Lecture linéaire du Crapaud de Tristan Corbière
Publié le 13/11/2022
Extrait du document
«
Le Crapaud
Un chant dans une nuit sans air…
– La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
– Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…
– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… – Horreur ! –
… Il chante.
– Horreur !! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
.....................
Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.
Ce soir, 20 Juillet.
Tristan Corbière - Les Amours jaunes
1 mouvement : v.1 à 6, un chant mystérieux dans un cadre fantastique
er
« Un chant dans une nuit sans
air »
« nuit sans air »
Mise en valeur par sa place en
début de poème + dans une
phrase non verbale
négation
points de suspension v.1
tiret du v.2
« nuit » / « lune »
« plaque », « métal »,
« découpure »
« clair » / « sombre »
« découpures du vert sombre »
Éléments du fantastique
isotopie du tranchant ou de la
dureté
Antithèse
Cadre spatial
Points de suspension pré-posés
« … un chant »
Anaphore
« un chant ; comme un écho,
tout vif »
Phrase non verbale
« un chant »
article indéfini + absence de
qualificatif ou de complément
du nom
« Comme un écho »
comparaison
« Tout vif »
polysémie
« enterré », « sous le massif...
»
Lexique de l’enfouissement
Déictique (=Qui désigne un
« là »
objet (locuteur, lieu, date…) dont
le référent dépend de la situation
d'énonciation)
v.5
points de suspension
« ça », et « c' »
pronoms neutres
« viens »
l'impératif
Tiret du v.
6 (et les suivants)
« ombre » /« sombre »,
rime
Importance du chant, comme s’il remplissait
l’espace à lui seul.
Bruit décalé dans un décor
sombre, étrangeté de la scène
sensation d’étouffement, de pesanteur
Suspense, mystère
opère une coupure pour décrire le cadre, afin
d’insister sur l’aspect incongru du chant ici
ambiance fantastique, peur, mystère
Froideur, peur
Étrangeté du décor
Forêt ? Renforce la peur (forêt, lieu du mal)
Comme si les v.2 et 3 n’avaient été qu’une
parenthèse et que le poète revenait à l’essentiel :
le chant, intrigant
Mise en valeur du chant qui crée une phrase à
lui tout seul → il remplit l’espace, comme au
v.1
on ignore quel est ce chant (un chant d’oiseau ?
De femme ?) → renforce le mystère
À mettre en relation avec l’anaphore de « un
chant » : il se répète, il remplit la nuit
- vivant, intense, donc sonore ?
- net et tranchant, comme la lune, donc
effrayant ?
- à vif, comme une plaie douloureuse ?
= en tout cas, intrigant, semble trancher le
silence de la nuit → le chant devient l’unique
préoccupation du poète.
Le mystère qui entoure le chant est souligné par
sa localisation comme s’il se cachait.
Que désigne cet adverbe ? Où sommes-nous ?
L'adverbe suggère que le poète se trouve à
proximité du lieu où se trouve le crapaud, et
donc qu’il aurait une proximité psychologique
avec ce chant.
Il fait d’ailleurs écho au « là » de
« ce crapaud-là » dans le dernier vers.
Laissent à penser que le poète s’est approché de
l’endroit et qu’il se tait pour écouter → silence
Cultivent le mystère.
Le poète s’adresse à quelqu’un : on ignore de
qui il s’agit : adresse au lecteur ?
Semblent désormais être les marqueurs d’un
dialogue, mais on ignore toujours qui
accompagne le poète.
Contribue au mystère ou à l’inquiétude qui
émane du chant.
2ème mouvement : v.
7 à 14, beauté et laideur d’un crapaud maudit
Multiplication des tirets
« Un crapaud ! »
« pourquoi cette peur »
Exclamation
« Crapaud »
Symbole
« Pourquoi », « moi », « vois »,
froid », etc.
Assonance en [oi]
« ton soldat fidèle
Métaphore ironique
« près de moi »
Injonction
« vois-le »
Impératif
v.9
9 syllabes
« poète tondu, sans aile »
« rossignol de la boue »
Métaphores
Oxymore
Comme une curieuse saynète montrant deux
réactions différentes devant le crapaud
découvert
Prononcé sur un ton apeuré, comme le suggère
la didascalie interne « pourquoi cette peur ».
