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Le roman, écrit Alain, est le poème du libre arbitre. En étudiant un roman du 19e siècle à votre choix, vous montrerez l'influence des caractères sur le développement de l'action. Et vous chercherez ensuite si, par un effet inverse, le cours des événements n'est pas, de son côté, un facteur essentiel de l'évolution des personnages ?

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« Il n'y a point de fatalité dans le roman » écrit Alain. Et de fait, si l'on étudie une oeuvre romanesque comme Eugénie Grandet, on constate que le cours des événements y est étroitement tributaire des réactions d'une personnalité très forte, celle du père Grandet. On s'avise également qu'Eugénie et son cousin Charles, par leur comportement en face des décisions impératives de ce tyran familial, sont à l'origine de plusieurs péripéties essentielles. Mais il est incontestable aussi que le jeu des circonstances marque fortement de son empreinte les divers personnages. Leur caractère se forme, se révèle, s'accuse sous la pression des faits, au fur et à mesure que le roman progresse vers sa fin. L'action est inséparable des personnages.

« INTRODUCTION « Il n'y a point de fatalité dans le roman » écrit Alain.

Et de fait, si l'on étudie une œuvre romanesque comme Eugénie Grandet, on constate que le cours des événements y est étroitement tributaire des réactions d'une personnalité très forte, celle du père Grandet.

On s'avise également qu'Eugénie et son cousin Charles, par leur comportement en face des décisions impératives de ce tyran familial, sont à l'origine de plusieurs péripéties essentielles.

Mais il est incontestable aussi que le jeu des circonstances marque fortement de son empreinte les divers personnages.

Leur caractère se forme, se révèle, s'accuse sous la pression des faits, au fur et à mesure que le roman progresse vers sa fin.

L'action est inséparable des personnages. I.

L'ACTION Dans Eugénie Grandet l'action est intérieure.

Un seul événement vient à la traverse et déclenche tout le drame : c'est l'arrivée inopinée de Charles, le cousin de Paris.

Sans l'intérêt passionné que provoque chez Eugénie sa présence, rien n'aurait été modifié dans le cours de ces existences provinciales dont nous devinons la monotonie dès le premier chapitre.

Entièrement assujettie à la volonté paternelle, Eugénie aurait épousé sans enthousiasme et sans regrets le parti avantageux que le père Grandet aurait, le moment venu, choisi pour elle.

Elle aurait poursuivi, au sein de «travaux ennuyeux et faciles», l'existence sans heurts et sans joie d'une petite bourgeoise attachée à ses devoirs d'état.

Il ne faut donc pas minimiser l'importance de ce coup du hasard.

Mais, une fois qu'il est intervenu, le dénouement des faits passe sous la dépendance des personnages.

Devant la passion naissante de sa fille, l'avare se montre irréductible.

Il ne saurait accepter pour gendre ce jeune mondain ruiné dont, par surcroît, les goûts de luxe, la futilité, l'élégance des manières l'exaspèrent.

Il s'attache donc à rompre au plus vite cette intimité dangereuse qu'il voit croître entre Eugénie et son cousin.

Il hâte le départ de Charles pour les Indes.

Et voilà l'affaire réglée. Mais, juste en ce qui concerne Charles, son calcul se révèle faux pour Eugénie.

L'éloignement, l'existence aventureuse, le combat pour la vie ont tôt fait de détacher le jeune homme de sa cousine.

De retour en France, après fortune faite il satisfera ses rêves d'ambition, son espoir d'accéder à la pairie, en épousant une jeune fille sans fortune et sans charme mais qui appartient à la haute noblesse.

La rupture qu'il signifie à sa cousine après un long silence, constitue une péripétie importante du roman.

Elle est la réaction naturelle d'un homme tout entier asservi à son ambition. Quant à Eugénie, la passion qu'elle éprouve et qu'elle entretient pour Charles provoquera une succession de péripéties essentielles. Suivant l'impulsion généreuse de son cœur, elle a donné son or à Charles.

Lorsqu'il l'apprend, Grandet entre dans une colère brutale et comme sa fille lui tient tête avec une froide insolence, il décide de la séquestrer.

La violence de la discussion, le chagrin qu'elle ressent devant ces conflits de famille, les mesures impitoyables prises à l'égard d'Eugénie, hâteront la mort de Madame Grandet dont la santé est déjà fort compromise.

Enfin le mariage d'Eugénie avec le président de Bonfons, dernière péripétie essentielle, est le résultat d'une décision à laquelle la jeune fille a mûrement réfléchi, avec un calme désespoir.

