L'ÉVOLUTION SCIENTIFIQUE DE BUFFON
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«
L'ÉVOLUTION SCIENTIFIQUE DE BUFFON
La pensée de Buffon ne cessa de gagner en originalité et en hardiesse, à partir du moment où il entreprit l'Histoire
naturelle.
On peut distinguer dans cette évolution trois phases essentielles.
A Le dessein premier de l'Histoire naturelle
LE PARTISAN DE LA MÉTHODE EXPÉRIMENTALE
Dès 1735, Buffon se révèle partisan décidé de la méthode expérimentale, qui était déjà en vogue chez les savants.
« Les recueils d'expériences et d'observations sont les seuls livres qui puissent augmenter nos connaissances »,
écrit-il à cette date.
De fait, observations et expériences sont à la base de toutes ses études : ses mémoires
scientifiques attestent qu'il utilisait le microscope, dressait des statistiques et se livrait à des dissections.
Il installa
dans son domaine de Montbard des laboratoires de physique et de chimie, des forges pour étudier la résistance des
bois ou le refroidissement des minéraux, et même un système de miroirs ardents pour renouveler une expérience
célèbre d'Archimède.
Ce souci d'une stricte soumission aux faits amène Buffon à condamner les classifications systématiques de certains
naturalistes, et notamment du Suédois Linné.
Ces classifications imposent arbitrairement à la nature une unité
factice, en rangeant dans des cadres à priori ses manifestations infiniment diverses; elles nous masquent l'unité
réelle du plan de la création, d'après laquelle « tout est relié par des transitions, tout est gradué, nuancé ».
LE PARTISAN DES IDÉES TRADITIONNELLES
Malgré ses scrupules de savant, Buffon, pendant la première période de ses recherches, reste fidèle à certaines
idées traditionnelles.
La fixité des espèces.
Buffon repousse encore l'hypothèse transformiste, qui prête à la nature un pouvoir créateur
illimité Il estime que la puissance de la nature est bornée et il invoque la révélation pour prouver que les animaux «
sont sortis tout formés des mains du Créateur ».
La royauté de l'homme dans l'univers.
Il refuse aussi d'admettre que « l'homme et le singe ont une origine
commune comme le cheval et l'âne ».
Il accepte le principe de l'anthropocentrisme : l'homme est, selon lui, un être
supérieur, totalement distinct de l'animal.
Tout dans la nature lui est subordonné, tout est disposé en vue de son
plus grand bien.
Les causes finales.
La conviction que l'homme est le roi de l'univers entraînait Buffon à se rallier à la théorie des
causes finales, qui fait apparaître la nature comme ordonnée selon un plan : ainsi, il pensait que certains animaux,
comme le chien, n'avaient été créés que pour servir l'homme.
B Les conquêtes de l'esprit scientifique
LA DÉCOUVERTE DU TRANSFORMISME
Une constatation jette le trouble dans l'esprit de Buffon, au cours de ses recherches : les espèces sont réparties
sur le globe par zones distinctes ; ainsi, les animaux du Nouveau Monde sont tout à fait différents de ceux de
l'Europe.
Pourtant, en dépit d'altérations particulières, on peut constater « des rapports éloignés qui paraissent
indiquer quelque chose de commun dans leur formation ».
Élargissant le problème, Buffon en vient à se demander si
toutes les espèces animales étaient autrefois ce qu'elles sont aujourd'hui.
Des observations combinées le
persuadent que beaucoup d'espèces se sont dénaturées au cours des siècles : « La température du climat, la
qualité de la nourriture et les maux de l'esclavage, voilà les trois causes de changement, d'altération et de
dégénération chez les animaux ».
De même, tout laisse supposer qu'un certain nombre d'espèces ont été détruites sous l'effet d'une sélection
naturelle : « Les espèces les moins parfaites, les plus délicates, les plus pesantes, les moins agissantes, les, moins
armées, ont déjà disparu ou disparaîtront.
» Ainsi « la nature est dans un mouvement de flux continuel ».
Cette
attitude de Buffon, neuve au XVIIIe siècle, rencontra de vives résistances.
LA CRITIQUE DES CAUSES FINALES
En admettant l'idée de transformations mécaniques dans la nature, Buffon niait implicitement
l'existence de causes concourant à un ordre universel et permanent.
Il montre d'ailleurs
expressément que la finalité ne donne pas des faits une explication scientifique par l'exemple des
abeilles, dont les cellules hexagonales tant vantées ne sont qu' « un résultat mécanique et assez
imparfait qui se trouve souvent dans la nature », ou encore par l'exemple du cochon : « Ne doit-on
pas tirer des inductions de la singulière conformation du cochon? Il ne paraît pas avoir été formé sur
un plan original, particulier et parfait, puisqu'il est un composé des autres animaux; il a évidemment
des parties inutiles, ou plutôt des parties dont il ne peut faire usage, des doigts dont tous les os
sont parfaitement formés, et qui cependant ne lui servent à rien.
» En fait, les espèces, loin d'avoir
été créées en vue d'un mode de vie déterminé, s'adaptent au mode de vie que déterminent.
»
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