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Louis Aragon - "Le Musée Grévin"

Extrait du document

Je vous salue ma France où les vents se calmèrent Ma France de toujours que la géographie Ouvre comme une paume aux souffles de la mer Pour que l'oiseau du large y vienne et se confie Je vous salue ma France où l'oiseau de passage De Lille à Ronceveaux de Brest au Mont-Cenis Pour la première fois a fait l'apprentissage De ce qu'il peut coûter d'abandonner un nid Patrie également à la colombe ou l'aigle De l'audace et du chant doublement habitée Je vous salue ma France où les blés et les seigles Mûrissent au soleil de la diversité Je vous salue ma France où le peuple est habile A ces travaux qui font les jours émerveillés Et que l'on vient de loin saluer dans sa ville Paris mon coeur trois ans vainement fusillé Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe Cet arc-en-ciel témoin qu'il ne tonnera plus Liberté dont frémit le silence des harpes Ma France d'au-delà le déluge salut Louis Aragon - "Le Musée Grévin"

« L'orientation du commentaire C e poème appartient à la littérature engagée.

Il sera donc nécessaire d'évoquer d'un mot dans l'introduction les circonstances douloureuses dans lesquelles il a été composé.

La date qui figure dans la référence est là pour nous le rappeler.

Quant à l'orientation qui vous est suggérée, elle ne paraît satisfaisante que sur un point : celui de l'imagination poétique qui transfigure les éléments de la vision. Mais plutôt que le sens de l'harmonie, ce qui frappe c'est l'élan irrésistible qui conduit le poème jusqu'à l'acte de foi sur lequel il s'achève et le rythme soutenu, discrètement oratoire qui le traduit.

En accord avec la liberté qui nous est donnée, nous ne suivrons donc que partiellement les indications du libellé. Introduction Aragon écrivit ce poème en 1943, sous l'occupation allemande.

Au début il a évoqué, comme le vœu d'un avenir meilleur, le retour des prisonniers et des déportés.

Dès la quatrième strophe, il s'adresse à la France elle-même qui, avec la paix retrouvée, nous restituera tout un passé prestigieux d'où surgissent châteaux et cathédrales.

Dans les cinq strophes que nous avons à commenter, le Salut à la France s'élargit : l'invocation embrasse toutes ses richesses géographiques, matérielles et morales et s'achève sur l'image symbolique d'un drapeau qui domine Paris.

La musique régulière des couplets psalmodiés par le récitant s'élève peu à peu jusqu'à des accords triomphants résolus enfin en un silence solennel. 1.

Un élan irrésistible Ce qui frappe dans ce poème, c'est l'élan irrésistible qui l'entraîne.

Il est aisé de suivre la continuité du mouvement qui entraîne sans effort le lecteur de ces strophes.

Aragon a réussi à nous suggérer la même ferveur incantatoire, le même élan sensible que celui qui anime telle ou telle litanie de la liturgie catholique, en particulier la salutation évangélique : « Je vous salue, Marie »... Cet élan est soutenu par la reprise, de proche en proche, de la formule d'invocation par laquelle débute le poème : « Je vous salue, ma France ».

Elle commande et lance la première, la seconde et la quatrième strophe.

Elle se retrouve à une place différente dans la troisième, sans doute pour rompre une régularité qui donnerait à ce poème chargé d'émotion, une allure trop oratoire.

Elle revient aussi, reprise partiellement, comme un écho, au début du second vers : « Ma France de toujours ».

Et c'est sur elle enfin que s'achève le poème, dans l'évocation prophétique, triomphante et riche d'une sérénité retrouvée, de la patrie enfin libérée : « Ma France d'au-delà le déluge salut ». Le mouvement lyrique, dans sa progression ascendante, est soutenu aussi par une disposition identique à l'intérieur des couplets.

Les rimes sont régulièrement entrecroisées.

D'une strophe à l'autre on retrouve la même structure syntaxique qui fait succéder à chaque salutation à la France la vision d'un de ces aspects qui la rendent chère au cœur du poète : « Je vous salue ma France où...

». L'absence de ponctuation habituelle chez Aragon semble enlever toute entrave au rythme et contribue à l'impression de naïveté qui convient à un poème populaire. 2.

L'imagination poétique L'imagination transfigure la vision à chaque strophe.

Tour à tour Aragon esquisse la géographie de son pays, ses richesses matérielles et morales.

Mais cette vision est celle d'un poète. L'image de sa patrie et des mers qui la bordent se trouve comme agrandie par la perspective des espaces peuplés par les oiseaux du large.

Elle se transforme en un symbole de terre accueillante où les errants trouvent asile et réconfort.

Cette « paume » largement ouverte « aux souffles de la mer » ajoute une note de personnification discrète, confère une nuance de fraternité humaine à cet accueil. Tout au contraire, la poésie devient familière quand il s'agit d'évoquer l'existence laborieuse des humbles, de ces artisans qui ont l'amour de leur métier et dont la satisfaction du travail bien fait ensoleille la vie quotidienne.

Comme le choix des mots, le rythme du vers s'accorde étroitement avec cette note de simplicité.

Le rejet rompt avec l'allure un peu oratoire de l'ensemble et l'alexandrin ternaire s'oppose par son allure un peu prosaïque à la succession des vers à quatre temps : « ..

.le peuple est habile A ces travaux/qui font les jours/émerveillés ». Mais le poème s'achève sur une apothéose : celle de Paris dominé par le drapeau tricolore, signe de la paix et de la liberté reconquises. Le tableau s'élargit à des proportions immenses.

Cette guerre dont il prophétise la fin victorieuse est assimilée au déchaînement des éléments, à un cataclysme, à un « déluge », le bruit des canons, au fracas du tonnerre.

Et le drapeau devient un arc-en-ciel, symbole des éléments apaisés.

Le poème se clôt sur un impressionnant silence, et la sérénité retrouvée se traduit dans la discrétion et l'apaisement qu'exprime un nouvel alexandrin au rythme ternaire : « Ma France/d'au-delà le déluge/salut ». Conclusion Ainsi, l'amour de sa patrie anime tout au long de ce texte l'inspiration d'Aragon.

Ce poète d'avant-garde, ce surréaliste pour qui la recherche d'un langage nouveau s'accordait avec la nécessité de changer le monde, retrouve un thème traditionnel de la poèsie lyrique.

Il rejoint ici Du Bellay, Ronsard et Hugo, par la qualité de la facture et la sincérité de l'émotion.. »

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