L'oeuvre de Gérard de Nerval
Extrait du document
«
Gérard de Nerval fréquente la bohème romantique, puis se lie avec une actrice, Jenny Colon, mais ne parvient pas
à s'en faire aimer.
Cette déconvenue sentimentale entraîne un bouleversement intérieur qui s'achève dans la folie.
Ses dernières œuvres, et notamment le récit en prose intitulé Aurélia, retracent les phases de sa pathétique
aventure.
A Le destin de Nerval.
LA JEUNESSE INSOUCIANTE (1808-1836).
Gérard Labrunie, qui adoptera pour pseudonyme Gérard de Nerval, passe ses premières années dans le Valois, auprès
de son grand-oncle Antoine Boucher.
En parcourant les forêts ou en écoutant les récits légendaires de sa province,
il prend l'habitude de la rêverie; de bonne heure, il voue un culte à la mémoire de sa mère, qu'il n'a pas connue.
Il
s'adapte pourtant à la vie parisienne : au collège Charlemagne, où il a Théophile Gautier pour condisciple, il se
montre un élève studieux; au Cénacle, il est considéré comme un aimable compagnon; à l'Hôtel du Doyenné, il
s'amuse et joue volontiers au dandy : « Quels temps heureux! On donnait des bals, des soupers, des fêtes
costumées; on jouait de vieilles comédies...
Nous étions jeunes, toujours gais, quelquefois riches...
» (Petits
Châteaux de Bohème).
Aucune inquiétude véritable ne transparait dans ses premières oeuvres.
Gérard de Nerval suit ou devance les
modes littéraires.
Imprégné de culture germanique, il révèle à ses contemporains les maîtres qu'il aime et qu'il imite
en bon écolier, notamment Goethe, dont il traduit le Faust en 1828; Hoffmann, dont les inventions fantastiques
l'attirent; et il compose un conte, La Main de gloire (1832), où la magie intervient, mais où domine l'humour.
En
poésie, il « ronsardise » et compose des odelettes un peu frêles, où il montre la délicatesse de son goût, plutôt que
la profondeur de sa sensibilité.
Dans l'un de ces poèmes, pourtant, surgit à l'appel d'un air magique une dame en
habits anciens, qu'il reconnaît pour l'avoir rencontrée peut-être au cours d'une existence antérieure; ainsi, il
introduit déjà, sous la forme d'une « fantaisie », un thème qui, bientôt, va commander son inspiration.
LA CRISE SENTIMENTALE (1836-1841)
En 1836, Gérard de Nerval devient amoureux de Jenny Colon, chanteuse et comédienne.
Il la poursuit, se déclare à
elle et, semble-t-il, touche un moment son coeur; mais elle sacrifie bientôt la romanesque idylle à un mariage de
raison et elle épouse un flûtiste de l'Opéra-Comique.
La déception qu'éprouve l'écrivain n'entraîne dans son
existence aucun bouleversement immédiat; mais un long travail intérieur commence à s'accomplir en lui.
Chassée de
son horizon terrestre, Jenny demeure dans son souvenir comme une image idéale.
La lecture du Second Faust,
qu'il traduit en 184o, entretient son mysticisme amoureux; il se persuade que, comme Faust, il a chéri, sous une
apparence humaine, l'incarnation fragile d'un éternel féminin.
Son exaltation aboutit en 1841 à une crise très grave :
il est soigné, pour troubles mentaux, dans une maison de santé.
LA MATURITÉ ARDENTE (1841-1853)
Momentanément guéri, Gérard de Nerval apprend la mort de Jenny Colon, survenue en 1842; son rêve s'épanouit
désormais en toute liberté : le souvenir de la morte s'estompe; à l'image indécise d'une créature périssable se
substitue la vision rayonnante d'un être céleste.
Dans les pays d'Orient, qu'il va visiter en 1843, il poursuit sa
chimère, et des aspirations religieuses se mêlent au rêve sentimental; il étudie avec passion les diverses mythologies
: la Vénus grecque, l'Isis égyptienne, lui apparaissent comme des symboles de son idéal.
A son retour, il se voue
délibérément aux recherches ésotériques et compose, outre une relation de son voyage, une suite de monographies
sure les Illuminés », en particulier sur Cazotte et Restif de la Bretonne, qui lui apparaissent comme des génies
fraternels.
Mais une nouvelle crise survient en 1851; il doit séjourner quelque temps dans une clinique.
La menace
est plus précise, cette fois; amis et médecins appréhendent une rechute prochaine, et lui-même se sent guetté par
la folie; aussi consacre-t-il au travail les instants de répit dont il dispose; il publie, notamment, dans L'Artiste, de
nombreuses pages de souvenirs où, de place en place, reparaissent ses obsessions : La Bohème galante, Lorely,
Les Nuits d'octobre (1852).
LA FIN TRAGIQUE (1853-1855)
A partir de 1853, les périodes d'équilibre alternent avec des périodes de délire.
Gérard de Nerval est soigné chez le
docteur Dubois, puis, du mois d'août 1853 au mois de mai 1854, interné dans la maison de santé du docteur Émile
Blanche, à Passy.
Rendu à la liberté, il voyage en Allemagne; mais à son retour il doit entrer de nouveau en
traitement chez le docteur Blanche, du mois d'août jusqu'au mois d'octobre 1854.
Il traîne ensuite une existence
misérable; le 25 janvier 1855, on le découvre, à l'aube, pendu dans une ruelle parisienne.
Mais avant de mourir, il a
transcrit les principaux épisodes de sa tragique aventure : ses œuvres les plus émouvantes, Sylvie, Les Chimères,
Aurelia surtout, et enfin Pandora, révèlent comment son rêve a pris naissance, puis s'est épanoui et épanché dans
la vie réelle, jusqu'à désorganiser sa représentation du monde.
B La transcription du drame intérieur
LE VOYAGE EN ORIENT (1843-1851)
La relation du Voyage en Orient, publiée sous sa forme définitive en 1851, est le premier ouvrage où Nerval ait
exprimé ses hantises.
Le voyageur, certes, conserve assez de liberté d'esprit pour noter avec curiosité.
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