Les Faux-Monnayeurs, incipit (André Gide)
Extrait du document
«
Le début du XXème siècle est marqué par les deux guerres mondiales successives.
Dans ce contexte de
crise, naît en littérature, un nouveau genre littéraire, baptisé « nouveau roman », qui suit le roman naturaliste.
André Gide est le précurseur de cette mouvance.
En effet, dans toute l'oeuvre gidienne se pose la question du rôle
et de la responsabilité de l'écrivain face à son travail.
Gide a été l'auteur de genres très divers, puisqu'il s'est illustré
en théâtre, en écrivant de la poésie symboliste ou bien encore en composant des récits classiques.
Mais de toutes
ses œuvres, Les Faux-Monnayeurs reste le seul livre qu'il considérait comme étant un roman.
Il fut rédigé entre
1921 et 1925 et publié en 1926.
Il dédia son livre à Roger Martin du Gard, écrivain lui aussi, mais qui n'appartenait
pas au « nouveau roman », celui-ci se rattache au mouvement naturaliste.
Les Faux-Monnayeurs est une œuvre
très complexe, puisqu'il y a une mise en abyme qui interroge sans cesse le genre romanesque.
Dès le début de
l'œuvre, nous sommes en contradiction par rapport à notre expérience précédente dans le genre romanesque,
puisque la chronologie n'est pas respectée.
L'extrait de texte que nous allons étudier est le début du roman.
Il met
en scène Bernard, un jeune enfant qui découvre sa bâtardise par hasard lors de la lecture de lettres de l'amant de
sa mère.
Comment le début du roman est-il alors traité ? Quel est son rôle dans la suite de l'oeuvre ? C'est ce que
nous verrons en commençant notre étude par le fait que c'est l'ouverture du roman, puis, bien qu'il soit une
ouverture, il marque également la fin d'une période et enfin, en s'appuyant sur ces deux points, comment il esquisse
une représentation du « nouveau roman ».
***
Le roman s'ouvre sur un des personnages principaux, Bernard, qui découvre qu'il est un enfant bâtard.
Il
est alors intéressant de voir comment est mis en place cette première scène, mais également, en quoi elle est
différente d'un début de roman plus traditionnelle, et que nous apporte-t-elle sur le déroulement de la suite de
l'œuvre.
Le terme « incipit » vient du latin incipere qui signifie « commencer ».
L'incipit sert à définir le genre du
texte et annonce le point de vue adopté par le narrateur ainsi que les choix stylistiques de l'auteur.
En ce qui
concerne cet extrait, nous sommes au début du roman.
Nous nous attendons donc à découvrir le lieu, le temps de
l'action et le personnage principal, comme c'est le cas dans chaque roman.
Habituellement, nous suivons le premier
personnage cité de l'œuvre tout au long de l'histoire.
Ici, nous rencontrons Bernard Profitendieu.
En effet, c'est une
partie de son histoire qui nous est racontée.
Bernard se trouve chez lui, nous le savons grâce à «Bernard
Profitendieu était resté à la maison pour potasser son bachot ».
Dans cette citation, nous apprenons également que
le personnage est un adolescent et qu'il a un profil d'étudiant sérieux.
Le lecteur s'imagine alors suivre les péripéties
de ce jeune protagoniste suivant un ordre chronologique, mais ce n'est pas le cas, puisque le début de l'histoire est
racontée plus tard dans l'œuvre, avec le Journal d'Edouard qui racontera les événements de l'année précédente.
La chronologie n'est pas respectée, comme nous le dit Gide dans son journal des Faux-Monnayeurs « C'est
à l'envers que se développe, assez bizarrement, mon roman.
C'est-à-dire que je découvre sans cesse que ceci ou
cela, qui se passait auparavant, devait être dit.
Les chapitres, ainsi, s'ajoutent, non point les uns après les autres,
mais repoussant toujours plus loin celui que je pensais d'abord devoir être le premier ».
Cette citation remet en
question l'incipit.
Si nous restons dans cet optique, n'est-il pas interchangeable ? On suppose alors que Gide a
procédé d'une façon non chronologique pour composer son roman.
Il était en quête d'une origine.
C'est dans sa
Correspondance avec Martin du Gard, en octobre 1922, un an après qu'il ait commencé à écrire son livre qu'il lui dit
« J'ai découvert que Bernard est un enfant adultérin ; c'est ce qu'il découvre lui-même, et c'est à la suite de cette
découverte qu'il s'enfuit ; etc.
».
Le fait que la découverte de la bâtardise de Bernard se fasse après le
commencement de l'écriture du livre, rapproche l'écrivain du lecteur.
En effet, tous les deux se laissent surprendre
par cet événement.
Cette surprise annonce la suite de l'œuvre.
Dès le début, entrent en scène des lettres « Une goutte de
sueur coula le long de son nez, et s'en alla tomber sur une lettre qu'il tenait en main ».
Après la lecture de l'œuvre,
nous pouvons dire que celle-ci nous rappelle les lettres d'Edouard.
Ce mode d'écriture est fondamental puisque c'est
par elles que le secret de la mère de Bernard lui est caché et finalement dévoilé.
Elles constituent l'élément
perturbateur.
Avant, on était face à de la description, avec l'emploi de l'imparfait « bouclait, respectait, étouffait ».
C'est également dans cet incipit que se joue le destin de ce personnage, puisqu'il a décidé de partir de chez lui juste
après cette découverte, où il ne reconnaît plus son père devenu adoptif.
N'ayant plus de liens familiaux, il peut
s'enrichir de ses futures expériences de jeune adulte.
Le narrateur est omniscient, ce qui nous rapproche de ce.
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