Le naturel le vrai celui du théâtre est la chose la moins naturelle (Anouilh). Commentez.
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Sujet déposé :
Le naturel le vrai celui du théâtre est la chose la moins naturelle (Anouilh).
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Le naturel, le vrai, celui du théâtre, est la chose la moins naturelle du monde
INTRODUCTION
En 1991, Daniel Mesguich, nommé directeur du Théâtre National de Lille, appelle ce lieu " La Métaphore " , avant de
fonder sa propre troupe " Miroirs et métaphores " .Par ces noms, il souligne l'une des caractéristiques essentielles du
théâtre.
Décors, objets, éclairages, maquillages et " jeu " du comédien, tout renvoie à l'irréel et Charles Dullin
écrivait à juste titre : " La scène est un monde hors du monde " .
Il ne s'agit donc pas d'imiter la réalité.
L'action
même est limitée par les contraintes du temps du spectacle.
Que veut donc dire Giraudoux quand il écrit dans « l'Impromptu de Paris » : " Le théâtre c'est le réel dans l'irréel " ?
Derrière la métaphore, dans un lieu que tout destine au rêve jusqu'à l'heure nocturne de la pièce, comment le réel
vient-il interpeller le spectateur ? Nous montrerons d'abord que le théâtre est le " pays de l'irréel ", ensuite, qu'il
traite de sentiments réels.
Enfin, nous verrons que la mise en scène et le choix de l'histoire peuvent renforcer le
double aspect du théâtre que Giraudoux définit.
DEVELOPPEMENT
Le théâtre est un spectacle vivant dont la représentation est le but.
Le texte même est fait pour être dépassé par
l'action.
Les moyens d'expression sont variés ; le dialogue bien sûr mais aussi l'éclairage, la musique, le décor, le
maquillage, les costumes.
Ils créent une atmosphère, une illusion qui entraînent le public « hors du monde », hors de
son quotidien.
Pour Diderot, dans « Le Paradoxe sur le comédien », le bon acteur est celui qui garde la tête froide et
n'est jamais réellement ému car le vrai au théâtre n'est que convention.
Le langage aussi est irréel : au XVIIe siècle,
les faux dévots ne s'exprimaient pas en vers et jamais, un jardinier ne prendrait la parole pour définir la tragédie,
comme celui que Giraudoux imagine dans « Electre ».
Diderot encore précise qu'au théâtre, le « vrai » est la
conformité de la représentation avec le « modèle idéal imaginé par le poète et souvent exagéré par le comédien ».
Le langage des Euménides, même trivial et enfantin, n'est pas celui de petites filles mais celui écrit par le
dramaturge.
Lors de la création des « Bonnes », un critique reprochait à Jean Genet que les gens de maison ne
parlent pas comme Claire et Solange ; l'auteur lui a répondu qu'il n'avait pas composé « un plaidoyer sur le sort des
domestiques » et qu'après tout, certains soirs, les bonnes, seules devant leur miroir, s'expriment peut-être ainsi,
comme lui-même le ferait à leur place.
Ainsi, les personnages qui se confient sur scène, se déchirent ou s'aiment sont les rêves de l'auteur, animés par des
comédiens qui les « jouent », dans un décor souvent stylisé où tout est signe, métaphore.
La mise en scène d' «
Antigone », imaginée par Anouilh, est très dépouillée.
Les deux seuls accessoires de la pièce sont un bol et une
chaîne.
Le premier est apporté par la nourrice et cet objet familier conduit Antigone à redevenir l'enfant qui se
réfugiait dans les bras de sa « nounou ».
Le second est la chaîne qui lie les poignets de la fille d'¼dipe, prise au
piège « comme une petite hyène ».
C'est dans un registre fantastique que le texte d' « Electre » suggère le décor
dès les premières répliques : la façade du palais a deux « corps » et cet animisme suggère la dualité de l'homme et
l'inconstance de son destin.
Comme l'écrit Giraudoux, le spectacle théâtral se situe bien dans l'irréel mais dans ce cadre qui stimule son
imagination, c'est pourtant le réel que vient chercher le spectateur.
Genet, dans sa préface des « Bonnes », résume cette idée clairement : « (…)je vais au théâtre afin de me
voir, sur scène (restitué en un seul personnage ou à l'aide d'un personnage multiple et sous forme de conte) tel que
je ne saurais – ou n'oserais- me voir vivre ou me rêver, et tel pourtant que je me sais être.
».
Claudel, dans
« L'Echange », fait dire à Lechy Elbernon qu' au théâtre, le public vient voir son destin.
« Et il se regarde lui-même,
les mains posées sur les genoux ».
Ainsi, dans les rêves de l'auteur, c'est son propre reflet idéalisé, exagéré, stylisé
que le spectateur cherche.
Le besoin d'absolu d'Electre et d'Antigone résonne en lui comme un idéal enfoui sous les
contingences du quotidien.
Parfois, c'est en Créon qu'il se retrouvera, dans cet homme qui a dit « oui », qui fait son
métier en « retroussant ses manches ».
D'autres soirs, c'est triste et apaisé qu'il quittera la salle parce qu'il aura
compris que toute destinée doit s'accomplir.
Les Gardes lui tendront aussi un miroir déplaisant et les plus honnêtes
se verront les jours où ils ne veulent pas prendre conscience du destin et qu'ils pensent que « c'est pas leurs
oignons ».
Devant les masques de Tartuffe et la crédulité d'Orgon, le spectateur s'interrogera sur sa propre naïveté,
sur le jeu de la vérité dans les rapports humains.
Le trompeur et sa dupe : qui n'a jamais été un peu l'un et un peu
l'autre, comme ce couple inséparable ? Il est intéressant de remarquer qu'avec Dom Juan et Tartuffe, Molière met en
scène deux personnages « comédiens », masqués qui se plaisent à entretenir l'illusion dans un monde où «
l'hypocrisie est un vice à la mode ».
On pourrait penser qu'il fait en même temps le procès du théâtre où il est
difficile de différencier l'apparence et le réel.
Pourtant, les comédiens, à la fin, sont démasqués et la scène devient
le lieu où la vérité est mise à nu.
C'est précisément la dénonciation du déguisement, du mensonge, de la mauvaise
foi que le public vient chercher dans ce « pays de l'irréel ».
Ce paradoxe fait toute la richesse d'un genre qui, par.
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