LE LION, LE LOUP ET LE RENARD - LA FONTAINE in Fables
Extrait du document
«
Introduction
La fable ne se réduit pus chez La Fontaine à la sécheresse de l'apologue, où tout est subordonné à la démonstration
d'une vérité morale, le plus souvent il s'efface derrière ses personnages et se contente de les faire vivre devant nous
dans la complexité de leur caractère.
I.
Le lion : un monarque autoritaire et intransigeant
Le principal intérêt de cette fable réside sans doute dans les personnages que La Fontaine campe avec un étonnant
relief.
Les deux premiers vers suffisent à tracer dans ses traits essentiels la personnalité du lion.
Sa déchéance
physique s'étale dans le premier vers, exprimée vigoureusement par cette cascade de trois qualificatifs mais plus
encore par le rythme brisé, pénible, hall tant que renforce encore la présence multipliée des consonnes sourdes (« Un
lion décrépit, goutteux, n'en pouvant plus...
») L'aspect moral est puissamment suggéré dans le second vers.
Le temps
d'arrêt du rythme détache le premier mot : « voulait ».
Chez cet être débile est restée intacte une passion de
l'autorité qui va jusqu'à l'entêtement imbécile.
Ce qu'il réclame est contraire à la logique profonde de la nature.
On peut
demander un remède pour la guérison d'une maladie, non pour la vieillesse qui est un stade inéluctable de l'évolution de
la vie (« Voulait/que l'on trouvât remède à la vieillesse »).
2.
Le renard : un diplomate adroit et retors
Plus longuement et plus complaisamment le caractère du renard s'exprime à travers sa harangue.
Diplomate adroit et
retors il sait à merveille, pour se tirer d'un mauvais pas, approprier les divers temps de sa plaidoirie aux dispositions
changeantes de son souverain irascible et naïf.
Au début, sentant le danger qui le menace, il s'attache avant tout à
éviter toute affirmation trop catégorique, toute attaque trop directe.
Il présente comme un soupçon ce qui est pour lui
une certitude; il attribue la source de ses ennuis non à un individu mais à un document anonyme :
« Et, sachant que le loup lui faisait cette affaire :
Je crains, Sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère...
»
Sans y appuyer, il suggère qu'il n'avait pas l'intention de se dispenser de la démarche, qu'il l'avait seulement « différée
».
Et la raison qu'il donne de son retard, sur un ton pudique et chuchoté, témoigne de plus de dévouement que ne
l'aurait fait sa ponctualité.
Il était « en pèlerinage » et s'acquittait « d'un vœu fait pour la santé du roi ».
Par son adresse, il a réussi à se faire écouter du lion.
Changeant de ton, il va maintenant s'improviser médecin et
prendre de l'ascendant sur son malade.
Immédiatement il le subjugue en lui parlant de la gravité de son état, en des
termes lourds de sous-entendus (« dont votre Majesté craint à bon droit la suite »).
Puis, pour le mettre en confiance,
il lui donne de son mal une explication plausible, en pesant ses mots pour ne pas choquer la susceptibilité de son
interlocuteur.
C'est « le long âge » — il ne dit pas la vieillesse — qu'il faut incriminer.
Et sur-le-champ il fabrique une
ordonnance en harmonie avec le mal qu'il faut combattre.
Indication du médicament, posologie — rien n'y manque —
avec bien entendu les termes de l'art; il s'agit d'une « application » :
« D'un loup écorché vif, appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante.
»
Au reste, dans le détail de l'ordonnance s'exprime un autre trait de caractère du renard : c'est un être vindicatif qui
savoure avec une perfidie insolente le plaisir de la vengeance.
Sans doute est-ce « un loup », n'importe lequel qui
servira de remède, mais il y en a un sur place.
Alors à quoi bon chercher plus loin? Par avance il savoure le spectacle
du supplice de son ennemi.
Sa joie cruelle fuse dans la finale sifflante du premier hémistiche :
« D'un loup écorché vif...
»,
dans la complaisance de la répétition du mot « toute » :
« Toute chaude et toute fumante, »
enfin dans la plaisanterie narquoise, d'autant plus féroce qu'elle est empruntée à un domaine plus bourgeoisement
familier, sur laquelle il termine sa harangue :
« Messire loup vous servira,
S'il vous plaît, de robe de chambre ».
Conclusion
La peinture des personnages est donc riche et vivante.
A travers leur comportement et leurs propos ils nous révèlent
leurs sentiments et leur caractère.
En rompant avec la conception traditionnelle de la fable où les personnages sans
complexité et sans relief ne servaient qu'à l'illustration d'une vérité morale, La Fontaine affirme sa vigoureuse
originalité..
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