l'esprit du roman est l'esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : Les choses sont plus compliquées que tu ne penses. Milan Kundera, l'Art du roman. En vous fondant sur votre expérience de lecteur de romans et de nouvelles, vous expliquerez en quoi vous rejoignez ce propos de Milan Kundera ?
Extrait du document
«
Introduction
Ce qui caractérise un certain type de roman moderne, c'est que son écriture s'accompagne le plus souvent d'une
réflexion critique qui en éclaire la conception.
Ainsi, Milan Kundera, en marge d'une production romanesque
importante, publie-t-il, en 1986, L'Art du roman, dans lequel il écrit: «L'esprit du roman est l'esprit de complexité.
Chaque roman dit au lecteur : les choses sont plus compliquées que tu ne le penses.
»
Nous essaierons d'analyser les rapports entre complexité romanesque et vie réelle : cette complexité du roman ne
traduit-elle pas un effort pour atteindre la vérité et rétablir une transparence entre l'art et la vie ?
Première partie : l'univers complexe du roman
• A priori, le roman, qui n'est qu'une portion du réel mise en ordre par le romancier, devrait être plus simple que la
vie elle-même.
• Cependant, le point de vue adopté par le romancier, loin de simplifier la réalité, fonctionne comme un prisme et la
déforme, pour la reformer, d'une façon personnelle et finalement très complexe.
C'est ce qui fait qu'il n'y a pas deux
univers romanesques qui soient semblables.
Le sentiment de l'attente vaine et de l'ennui, bien que développé par
des intrigues comparables, s'exprime de façon bien différente dans Le Désert
des Tartares de Dino Buzzati et Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq.
• Aussi simple soit-elle, l'intrigue d'un roman est toujours complexe (au sens étymologique d'embrasser diverses
parties plus ou moins imbriquées).
Exemple : l'intrigue de L'Etranger d'Albert Camus présente des relations beaucoup
plus complexes qu'il n'y paraît entre Meursault et les autres personnages ; c'est d'ailleurs tout l'enjeu du procès qui
termine le roman.
• Au-delà même de la complexité de l'intrigue, la description, élément caractéristique du roman, permet au regard
aigu du romancier de déceler la complexité du monde à première vue invisible.
Exemples : la boutique d'antiquités au
début de La Peau de chagrin de Balzac ou encore l'inventaire du grand magasin dans Au Bonheur des dames d'Emile
Zola, où la description révèle bien la fascination qu'exerce sur les romanciers la profusion des objets.
Deuxième partie : une complexité qui vise la vérité
• Le but avoué de la plupart des romanciers est de faire entrer le monde dans leurs créations.
« Le roman est toute
l'histoire privée des nations » (Balzac).
• C'est la complexité de l'univers romanesque qui permet d'impliquer le lecteur dans l'œuvre, l'enserrant dans son
réseau et l'amenant de révélation en révélation vers quelque chose qui ressemble à la vérité.
C'est cette même
complexité qui suscite le désir d'explorer la totalité de l'œuvre d'un auteur.
Exemple : qui se sera laissé prendre par
un des volumes de la recherche du temps perdu de Marcel Proust, ne peut que lire l'œuvre en entier.
• La complexité déjoue le jeu des apparences, seule elle permet d'atteindre l'essence même des choses et de leur
faire dire tout ce qu'elles ont à révéler.
Exemple : l'hallucinante description de la casquette de Charles, au début de
Madame Bovary de Flaubert, qui nous révèle à la fois le caractère du personnage et le regard que Flaubert porte sur
le monde des objets.
• Cela dit, la complexité romanesque nous sauve du désordre du monde : artistiquement ordonnancée, elle nous le
rend intelligible.
Nous comprenons dès lors que « les choses sont plus compliquées que tu ne le penses ».
Troisième partie : complexité et transparence
• Dévoiler au lecteur une complexité du monde plus grande qu'il ne le pensait pourrait, à première vue, le
désorienter, voire le désespérer.
C'est peut-être même une des fonctions essentielles de la littérature que de
remettre en cause les certitudes : « Les grands génies sont ceux-là qui épouvantent » selon Flaubert, tandis que
pour André Gide, c'est une « belle fonction à assurer, celle d'inquiéter ».
• Mais, chez tous les grands romanciers, une certaine idée du monde, une vision globale fournissent au lecteur une
clef pour maîtriser cette complexité.
Exemple : le déterminisme social de Zola, l'humanisme généreux de Hugo,
l'existentialisme de Sartre.
• Cela est vrai quelle que soit la clef : lire chez Camus que le monde est absurde, rassure paradoxalement
celui qui le constate dans sa propre existence en le sauvant de sa solitude.
• Le propre de la littérature, n'est-ce pas de détruire préjugés et certitudes, c'est-à-dire tout ce qui nous ferait
croire à une simplicité du monde, pour redonner au lecteur des convictions plus hautes qui lui permettent d'accepter
le monde sous son vrai jour..
»
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