Les pas - Poème de Paul Valéry
Extrait du document
«
Paul Valéry s’est d’abord fait connaître par sa poésie, avec son Album de vers anciens.
Mais il a ensuite voulu renoncer
à celle-ci et s’est tourné vers la réflexion.
C’est pourquoi, par la suite, ses écrits poétiques sont toujours marqués par
une dialectique entre le sensualisme et la pensée, et par une réflexion sur l’inspiration.
On verra ici comment le poète
semble suggérer une mise en scène à l’érotisme discret, pour mener une réflexion sur l ‘écriture.
I.
Une poésie néo-classique
- forme régulière : succession d’octosyllabes à rimes croisées tout au long du poème.
Toutes les rimes respectent la
règle de la rime riche.
La césure est souvent à l’hémistiche, par exemple pour les vers 5 et 6, en tout cas elle ne gêne
jamais la compréhension.
- rythme fluide : nombreuses labiales (« lentement placés ») ou sifflantes (« de tes lèvres avancées », « pour l’apaiser
», « baiser », « vous attendre »).
Le poème est constitué de deux strophes qui consistent en deux phrases, la
deuxième est particulièrement longue et se déroule jusqu’à la pointe finale.
- syntaxe claire : la première phrase est syntaxiquement simple, elle comporte seulement deux incises clairement mises
en lumière.
La deuxième suit le schéma : « si...
alors » (« si, de tes lèvres...ne hâtes pas »).
Avec une explicitation
pas « car » : « car j’ai vécu de vous attendre » ».
l semble que le projet du poète soit d’être le plus compréhensible
possible, que sa poésie coule comme une évidence.
On pense à la comparaison opérée par ...
dans son Art poétique,
entre la poésie classique et le diamant : la poésie classique tend à la pureté, la clarté, sans comparaisons ni
métaphores excessives.
Il y a très peu de métaphores dans le poème, ou alors sobrement exprimées sous la forme
d’une apposition : « tes pas, enfants de mon silence »...
ou d’une assimilation »la nourriture d’un baiser », « mon coeur
n’était que vos pas ».
II.
Une poésie partagée entre sensualisme et intellect
- l’allusion à un plaisir sensuel : champ lexical de la sensation : « doux...
pieds nus...
apaiser...
baiser...
tendre...
douceur ».
Le poète évoque un plaisir particulier, celui de l’attente du plaisir, dont l’érotisme est suggéré discrètement
par la nudité des pieds et la mention du baiser.
Le plaisir est retenu par l’attente ce qui communique une tension au
poème, exprimée par l’exclamation : « Dieux ! » suivie des points de suspension.
Le pluriel de « Dieux » suggère un
paganisme sensuel.
Le fantasme est aussi présent, suggéré dans le vers : « tous les dons que je devine « .
- mais le plaisir des sens est observé par l’intellect : les capacités cérébrales du poète sont actives : « ma vigilance...
je devine...
» et le baiser doit apaiser « l’habitant de mes pensées », les sens s’adressent à l’intellect.
Celui-ci apparaît
également dans la volonté de contrôle qu’affiche l’instance « je » : « ne hâte pas cet acte tendre » constitue un ordre
adressé à la fois à la mystérieuse marcheuse, et aux sens du poète : celui sublime l’entre-deux de l’attente en le
transformant en une dialectique poétique : « douceur d’être et de n’être pas » le paradoxe ainsi exprimé rend
supportable l’attente du plaisir.
- champ lexical du sacré : « saintement...
ombre divine...Dieux !...
» la « pureté » de la marcheuse s’apparente à la
pureté d’une prêtresse.
Sa venue évoque une procession religieuse, suggérée par le terme : »procèdent ».
Le baiser,
pris comme une nourriture, peut rappeler l’Eucharistie.
L’acte amoureux, observé par l’intellect, est sublimé
poétiquement : il est assimilé à une cérémonie religieuse, et le caractère allusif de l’écriture crée le mystère et la
beauté.
III.
Les pas, métaphore de l’écriture, réflexion sur l’inspiration
- en latin, « pas » se dit « vestigium », et signifie à la fois « pas » et « trace, », trace de pas.
Valéry, qui était très
érudit, joue sans doute ici sur le double sens du mot latin : le pas c’est aussi la trace qu’on laisse, et, dans son cas,
l’écriture.
Cette interprétation est accréditée par le fait que le poète semble estimer que ces pas sont en sa
possession, viennent en réalité de lui : « tes pas, enfants de mon silence » puis dernier vers, « mon coeur n’était que
vos pas » qui peut se comprendre à la fois dans le sens du compliment amoureux et galant, et dans le sens d’une
assimilation du poète aux traces qu’il laisse.
Ces pas sont la trace extérieure de la recherche poétique intérieure du
poète.
- le paradoxe exprimé par le vers 14 peut se comprendre comme une métaphore de l’inspiration du poète : celle-ci se
laisse deviner mais sans s’exprimer clairement.
C’est au poète ensuite, par son travail, d’incarner l’inspiration.
Valéry exprime une pensée moderne sous une forme classique : ici, il sacrifie à l’esthétique néo-classique en produisant
une forme ciselée et régulière.
Il joue avec les formes attendues en nimbant de mystère une situation apparemment
claire : l’attente, dans un lit, de la venue d’ une femme pleine de sensualité.
Ce mystère donne de la latitude à de
nombreuses interprétations du poème : la femme peut se comprendre comme une allégorie de l’inspiration, « anima »,
figure féminine
>>>> SECONDE CORRECTION DE CE MEME POEME: http://www.devoir-de-francais.com/passup-themes-107635559.html.
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