LES FOYERS DE LA VIE INTELLECTUELLE AU XVIIIe siècle
Extrait du document
«
Les écrivains se réunissent dans les endroits à la mode : clubs, cafés, salons.
LE CLUB DE L'ENTRESOL.
La compagnie privée la plus célèbre est celle que fonda, vers 172o, l'abbé Alary à l'entresol d e l'hôtel du président
Hénault, place Vendôme.
Elle comprenait une vingtaine de membres.
L'un d'eux, le marquis d'Argenson, la définit comme « une espèce de club à
l'anglaise ou de société politique parfaitement libre, composée de gens qui aimaient à raisonner sur ce qui se passait...
et dire leur avis sans crainte d'être compromis ».
On se réunissait à l'Entresol le samedi; l'été, on se promenait aux
Tuileries sur les terrasses.
On commentait les nouvelles du jour et on lisait des mémoires.
Montesquieu, admis dans
cette société après le succès des Lettres persanes, présenta en 1722 son Dialogue de Sylla et d'Eucrate.
La hardiesse de
ces conférences finit par inquiéter le pouvoir; et les réunions furent pratiquement suspendues après 1731.
L'animateur de ce club était un personnage étrange, l'abbé de Saint-Pierre, aumônier de Madame et « philosophe » renommé
Il avait composé notamment un Projet de Paix perpétuelle (1713-1717), qui contenait des vues hardies sur le
désarmement et sur la nécessité d'un arbitrage international.
C'était un esprit ingénieux et toujours en mouvement.
Selon d'Argenson, il fournissait « à lui tout seul pour les lectures plus que tous les autres membres de l'Entresol ».
LES CAFÉS PUBLICS ET PRIVÉS
La première maison de café s'était ouverte en 1667; ce genre d'établissement connut bientôt une vogue extraordinaire;
en 1715, on en compte trois cents à Paris.
Les cafés les plus connus furent le café Procope, ouvert en 1695 par un Sicilien,
et où s e réunissaient Fontenelle, Piron, Voltaire, Diderot, Marmontel; le café Gradot, fréquenté par La Motte; le café
Laurent, où, selon Montesquieu, « on apprête le café de telle manière qu'il donne de l'esprit à ceux qui en prennent »
(Lettres persanes, XXXVI).
Tout en consommant le moka brûlant ou la limonade glacée, gens de lettres et beaux esprits se
communiquaient en cachette les libelles interdits, faisaient assaut de verve et entretenaient par leurs polémiques une atmosphère
chargée d'orage; le public, intrigué, faisait cercle autour des « nouvellistes » qui répandaient avec conviction des rumeurs
parfois extravagantes, ou des poètes qui débitaient des chansons satiriques contre le gouvernement.
Le succès de ces cafés publics fut tel que la mode se répandit dans le beau monde de transformer certains jours les salons en
cafés.
O n disposait dans une salle d e petites tables avec des jeux et des boissons; la maîtresse du lieu, vêtue à
l'anglaise, s'installait derrière une table en forme de comptoir, tandis que les valets, qu'on appelait déjà « garçons »,
circulaient en vestes et en bonnets blancs.
LE SALON DE LA DUCHESSE DU MAINE (1699-1753)
La duchesse du Maine, petite-fille de Condé, voulut restaurer la splendeur des grandes années du règne de
Louis XIV et faire de son domaine, à Sceaux, un Versailles en miniature.
La « cour de Sceaux » accueillit
des h o m m e s d e lettres comme Fontenelle et La Motte, des poètes galants comme Chaulieu et La
Fare; M.
de Malézieu, mathématicien, poète et précepteur du jeune duc, était le grand ordonnateur
des réjouissances.
Les conversations brillantes, les jeux littéraires, alternaient avec les fêtes
champêtres et les « grandes nuits », qui déployaient leurs fastes dans le parc, à la lueur des
flambeaux.
En 1718, cependant, fut découverte la conspiration contre le Régent ourdie par Cellamare,
ambassadeur d'Espagne : la duchesse était complice et fut embastillée.
Les réceptions, un moment
suspendues, reprirent bientôt, sans connaître le même éclat.
LE SALON DE LA MARQUISE DE LAMBERT (1710-1733)
La marquise de Lambert voulut réagir contre les moeurs de la Régence et faire revivre, sous une forme plus
noble et plus sincère, l'idéal précieux de l'Hôtel de Rambouillet.
Son salon, ouvert rue d e Richelieu,
accueillit une assistance choisie; le mardi était réservé aux gens de lettres, le mercredi aux gens de
qualité.
Parmi les familiers se retrouvaient Fontenelle, La Motte, l'abbé de Saint-Pierre, Montesquieu,
Marivaux, le président Hénault, le marquis d'Argenson; et aussi Mme de Caylus, Mme d'Aulnoy.
On
causait, on lisait, on discutait avec passion sur d e s thèmes littéraires (les bergers d'une idylle
peuvent-ils avoir les manières polies des gens du monde ?); on manifestait de la sympathie pour les
doctrines des « Modernes »; parfois aussi Fontenelle satisfaisait les curiosités des mondains en
mêlant la science à la galanterie.
LE SALON DE MADAME DE TENCIN (1726-1749)
Mme de Tencin, après une jeunesse tumultueuse, au cours de laquelle elle se signala par la passion de
l'agiotage et par des aventures scandaleuses, accueillit, rue Saint-Honoré, une société nombreuse, où des
financiers, des courtisans, des magistrats, des militaires, des abbés, se mêlaient aux h o m m e s de
lettres.
Duclos, l'abbé Prévost, Marmontel, Piron, Mably, Helvétius et les anciens habitués des mardis
chez la marquise d e Lambert constituaient le noyau littéraire d e l'assemblée; d e s étrangers d e
marque, comme Lord Bolingbroke, Lord Chesterfield, paraissaient aux réceptions, lorsqu'ils étaient de
p a s s a g e à Paris.
Mme d e Tencin encourageait les propos brillants ou piquants; m a i s un perpétuel
besoin d'intrigue lui faisait préférer aux entretiens littéraires la discussion des idées nouvelles : elle
mit à la mode, dans les cercles mondains, les « conversations de philosophie »..
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