Lecture cursive : le roman de Rabelais de Michel Ragon
Publié le 01/01/2023
Extrait du document
«
LE ROMAN DE RABELAIS : Michel Ragon
L’auteur :
Michel Ragon est un auteur de la 2nde moitié du XXème siècle.
Autodidacte et touche-à-tout, il
est reconnu entre autre comme un spécialiste d'architecture, critique d'art moderne,
dessinateur satirique.
Il a également écrit 16 romans (dont Les mouchoirs rouges de Cholet
sur ….) dont le point commun est de restituer la mémoire du peuple, une sorte de littérature
qu’il qualifie lui-même de prolétarienne, libertaire.
C’est un ardent défenseur d'une littérature
authentiquement populaire parfaitement représentée dans les écrits de Rabelais
NB : résumé de son roman le plus connu « Les mouchoirs rouges de Cholet » un superbe
roman historique qui dresse un tableau foisonnant de la vie rurale d’autrefois, une belle
histoire émouvante et drôle, riche en rebondissements et péripéties dans la Vendée de la fin
du 18ème.
Récompenses obtenues : Bourse Goncourt du récit historique ; Grand Prix des
lectrices de Elle ; Prix de l’Académie de Bretagne Prix Alexandre Dumas.
Histoire : En 1796,
dans un village du bocage vendéen ravagé par les Colonnes Infernales, une poignée de
survivants recommence l’histoire du monde.
Ces hommes vivent une aventure où le tragique
se mêle au sordide et l’espoir à la frustration.
Et c’est peu à peu la résurrection de toute une
paroisse, l’épopée du monde chouan que, même après le génocide de 1793, l’Histoire ne se
lasse pas de persécuter – répression ponctuée d’événements sensationnels, comme en 1808
la désopilante et véridique visite de Napoléon Ier ou, finalement, le dérisoire et décevant
retour des Bourbons.
Le roman :
Dans « le roman de Rabelais », Michel Ragon offre un hommage à « son » Rabelais, un
homme étonnamment moderne et proche de nous, à découvrir ou redécouvrir.
Le rire
déconcertait hier les puissants mais continue de tonner contre toutes les intolérances tant ses
idées défendues sont toujours d’actualités malheureusement : Violences religieuses contre
Humanisme.
L’auteur raconte comment un obscur moine franciscain, Rabelais devint le médecin le plus
réputé de son temps.
D'origine modeste, il fréquenta les papes, fut le protégé d'un cardinal et
l'auteur favori du roi François Ier.
Croyant sincère, il écrivit des livres dont la truculence et
l'audace de pensée lui valurent les foudres des intellectuels de la Sorbonne.
Célèbre dans
toute l'Europe, il acheva sa vie dans un quasi-dénuement, au service des humbles, à SaintMaur près de Paris.
Pourquoi j’ai choisi ce livre :
Je dois vous avouer que j’ai eu un peu de mal à lire le Gargantua de Rabelais.
Je ne
comprenais pas comment la forme de son argumentation, un récit épique très imagé, avec un
langage aussi « fleuri » parfois vulgaire pouvait contribuer à défendre sérieusement les
thèses humanistes jusqu’alors soutenues de façon austères par des philosophes comme
Montaigne … a fortiori dans une époque où primait l’obscurantisme, les répressions
religieuses et l’inquisition.
En lisant ce roman, en adoptant le point de vue de Ragon, j’ai mieux compris la
démonstration de Rabelais et les partis pris qu’il avait adoptés.
Finalement, il faudrait
commencer par lire ce « Roman de Rabelais » pour mieux appréhender le contexte de
Gargantua.
1
Ragon ne se contente pas d’écrire une simple biographie, mais c’est dans une épopée qu’il
nous embarque : celle d’un vieil homme qui fait le bilan de sa vie dont l’itinéraire va d'un
obscur couvent vendéen à la fréquentation des papes au Vatican, devenu l'un des plus
illustres médecins de son temps mais toujours en fuite pour échapper aux bûchers de
l'Inquisition.
Sa volonté de défendre l’humanisme est présente dès les 1ères pages « toute
ma vie a été bouleversée, chamboulée à partir du moment où j’ai ouvert ‘autres livres que la
Bible (…) méfie toi-même de la Bible.
