L'évolution poétique de Stéphane MALLARME
Extrait du document
«
Stéphane Mallarmé apparaît, lors de ses débuts dans la poésie, comme un disciple de Baudelaire, dont il imite l'art et
l'inspiration : il exprime son dégoût de la réalité vulgaire et son besoin d'idéal.
Son originalité commence à se
dégager nettement dans Hérodiade et L'Après-Midi d'un faune.
Mais son influence s'exerce surtout à partir de 1884,
grâce aux réunions du mardi qui se tiennent dans son appartement, rue de Rome.
Pour ses disciples, Mallarmé tente
de définir et de réaliser l'ambition suprême du symbolisme, qui consiste à suggérer, avec des mots, l'essence des
choses.
A L'évolution poétique
LA TRADITION DE BAUDELAIRE
Mallarmé, né à Paris, devient, en 1863, professeur d'anglais.
Il débute à Tournon; mais, déjà, il s'isole dans un rêve
d'art.
Dix de ses premiers poèmes seront réunis en 1866 dans Le Parnasse contemporain : on y discerne l'influence
d'Edgar Poe, qui lui a donné le goût d'une technique savante; et, plus nette encore, l'influence de Baudelaire.
Comme Baudelaire, Mallarmé souffre de la laideur et de la monotonie du réel : « La chair est triste, hélas ! et j'ai lu
tous les livres.
» Lui aussi, pour s'arracher à son ennui et à son dégoût, aspire au voyage (Brise marine) ou à la mort
(Le Sonneur).
Lui aussi rêve d'un paradis mystique ou esthétique (Las de l'amer repos, Les Fenêtres, L'Azur).
Mais Mallarmé prête à son tourment une forme personnelle.
Trop délicat pour accepter le monde tel qu'il est, il ne se
sent pas assez inspiré pour animer de son souffle un univers imaginaire et il médite amèrement sur son impuissance
devant la feuille de papier vide.
Écoeuré par la vie, découragé par le rêve, il évolue entre un abîme d'impureté qui lui
donne la nausée et un abîme de pureté qui lui donne le vertige.
Dans Les Fenêtres, il décrit un moribond qui, « las
du triste hôpital », colle son visage à la vitre baignée de lumière, symbole de l'homme qui, las de la vie quotidienne,
cherche vainement à s'en évader.
Dans L'Azur, il exprime la tragique détresse du Poète qu'obsède un idéal
inaccessible : « Je suis hanté! l'azur! l'azur! l'azur! l'azur! »
LA RECHERCHE D'UNE ESTHÉTIQUE
Mallarmé veut sortir de cette impasse et vaincre sa stérilité,- mais des difficultés de carrière et des soucis de santé
contrarient son inspiration.
Alternativement, il travaille, l'hiver, à un poème sur Hérodiade, l'été, à un poème sur la
vie d'un faune.
Après des années pénibles, il est nommé, en 1871, professeur à Paris.
Il se sent dès lors l'esprit plus
dispos, sourit enfin à l'existence et considère le monde avec des yeux plus indulgents.
En 1872, il honore, en un
Toast funèbre, le poète de la réalité sensible, Théophile Gautier.
Lui-même, cependant, ne saurait s'accommoder
d'une esthétique aussi simple et cherche des formes neuves.
En 1875, il remanie L'Après-midi d'un faune, qui est son
oeuvre en vers la plus étendue et la plus suggestive.
Hérodiade.
Mallarmé a médité d'écrire tout un drame sur le sujet d'Hérodiade.
De ce drame projeté, nous possédons l'ouverture,
monologue prononcé par la nourrice de l'héroïne; une scène entre Hérodiade et la nourrice; enfin un intermède
lyrique, le Cantique de saint Jean.
Dans la scène, il montre une Hérodiade vierge, qui est en même temps le symbole
de l'inaccessible perfection et l'exemple d'un destin cruel : la petite-fille d'Hérode contemple avec inquiétude l'image
encore pure que lui renvoie son miroir et devine tout un monde de tentations, de souillures, de crimes.
L'Après-midi d'un faune.
Mallarmé a fait de ce poème une illustration de la vie païenne et sensuelle.
Un faune, par un étouffant après-midi
sicilien, sort d'un songe limpide et voluptueux, dont il cherche à prolonger le charme par la magie de la musique ou
du souvenir.
Peu à peu, il s'exalte et s'abandonne au tumulte de ses désirs; puis, de nouveau, il succombe au
sommeil.
Ce faune est peut-être aussi le symbole du poète qui, tenté un moment par l'idée de donner une
expression lyrique à ses émotions et à ses rêves, renonce finalement à son dessein et se réfugie dans le silence.
L'AMBITION SUPRÊME
En 1884, le romancier Huysmans exalte, dans A Rebours, l'oeuvre encore méconnue de Mallarmé.
Désormais glorieux,
le poète, installé rue de Rome, reçoit, le mardi, ses amis et ses disciples : parmi ceux-ci, André Gide et Paul Valéry.
A partir de cette date, son influence s'exerce d'une manière suivie : fier de son prestige, il devient plus confiant
dans ses ressources.
Il élabore ou met au point, avec une patience infinie, des poèmes obscurs et denses, comme
la Prose pour des Esseintes; les « Tombeaux é de Baudelaire, de Verlaine, d'Edgar Poe, de Wagner; le sonnet du
Cygne.
En même temps, Mallarmé tente de formuler son esthétique.
A la veille de sa mort, en 1897, il réunit ses articles et
ses conférences dans un recueil intitulé Divagations.
La même année, il publie Un Coup de dés, qui est son oeuvre la
plus déroutante; dans ce poème, dont la disposition typographique est tout à fait insolite, il essaie de décrire
l'aventure de la Pensée aux prises avec l'univers chaotique dont elle voudrait percer le mystère et pénétrer la loi.
Cette aventure est aussi celle du poète qui jette les mots sur le papier, qui cherche les combinaisons verbales
susceptibles d'exprimer la réalité absolue.
Mais le joueur trop audacieux eut le sentiment d'avoir perdu la partie; et l'artiste trop ambitieux retrouva, au cours.
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