Le Pont Mirabeau - Guillaume Apollinaire- Alcools
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Le Pont Mirabeau - Guillaume Apollinaire- Alcools Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Introduction.
Cette courte pièce est tirée d'Alcools, oeuvre principale d'Apollinaire : un coin de paysage urbain suscite une méditation lyrique, qui semble banale au premier abord, mais devient poignante à force de simplicité et de pathétique.
Le texte.
Le poème est composé de strophes séparées par un refrain. Chaque strophe est constituée de trois décasyllabes sans césure fixe; mais les quatre premières syllabes du second vers sont isolées par un artifice typographique. Les deux vers du refrain sont coupés après la quatrième syllabe.
Première strophe. Sous le pont Mirabeau coule la Seine : ce vers est le seul, dans toute la pièce, qui décrive la réalité extérieure. Le poète songe-t-il à une aventure vécue jadis dans ce cadre ? rien ne permet de le supposer. Aussitôt, il s'enferme dans son monde personnel : à la fuite de l'eau, il associe la fuite du temps; et nous voilà transportés dans son passé. Pourtant, il semble redouter cette évocation : Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne; l'inflexion du tour interrogatif engendre une impression d'inquiétude lasse. A cette mélancolie s'oppose en apparence l'affirmation du dernier vers : La joie venait toujours après la peine; mais le souvenir de cette joie n'est qu'une amertume de plus. Le triplement de la rime féminine crée dès cette première strophe une atmosphère musicale de complainte, qu'entretient la rime également féminine du refrain. Les deux subjonctifs vienne et sonne traduisent la résignation du poète devant les jours qui s'en vont; mais, douloureusement, il constate : je demeure; seul, il est exempt du changement universel, mais il n'y échappe que pour souffrir.
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