiquer
entre eux au moyen d'un système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques constituant une langue.
Le « langage » est donc au fondement de la communication entre les hommes : il crée du lien entre eux et c'est en
cela que Simone de Beauvoir l'associe à l'idée d'une « communauté humaine ».
à le langage littéraire est donc d'abord conçu comme création de lien, comme moyen d'intégration à la communauté
des hommes, par la communication qu'il permet.
NB : Simone de Beauvoir s'oppose ici implicitement à une conception du langage littéraire comme système à part,
s'opposant au langage social.
(idée largement répandue du langage littéraire comme langage « poétique » dans le
sens où Jakobson entend ce terme, c'est-à-dire comme autonome et centré sur le signe lui-même).
Simone de Beauvoir envisage trois thèmes devant être abordés par l'écrivain : « l'échec, la maladie, la mort » : il
s'agit ici de thèmes difficiles, négatifs.
L'échec et la maladie apparaissant comme deux épreuves réservées par la vie
(épreuve morale qu'est l'échec et épreuve physique qu'est la maladie) et la mort comme le terme fatal de cette vie.
Notons que échec, maladie et mort apparaissent aussi comme trois états excluant de la communauté des hommes :
échec et maladie : états dans lesquels le sujet a tendance à se replier sur lui-même, en marge des
autres.
Mort : fin ultime de la participation à la communauté des hommes
Cette thématique sinon « pessimiste », du moins grave, à laquelle Simone de Beauvoir fait référence, comme
« passage obligé » pour tout écrivain, doit avoir selon elle une finalité positive : « non pas pour désespérer les
lecteurs, mais au contraire pour essayer de les sauver du désespoir.
»
è le but de l'écrivain n'est pas d'entraîner ses lecteurs dans la spirale du désespoir mais de leur assurer une certaine
forme de salut, en les « réintégrant » à cette « communauté » des hommes par le langage littéraire.
L'expression « sauver du désespoir » confère une sorte de finalité thérapeutique à la littérature qui a les traits ici
d'une médecine de l'âme.
Problématique : Le langage littéraire doit-il se concevoir comme une « médecine l'âme », comme un
moyen pour l'écrivain, en traitant de sujets graves, des problèmes de la vie, d'empêcher le lecteur de se
replier sur lui-même, en marge de la communauté humaine ? Le langage littéraire est-il un instrument de
ralliement de la société autour des malheurs communs, des épreuves communes à tous les hommes afin
de les dépasser ?
Finalement, ce sujet met en jeu le langage littéraire comme langage non autonome et la littérature comme discipline
liée aux Hommes en tant que groupe et non à l'individu, en tant qu'être solitaire.
Il s'agit donc, en définitive, de s'interroger sur les fins du langage littéraire.
I)
L'autonomie du langage littéraire
La littérature a-t-elle sa fin en elle-même ? Doit-elle être considéré comme un repli sur le sujet écrivant impliquant
donc un repli du lecteur sur lui-même ?
1)
Une discipline souvent centrée sur le sujet écrivant
La littérature est un moyen, pour l'écrivain, d'exprimer un point de vue personnel souvent centré sur sa propre
expérience.
L'écrivain se présente comme un explorateur de sentiments et avant tout de ses propres sentiments.
L'œuvre littéraire est donc souvent centrée sur le sujet sur le sujet écrivant et fermée à ses expériences et opinions
personnelles.
Ex :
·
Le lyrisme hugolien très personnel dans « Demain dès l'aube »
·
Le genre autobiographique qui se présente comme un genre fermé, très peu ouvert au lecteur sinon
comme instance de jugement.
2)
La gratuité de la littérature (qui ne traite finalement ni des épreuves de la vie, ni de
l'Homme)
La littérature est une discipline gratuite qui ne vaut pas pour autre chose qu'elle-même et ne vise en rien à
produire un effet d'ouverture au monde sur l'homme.
L'écrivain peut donc légitimement viser une création purement
gratuite, désintéressée et centrée uniquement sur la recherche du Beau et sur l'exaltation de la puissance du Verbe
poétique.
La gratuité de l'art apparaît même comme une valeur en soi..
»
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