Regarde dans quels abîmes la Bible a conduit les
huguenots »
Toute l’admiration de Ragon pour Rabelais, attise notre curiosité, nous pousse à découvrir
l’homme derrière l’œuvre si atypique, et l’on se prend à espérer que comprendre
l’homme nous donnera les clés pour mieux apprécier son œuvre.
D’ailleurs, dans le §5
notamment, est exposé le parti-pris de Rabelais pour valorises ses idées : il explique
pourquoi il a utilisé l’outrance pour défendre ses idées « En mettant les rieurs de son côté, on
tenait le bon bout (…) Et il s’aperçut qu’il n’y avait pas de meilleur rôle auprès des puissants
que celui de fou.
» dans un français populaire pour s’adresser au plus grand nombre.
On rencontre un Rabelais intime.
Par-delà sa verve truculente, libre et tonitruante, son
emploi des mots de la rue et des légendes, on découvre son humilité, son dévouement pour
ses semblables, un homme avide de découvrir, un artiste, un ami fidèle aussi.
Ainsi que des
aspects moins connus de son caractère : on le sent lucide voire désenchanté (par exemple
lorsqu’il parle de l’inconstance de François 1er à protéger les humanistes dans le §4), malgré
sa volonté de préserver un incroyable souffle de liberté dans un siècle plein de fractures.
Ces
hyperboles, calembours qui mènent au rire sont là pour pallier la misère du pauvre, la
tristesse de cet homme dont la foi sincère est foulée aux pieds par une certaine église et le
pouvoir en place.
Nous avons aussi une nouvelle vision des illustres de cette Renaissance du 16 ème siècle qu’il
côtoie qui nous est décrite, au-delà de leur trace historique : on admire avec lui l’exemplaire
Erasme et le frondeur Villon, on sourit de son amitié avec la famille Du Bellay, on est ému de
son amour inconditionnel et aveugle pour la reine Marguerite de Navarre, on rit de son regard
quelque peu méprisant qu'il jette sur Ronsard et dans une certaine mesure sur Léonard de
Vinci ou au contraire de son admiration inconditionnelle qu'il porte à Clément Marot.
Finalement, on ne peut que succomber face à l’immense érudition du personnage, très
éloignée de la simple image de bon vivant véhiculée dans Gargantua.
C’est toute sa richesse
intellectuelle et humaine qui démontrée et c’est surtout toutes ses contradictions qui sont
dévoilées :
-
Homme de Dieu (moine) pourtant scientifique (« le raisonnement du savant venait
contrarier la foi du prêtre »)
Franciscain (confrérie prônant le dénouement le plus complet) mais ayant vécu avec la
noblesse (prince, reine, pape)
D’abord franciscain (moines mendiants et incultes) puis il a appartenu à l’ordre de St
Benoit (moines savants)
Une certaine "servilité" envers ces Grands qui contraste étrangement avec sa liberté
d'écriture
L’un des 6 plus grands médecins de son époque mais toujours prêt à s’engager auprès
des plus pauvres
Ajouter une dimension politique : François 1er est assimilé à Pantagruel.
Son successeur Henri
II veut aussi que Rabelais lui dédie un livre sur le fils de Pantagruel avec lequel il pourrait se
confondre + François 1er essaie de ce dégager du pouvoir papal car plus tolérant
religieusement (influence de Marguerite de Navarre) et adorateur des arts de la Renaissance.
2
Il veut aussi diminuer la contribution financière de la France vers Rome.
Les écrits de
Rabelais qui se moque de façon imagée des excès catholiques (privilèges, ostentations, …)
aide François 1ER.
Henri II qui reprend le chantier de son père conseillé par Jean Du Bellay a
besoin d’un nouvel écrit de Rabelais dans la même verve pour peser contre Rome.
Rabelais
finit par écrire le Quart Livre pour répondre à ses attentes mais est trahi par les 2 (Henri et
Du Bellay) qui ne vont pas au bout de leur dessein et négocie avec le Pape : il est exclu, isolé
et trahi.
Citations préférées :
-
-
-
Page 14 : défense de l’humanisme
« je n’ai jamais possédé aucun bien, sinon des livres, oui des livres qui valaient cher.
J’ai gaspillé tout l’argent que je réussissais bien difficilement à soutirer au cardinal pour
acheter des livres grecs.
Je m’usais les yeux à les traduire en français.
Je m’abîmais
l’esprit à comparer la sagesse antique et nos croyances théologiques.
»
Page 25 : « on apprend que si l’on doute.