Ainsi, d'un bout à l'autre du roman, l'action progresse suivant une logique implacable, sous l'étroite dépendance des caractères. II.

L'EMPREINTE DES ÉVÉNEMENTS SUR LES PERSONNAGES Mais ces caractères dont l'influence sur le cours des événements est prépondérante ne restent pas identiques à eux-mêmes.

Ils évoluent sans cesse à mesure que l'intrigue progresse et chaque circonstance nouvelle laisse sur eux son empreinte.

Charles nous apparaît d'abord sous l'aspect futile et charmant d'un jeune homme de bonne famille qui a été gâté par la vie.

Le choc que provoque en lui la mort tragique de son père, la tendre affection que lui témoigne Eugénie, l'apaisement qu'il ressent dans l'intimité compréhensive de Mme Grandet et de sa fille éveillent momentanément en lui de nobles sentiments.

Mais l'âpre lutte pour l'existence va révéler et développer en lui les traits de caractère qu'il tient de l'atavisme des Grandet.

De cette épreuve il sort mûri mais impitoyable, prêt à tout sacrifier, sans l'ombre d'un remords, à son ambition forcenée.

Son cynisme, sa sécheresse de cœur s'étalent dans la lettre de rupture qu'il adresse à Eugénie.

Les duretés de l'existence ont fait de lui un être de proie. De son côté, Eugénie se transforme radicalement sous l'influence des circonstances.

Elle n'est, au début du roman, qu'une enfant soumise et douce, qui accepte, sans presque en prendre conscience, l'écrasante tutelle de son père, qui partage la vie étriquée de sa mère sans en être étouffée et que le moindre cadeau bouleverse de plaisir.

Après l'arrivée de Charles, sous l'effet du sentiment qu'elle éprouve, sa personnalité s'épanouit.

Son esprit critique s'aiguise quand elle entend Grandet annoncer sans ménagements à Charles le suicide de son père et sa ruine totale.

Le sens des affaires qu'elle tient de son ascendance paternelle se révèle également : elle calcule avec exactitude l'importance du secours que Grandet pourrait accorder à son neveu pour lui venir en aide et n'hésite pas à solliciter de l'avare le geste qui s'impose.

Ainsi pour la première fois elle s'affirme en face de son père.

La fermeté de son caractère se manifestera encore plus nettement quand elle défendra son droit de disposer à son gré de ce qui lui appartient sans plier sous les menaces ni les représailles.

Enfin, après avoir été si profondément déçue dans un amour qui était devenu sa seule raison d'être, elle fait mieux que se transformer, elle se transfigure.

Elle rend le bien pour le mal, assure le bonheur de l'ingrat par le sacrifice d'une partie de sa fortune et par celui de sa liberté.

Après son précoce veuvage elle consacre sa vie à « soulager les plaies secrètes de toutes les familles et marche au ciel accompagnée d'un cortège de bienfaits ». Quant au père Grandet, son évolution est encore plus significative.

Dominé depuis toujours par une avarice qui a inspiré tous ses actes, muré dans un égoïsme qui l'empêche non seulement d'être pitoyable aux misères des autres mais même d'en prendre vraiment conscience, il semble figé dans son personnage pour l'éternité.

Or, moins sous l'effet d'événements importants que sous celui de la pratique constante de l'avarice dont il est l'esclave, sous l'effet aussi des années qui passent et de la sénilité qui approche, il est de plus en plus asservi à sa passion.

Il aime l'or non pour ce qu'il représente mais pour lui-même.

Il regarde durant des heures ses pièces étalées devant lui, il éprouve une sorte de béatitude à les contempler.

Il vit dans la crainte perpétuelle qu'on ne les lui vole.

Il est devenu un maniaque en proie à une idée fixe. CONCLUSION Le jugement d'Alain se vérifie donc pleinement à propos d'Eugénie Grandet.

Ce roman est bien « le poème du libre arbitre », puisque la trame de l'intrigue est faite d'événements provoqués par les réactions naturelles des caractères.

Mais il est certain aussi que les circonstances traversées, les joies ressenties, les épreuves subies sont l'occasion d'autant d'étapes dans l'évolution des personnages. Cette interdépendance des éléments donne au roman plus d'unité encore et de cohérence.

Mais surtout ces transformations incessantes des êtres au fil des événements donnent à l'œuvre un élan intérieur, un dynamisme profond qui retrouve les pulsations mêmes de la vie.. »

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