Le Loup et l'Agneau (La Fontaine, Fables, 1668)
Extrait du document
La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que, par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau, je tète encor ma mère. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point.
- C'est donc quelqu'un des tiens ; Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge ». Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.
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