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Le Roman anglais

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Le roman anglais a pris naissance et s'est développé dans un monde de valeurs sociales. Depuis Moll Flanders de Defoe jusqu'à Jude the Obscure de Thomas Hardy, le romancier anglais a structuré ses schémas sur l'aptitude du lecteur à saisir ce qui était significatif dans une expérience humaine dont il postulait qu'elle leur était commune. Les scènes critiques entraînaient des changements de statut sur le plan social, financier ou conjugal ­ changements qui déterminaient la forme de l'action. Les événements relatés par le roman étaient choisis sur la base de ce critère social. Les problèmes moraux se traduisaient par une action extérieure appropriée qui, à son tour, entraînait des modifications ­ ou des risques de modification ­ dans la destinée et le statut des personnages. La voie qui permettait à ceux-ci de progresser sur le plan social et financier n'était pas toujours celle de la vertu ; le mérite aux yeux des hommes n'allait pas obligatoirement de pair avec la valeur individuelle et cette disparité rendait possibles certaines formes d'ironie. Mais l'ironie ne visait jamais à détruire les symboles universellement admis ; elle jouait sur des paradoxes tels que le rapport très relatif existant entre une position sociale bien assise et la moralité, ou (cf. Vanity Fair, de Thackeray) les ambiguïtés morales qu'impliquaient les impératifs sociaux vis-à-vis des individus.

« Le Roman anglais Le roman anglais a pris naissance et s'est développé dans un monde de valeurs sociales.

Depuis Moll Flanders de Defoe jusqu'à Jude the Obscure de Thomas Hardy, le romancier anglais a structuré ses schémas sur l'aptitude du lecteur à saisir ce qui était significatif dans une expérience humaine dont il postulait qu'elle leur était commune.

Les scènes critiques entraînaient des changements de statut sur le plan social, financier ou conjugal changements qui déterminaient la forme de l'action.

Les événements relatés par le roman étaient choisis sur la base de ce critère social.

Les problèmes moraux se traduisaient par une action extérieure appropriée qui, à son tour, entraînait des modifications ou des risques de modification dans la destinée et le statut des personnages.

La voie qui permettait à ceux-ci de progresser sur le plan social et financier n'était pas toujours celle de la vertu ; le mérite aux yeux des hommes n'allait pas obligatoirement de pair avec la valeur individuelle et cette disparité rendait possibles certaines formes d'ironie.

Mais l'ironie ne visait jamais à détruire les symboles universellement admis ; elle jouait sur des paradoxes tels que le rapport très relatif existant entre une position sociale bien assise et la moralité, ou (cf.

Vanity Fair, de Thackeray) les ambiguïtés morales qu'impliquaient les impératifs sociaux vis-à-vis des individus. Le romancier du XXe siècle a pris conscience de la disparition de ce sens collectif du symbole qui autorisait des critères si objectifs de sélection ; c'est à lui qu'il appartenait de laisser entrevoir que ce qui était significatif sur le plan de l'expérience humaine pouvait dépendre, non pas d'une convention sociale, mais d'une imperceptible altération d'humeur individuelle. Il ne s'agit pas ici de technique plus ou moins poussée.

Le romancier de l'époque victorienne, considérant ce sens collectif du symbole comme allant de soi, brodait là-dessus comme bon lui semblait et en tirait une gamme extrêmement variée d'implications morales.

La seule responsabilité qui lui incombait consistait à illustrer chaque situation morale par une manifestation de caractère social susceptible d'être décrite. Dans la grande période héroïque d'expérimentation et de développement du roman anglais, de 1920 à 1940, la disparition des symboles de signification sociale constitue un facteur capital.

Elle implique que les romanciers avaient à mettre au point de nouvelles techniques destinées à persuader le lecteur de la force et de la réalité du sens personnel des valeurs de l'auteur.

Les moments cruciaux de l'intrigue n'étaient plus marqués par des phénomènes publiquement observables, et son dénouement pouvait parfaitement prendre la forme de représentations ou d'expressions de sentiments purement individuels plutôt que celle de symboles sociaux tels que la mort ou le mariage. Ainsi donc, si le thème caractéristique du roman anglais, de Fielding à George Eliot par exemple, était le rapport entre le statut social et la moralité, celui du roman anglais de l'époque de James Joyce, D.H.

Lawrence, E.M.

Forster et Virginia Woolf devenait le rapport entre la solitude et l'amour.

Si chaque individu est enfermé dans un monde de valeurs personnelles découlant de sa seule et unique expérience, comment une véritable communication peut-elle s'établir ? Et, sans communication véritable, comment l'amour est-il possible ? Les progrès de la psychologie avaient attiré l'attention des romanciers sur les complexités de la conscience individuelle (avec ses prolongements dans le subconscient et l'inconscient), et leur avaient permis de s'apercevoir que la nature de la réponse d'un homme à une situation donnée et à un moment donné dépend de l'ensemble de son passé, qui demeure présent en lui et conditionne sa sensibilité, ses attitudes.

Si bien qu'énoncer une vérité au sujet de tel ou tel personnage à tel ou tel stade de son existence équivaut à dévoiler l'ensemble de son passé.

Cette conception nouvelle bouleverse les notions traditionnelles de l'intrigue fondée sur une chronologie régulière, épisodiquement ponctuée de rétrospectives nettement marquées.

Outre ces nouvelles conceptions de la conscience, avec tout ce qu'elles impliquent dans le traitement du temps, interviennent au cours des années 20 de nouvelles conceptions de la durée, inspirées, directement ou indirectement, du Français Henri Bergson et de l'Américain William James.

Ces données permirent de développer les expériences techniques destinées à représenter le courant de la conscience humaine et à affaiblir le type traditionnel d'intrigue structurée à partir d'événements allant dans une séquence chronologique régulière jusqu'à la grande scène finale qui amène le dénouement. Les expériences techniques eurent toutefois moins d'importance que le changement d'attitude proprement dit du romancier et du public.

On se prit en effet à considérer les symboles, les rites, les institutions, tous les slogans, les formules et les conventions comme masquant la véritable réalité de la réaction de l'homme à l'expérience.

La grande masse du public, avec ses attitudes primaires, n'aurait jamais pu fournir des moyens adéquats de communication authentique.

Seule une " société restreinte ", ainsi que le faisait remarquer E.M.

Forster dans The Longest Journey, pouvait rendre possible une telle communication.

Dans Ulysses, de James Joyce, les personnages apparaissent comme prenant les uns vis-à-vis des autres des attitudes sociales conventionnelles, ils boivent ensemble ce qui constitue un rite collectif essentiellement primaire ; mais, ce faisant, leur conscience reste toujours isolée, et leur véritable personnalité demeure incapable de communiquer avec celle d'autrui.

L'héroïne de Mrs.

Dalloway, de Virginia Woolf, s'efforce continuellement d'atteindre une communication authentique avec autrui et, en même temps, de préserver l'intégrité de son moi contre l'intrusion indiscrète de la personnalité des autres, d'assurer un équilibre précaire entre la solitude et les conventions, de trouver une façon d'aimer qui ne trahisse ni elle-même, ni celui qu'elle aime.

Et, toutes choses égales d'ailleurs, c'est là un des grands thèmes des romans de D.H.

Lawrence, qui traitent tous essentiellement des problèmes de relations humaines et de la façon dont les communications vraies peuvent se trouver entachées de frustration ou de distorsion par les conventions sociales et toutes les formules mécaniques et sclérosantes que les contraintes de la société industrielle moderne imposent à l'individu ; vice versa, Lawrence inaugure les techniques qui permettent d'échapper à ces forces de distorsion : il exploite les moments de. »

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