L'oeuvre de HENRY DE MONTHERLANT
Extrait du document
«
La jeunesse de Montherlant se résume en une suite d'expériences violentes : à quinze ans, il estoque des taureaux
en Espagne; à vingt-deux ans, il est grièvement blessé sur le champ de bataille; à trente et un ans, il reparaît dans
l'arène et reçoit un coup de corne qui taillade la périphérie d'un de ses poumons.
Le goût de l'action et du danger
inspire ses premières oeuvres : La Relève du matin (1920), Le Songe (1922), dominés par l'image de la guerre; puis
deux récits à la gloire du sport réunis plus tard sous le titre Olympiques; enfin Les Bestiaires (1926), où le héros
guerrier du Songe, Alban de Bricoule, reparaît sous l'habit du torero.
Devenu inapte à l'effort physique, Montherlant
cherche une diversion dans le voyage, visite Rome, séjourne en Afrique du Nord.
Vers 1932 s'ouvre une période plus
stable et particulièrement féconde : dans Les Célibataires (1934), le romancier peint, à travers trois personnages
principaux, la déchéance sociale et morale d'une certaine aristocratie; dans Les Jeunes Filles, suite en quatre
volumes (1936-39), il montre son héros, le libertin Costals, aux prises avec les femmes, qu'il mène avec rudesse et
qu'il accable de sa pitié ou de son mépris, non sans se montrer sensible au pouvoir de la beauté.
Après s'être
surtout consacré à la scène, Montherlant est revenu au roman, en 1954, avec L'Histoire d' amour de la rose de
sable, puis, en 1963, avec Le Chaos et la Nuit, qui décrit la solitude d'un vieil anarchiste espagnol et, en 1969, avec
Les Garçons, où s'achève, par un retour sur l'adolescence du héros, le cycle d'Alban de Bricoule.
Malade et menacé
de perdre la vue, il se donne la mort.
L'attitude de Montherlant..
Nourri de Barrès, de Gide, de Nietzsche, Montherlant est un
individualiste résolu, qui tantôt voue un culte cynique au plaisir et tantôt exalte la vertu du
sacrifice, mais toujours au nom d'un orgueilleux idéal d'accomplissement personnel.
Dédaigneux de la morale commune, impitoyable à la médiocrité des foules, il ne reconnaît de
prix qu'à l'aventure : « J'entends par vie la vie privée en ce qu'elle a de chaud, de riche, de
fort; de renouvelé, d'insolite, d'audacieux, voire de dangereux; de passionné et de passionnant
en un mot.
Un vivant? Celui à qui quelque chose arrive.
» (L'Art et la Vie, essai.) Cette quête
perpétuelle ne s'embarrasse d'aucune contradiction : il faut être tour à tour « saint Vincent de
Paul, Kant et Casanova », afin de s'acheminer, par un constant dépassement de soi, « vers la
totale perfection humaine ».
L'art de Montherlant.
Montherlant est un romancier puissant et varié.
S'il a prêté quelquesunes de ses propres tendances à ses héros principaux, Alban ou Costals, il a révélé, en
peignant ses trois « célibataires » ou ses trois « jeunes filles », un rare talent d'observation
objective et de pénétration psychologique : avec une acuité sans défaillance, il décrit le décor
de leur vie, note leurs manies, découvre leurs mobiles secrets.
Sa langue, en outre, est belle et
forte : selon le caprice de son génie, l'écrivain cultive la solennité ou la vulgarité, la raideur ou
l'humour, stimulant sans cesse son lecteur par une aisance insolente qui atteint souvent à la
vraie grandeur..
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