Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, chapitre II, 1932. Commentaire composé
Publié le 10/12/2022
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Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, chapitre II, 1932.
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Louis-Ferdinand Céline a pris part à la guerre de 1914-1918 ; il a utilisé cette expérience dans
son roman d'allure autobiographique Voyage au bout de la nuit.
Le narrateur, engagé volontaire,
déchante vite…
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Une fois qu’on y est, on y est bien.
Ils nous firent monter à cheval et puis au bout
de deux mois qu’on était là-dessus, remis à pied.
Peut-être à cause que ça coûtait trop
cher.
Enfin, un matin, le colonel cherchait sa monture, son ordonnance était parti avec,
on ne savait où, dans un petit endroit sans doute où les balles passaient moins
facilement qu’au milieu de la route.
Car c’est là précisément qu’on avait fini par se
mettre, le colonel et moi, au beau milieu de la route, moi tenant son registre où il
inscrivait des ordres.
Tout au loin sur la chaussée, aussi loin qu’on pouvait voir, il y avait deux points
noirs, au milieu, comme nous, mais c’était deux Allemands bien occupés à tirer depuis
un bon quart d’heure.
Lui, notre colonel, savait peut-être pourquoi ces deux gens-là tiraient, les
Allemands aussi peut-être qu’ils savaient, mais moi, vraiment, je savais pas.
Aussi loin
que je cherchais dans ma mémoire, je ne leur avais rien fait aux Allemands.
J’avais
toujours été bien aimable et bien poli avec eux.
Je les connaissais un peu les Allemands,
j’avais même été à l’école chez eux, étant petit, aux environs de Hanovre.
[…]
Ces Allemands accroupis sur la route, têtus et tirailleurs, tiraient mal, mais ils
semblaient avoir des balles à en revendre, des pleins magasins sans doute.
La guerre
décidément, n’était pas terminée ! Notre colonel, il faut dire ce qui est, manifestait une
bravoure stupéfiante ! Il se promenait au beau milieu de la chaussée et puis de long en
large parmi les trajectoires aussi simplement que s’il avait attendu un ami sur le quai de
la gare, un peu impatient seulement.
Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir,
je l’ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n’en finissent pas, ses maisons où
les gens n’y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part.
Mais quand on y ajoute la
guerre en plus, c’est à pas y tenir.
Le vent s’était levé, brutal, de chaque côté des talus,
les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de làbas sur nous.
Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous
entourant de mille morts, on s’en trouvait comme habillés.
Je n’osais plus remuer.
Le colonel, c’était donc un monstre ! À présent, j’en étais assuré, pire qu’un chien,
il n’imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu’il devait y en avoir beaucoup
des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans
l’armée d’en face.
Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ?
Dès lors ma frousse devint panique.
Avec des êtres semblables, cette imbécillité
infernale pouvait continuer indéfiniment… Pourquoi s’arrêteraient-ils ? Jamais je n’avais
senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.
Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je.
Et avec quel effroi !… Perdu
parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec
casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs,
comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers,
pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire,
Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les
chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés
que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le
concevais, je m’étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
Commentaire du texte de Céline
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Problématique :
Nous pouvons nous demander comment l'auteur met à profit son
expérience personnelle pour....
»
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