Et vous avez vraisemblablement ressenti,
vous ressentez encore, le plaisir du doute »
Page 71 : (les exactions de l’époque) le conduisirent à cette conclusion : lorsqu’il n’y a
plus de larmes pour pleurer, reste le rire.
Le rire protège de la peur.
»
Page 72 :
« Rabelais découvrit une mine d'or : le vocabulaire.
Non pas le vocabulaire des érudits,
ou plutôt pas seulement celui-là car il s'en servira aussi, mais tout le vocabulaire, tous
les vocabulaires, des corps de métiers, des provinces, des dialectes et des patois, du
vieux langage et des mots nouveaux que l'on pouvait inventer.
»
Page 72 : « le vocabulaire permettait de déconsidérer les ennemis de l’humanité en
ridiculisant le langage des maîtres »
3
Personnage :
-
-
-
-
Rabelais
Gilles : Le moinillon franciscain qui visite tous les jours à Saint Maur, Rabelais vieux :
son secrétaire, portier, souffre-douleur et confident
Abbé Geoffroy d’Estissac : bénédictin de l’abbaye de Maillezais qui accueillit Rabelais à
sa fuite du couvent.
Il décela son potentiel et en fit son secrétaire érudit, spécialiste
des textes anciens.
Philibert de l’Orme : architecte de l’abbaye bénédictine de Saint Maur, il est nommé par
le roi responsable des bâtiments royaux.
Il doit aussi imaginer le château d’Anet pour
Diane de Poitiers.
Ami de Rabelais
Cardinal Jean du Bellay : amis de Rabelais depuis l’enfance.
Mécène du savant, patient
du médecin.
Illustre humaniste et érudit que Rabelais.
Ainsi que ses 3 autres frères.
Marguerite de Navarre : sœur du roi François 1er et la « dame à la licorne » de
Rabelais.
Erudite, elle contribua grandement au succès de Rabelais et aux thèses
humanistes même si il ne la rencontra jamais.
Rabelais lui voua une admiration sans
borne.
Beda : maître du collège Montaigu ou Rabelais prépara son bac.
Il est aussi le garant
de la vision catholique dans l’éducation, il règle sur la Sorbonne et dénonce les libres
penseurs : il contribua à la déchéance de Dolet et l’interdiction de Gargantua
Détail des § :
§1 : son apprentissage au couvent des franciscain avec d’abord les frères Du Bellay.
Puis sa
découverte des livres notamment grecques et sur la médecine qui mettent à mal sa foi et les
dogmes de son ordre.
Sa 1ère accusation d’hérésie
Sa fuite du couvent pour l’abbaye de Maillezais et son nouveau protecteur Geoffroy
d’Estissac.
Il y reste 7 ans et acquiert toute sorte de savoir théorique dans les livres et
4
pratiques dans les travaux manuels.
Il devient un bras droit de l’abbé et acquis une place de
choix au sein de cette cour.
Il dialogua pour accroitre ses connaissances avec le médecin et
l’apothicaire de la cour, avec l’architecte et correspondit avec Erasme et Budé
§2 : On passe à l’époque où Rabelais quitte Maillezais et rejoint Jean du Bellay, venant d’être
nommé évèque de Paris et envoyé à Rome.
Il le suit à Rome en qualité de médecin (du Bellay
avait des sciatiques).
Mais Rabelais n’est pas dupe, il soupçonne une nouvelle manœuvre politique de du Bellay.
On
apprend qu’au début de leurs retrouvailles, les enjeux diplomatiques fomentés par les Du
Bellay pour réconcilier les catholiques et les protestants ont été menacés par l’empereur
d’Espagne Charles Quint.
Cela conduisit Du Bellay à quitter Rome précipitamment en
emmenant Rabelais avec lui.
Retour au Rabelais vieux qui dénonce dans un long discours les censures de l’inquisition de
l’époque, les tortures dont sont victimes les intellectuels qui osent la liberté d’expression, et
les risques qu’il prendrait à écrire un nouveau livre même si c’est à la demande du roi par
l’intermédiaire de Du Bellay.
Ils argumentent qu’ils ne sont plus adaptés à cette nouvelle
époque (Henry II a succédé à François 1er), qu’ils sont trop humanistes
§3 : on retrouve le Rabelais médecin des pauvres, au service des plus humbles et qui
pratique une médecine qui n’a rien à voir avec les charlatans de l’époque.
Il a acquis des
connaissances botaniques pour....
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