Animal maudit (prince charmant transformé en
crapaud par les sorcières, bave de crapaud… )
→ poète maudit ?
Maintenant que le mot « crapaud » a été dit, le
son [oi] se multiplie jusqu’à la fin du poème,
mimant le coassement.
Connotation courtoise, semble montrer que le
poète est accompagné de la femme aimée, ce
que confirme le tutoiement (« viens », « voisle »).
Le poète se pose en homme protecteur et en
maître : l’injonction « près de moi » et la
métaphore du « soldat fidèle » montrent un
aspect protecteur → protéger une femme d’un
crapaud = prête à sourire.
Vise à ouvrir les yeux de la femme pour lui faire
une leçon sur le crapaud.
Vers monstrueux, « boiteux », à l’image de
Corbière ou du crapaud… il comporte une
syllabe de trop.
Il est décrit par des images étonnantes : il
apparaît comme un animal caractérisé par des
manques (tondu / sans ailes) et un animal
méprisable, bas (de la boue)
Les sentiments du poète à son endroit sont
ambigus : mépris (« tondu », « sans aile », « de
la boue ») ou admiration (« poète »,
« rossignol ») ?
La désignation « poète tondu » assimile le
crapaud à un poète → rapprochement de
Corbière avec le crapaud.
Le poète « sans aile », empêché de voler est une
allusion à Baudelaire : chez ce dernier, l’idéal
prend souvent la figure d’un oiseau, d’un envol
(dans « Elévation » ou « L'Albatros » par
exemple).
Ici, le poète ne peut atteindre l’idéal,
il est plaqué au sol, enfoncé dans le sol
(« enterré », « sous sa pierre »).
Il a la faculté de
chanter de chanter mais pas celle de s’envoler.
L’oxymore « rossignol de la boue » suggère un
embourbement dans ce que Baudelaire appelle
« la fange » ou « les miasmes sordides » de
l’existence.
Le poète (rossignol) est voué au
« Horreur ! »
Interjection à la rime avec
« peur »
« Il chante »
Métaphore méliorative
« Horreur !! »
2 occurrence de « horreur » +
deux pts d’exclamation
« Horreur pourquoi »
en écho à « pourquoi cette
peur » v.7
Questions rhétoriques
« Vois-tu pas » en écho à « voisle » v.9
Négation
« œil de lumière »
Métaphore
« il s’en va, froid, sous sa
pierre »
Métaphore ?
« nuit », « sombre », « ombre »,
« enterré », « sous sa pierre »/
« lune », « métal clair »,
« lumière »
Antithèses ombre / lumière
ème
Ligne de points
malheur, à la honte (il reste dans la boue).
Cependant, la boue évoque le pouvoir du poète,
lorsque l'on pense au vers de Baudelaire « Tu
m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or ».
Marque de dégoût.
« horreur » marque une
gradation par rapport à « peur », ce qui accentue
le dégoût ressenti par la femme
Le coassement est désigné par un chant → le
crapaud ressemble à l’aède, ou au poète.
Comme si l’horreur allait croissant.
Le poète défend le crapaud auprès de la femme,
comme s’il se sentait personnellement blessé
par le dégoût de sa compagne.
Marque l’échec du poète à convaincre sa
compagne : d’abord il tentait de lui faire voir la
beauté bizarre du crapaud,....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Dans le contexte d'une opération culturelle de promotion de la poésie, une plaquette est distribuée contenant entre autres un portrait imagé du poète d'aujourd'hui, à la manière des textes L'albatros, Baudelaire; Le crapaud, Tristan Corbière; Le pin des landes, Théophile Gautier; Nuit de mai -> La muse, Alfred de Musset. Vous rédigerez ce portait (en prose). Un minimum de 2 pages est attendu.
- Tristan Corbière, « Le crapaud », Les Amours jaunes, 1873.
- Lecture linéaire de Giton : Les caractères de la Bruyère
- Stendhal Le Rouge et le Noir: Lecture linéaire : Texte n°3, Livre II, chapitre XLV : de : « [Fouqué] passait la nuit seul » à la fin du chapitre
- Lecture linéaire de l’extrait 3, du Rouge et le Noir : le procès : « Voilà le dernier de mes jours qui commence […] des bourgeois indignés… », II, XLI, pp.538-539.