« Le temps use les oeuvres littéraires, les chefs-d'oeuvre même, quoi qu'on en dise ». Que pensez-vous de cette affirmation de Montherlant ?
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«
« Le temps use les oeuvres littéraires, les chefs-d\'oeuvre même, quoi qu\'on en dise ».
Que pensez-vous de cette
affirmation de Montherlant ?
I.
Le vieillissement des oeuvres
Les chefs-d'oeuvre du passé ne sont pas bons pour nous.
Un critique contemporain (Bac 1982) : « Les personnages que nous présentent les pièces « classiques » appartiennent à des
groupes sociaux qui, pour la plupart, ont depuis longtemps quitté la scène de l'Histoire.
Les valeurs qui règlent la conduite de ces
personnages, leur conception de l'honneur, de l'amitié, leur sens du devoir, si elles furent de quelque utilité à des nobles ou des
bourgeois du 17e ou du 18e siècle, ne nous sont à nous d'aucune utilité, dans la société qui est la nôtre, pour mieux vivre, ou
simplement pour survivre.
»
J.-P.
Sartre : « Dieu sait si les cimetières sont paisibles : il n'en est pas de plus riant qu'une bibliothèque.
Les morts sont là : ils n'ont
fait qu'écrire, ils sont lavés depuis longtemps du péché de vivre et d'ailleurs, on ne connaît leur vie que par d'autres livres que d'autres
morts ont écrits sur eux...
Écrit par un mort sur des choses mortes, il (le livre) n'a plus aucune place sur cette terre, il ne parle de rien
qui nous intéresse directement.
» (Qu'est-ce que la littérature ?)
A.
Artaud : « Les chefs-d'oeuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous...
Si la foule ne vient pas aux
chefs-d'oeuvre littéraires, c'est que ces chefs-d'oeuvre sont littéraires, c'est-à-dire fixés ; et fixés en des formes qui ne répondent plus
aux besoins du temps.
» (Le Théâtre et son double).
La véritable admiration est historique.
E.
Renan : « Une oeuvre n'a de valeur que dans son encadrement, et l'encadrement de toute oeuvre, c'est son époque...
L'admiration
absolue est toujours superficielle : nul plus que moi n'admire les Pensées de Pascal, les Sermons de Bossuet • mais je les admire
comme oeuvres du 17e siècle.
Si ces oeuvres paraissaient de nos jours, elles mériteraient à peine d'être remarquées.
La vraie
admiration est historique.
» (L'Avenir de la Science).
II.
Les oeuvres toujours vivantes
La caution du jugement de la postérité.
Boileau : « L'antiquité d'un écrivain n'est pas un titre certain de son mérite : mais l'antique et constante admiration qu'on a toujours
eue pour ces ouvrages est une preuve sûre et infaillible qu'on les doit admirer.
»
Connaître les anciens pour apprécier les modernes.
P.
Clarac : « Celui qui se vante d'être insensible au frémissement de vie d'une scène de Racine ou d'une page de Rousseau, je ne
croirai jamais qu'il éprouve un plaisir sincère à lire Supervielle ou Eluard...
Les modernes d'aujourd'hui sont les anciens de demain.
Chacun de ces anciens démodés a été udmoderne en son temps.
C'est par une illusion d'orgueil et de naïveté que nous conférons une
valeur absolue à l'époque où le hasard nous a fait vivre...
Chacun de nous qu'il le veuille ou non est l'héritier de ses devanciers et les
porte en lui.
Des élèves qui ignoreraient tout des chefs-d'oeuvre classiques, que pourraient-ils comprendre à des écrivains qui, au
contraire, en sont nourris.
» (L'enseignement du français).
Faire un effort de compréhension.
Cl.
Roy : « Ce que les oeuvres du passé exigent de nous, c'est notre amitié critique, un effort de compréhension autant qu'une volonté
de pour la Chine).
Les grandes oeuvres sont éternelles.
choix, l'absence de hâte à démêler les fils d'or de la paille morte.
» (Clefs
A.
Adam : « Les oeuvres vivantes sont celles qui à travers les siècles, continuent d'éclairer, d'enchanter ou d'émouvoir.
»
E.
Ionesco : « On a l'impression que plus on est de son temps, plus on est de tous les temps (si on brise la croûte de l'actualité
superficielle).
L'effort de tout créateur authentique consiste à se débarrasser des scories, des clichés d'un langage épuisé, pour
retrouver un langage simplifié, renaissant, pouvant exprimer des réalités neuves et anciennes, pré- sentes et inactuelles, vivantes et
permanentes, particulières et à la fois universelles.
Les oeuvres d'art les plus jeunes, les plus neuves, se reconnaissent et parlent à
toutes les époques.
» (Notes et Contre-notes).
Cl.
Roy : « Ce qui rend les hommes contemporains, ce n'est pas de porter les mêmes chausses et le même pourpoint, d'avoir la barbe
et les préjugés taillés de la même façon, c'est de ressentir les mêmes émotions, de nourrir les mêmes espoirs, d'éprouver les mêmes
nostalgies et de goûter les mêmes plaisirs...
La littérature est le témoignage de tout ce qui s'est passé dans le coeur des hommes.
De
là vient qu'il est à peine nécessaire de connaître les circonstances de grands chefs-d'oeuvre (même s'ils sont de circonstance) pour
être ému, touché et y trouver profit.
De là vient aussi que les très grands livres sont absolument sans date...
Le commerce des
classiques n'est pas seulement compatible avec l'amitié des vivants, il est surtout nécessaire à l'épanouissement heureux de celles-ci.
» (Défense de la littérature).
Baudelaire : « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et
l'immuable.
» (Le Peintre de la vie moderne).
Les chefs-d'oeuvre sont inépuisables.
A.
France : « Comprendre un chef-d'oeuvre c'est en somme le créer en soi-même à nouveau.
Les mêmes oeuvres se reflètent
diversement dans les âmes qui les contemplent.
Chaque génération d'homme cherche une émotion nouvelle devant les ouvrages des
vieux maîtres.
».
»
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