MALHERBE: Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin
Extrait du document
«
Localisation du morceau.
Cette poésie est une œuvre de circonstance.
Elle a été composée pu Malherbe h la demande du roi Henri IV qui allait
partir (septembre pour le Limousin, où devaient se tenir les Grands Jours.
Malherbe, alors âgé de cinquante ans, venait
d'arriver à Paris et fut présenté à la cour par un de ses amis, le poète normand Des Yveteaux, mais y était précédé par
sa réputation.
On lui propose d'être l'interprête de la nation à l'égard du roi, qui est en train d'accomplir la enivre de
restauration de la France, à peine sortie des guerres de religion.
Il s'agit de lui apporter l'assurance du loyalisme de ses
sujets.
L'occasion ? Le roi va ouvrir les assises solennelles des Grands Jours.
Les Grands Jours étaient un tribunal
extraordinaire de justice destiné à juger dans les provinces les affaires criminelles.
Par les temps troublés comme ceux
que la France venait de traverser, beaucoup de criminels, et souvent très haut placés, avaient échappé aux poursuites
des tribunaux ordinaires et avaient pu se targuer de l'impunité.
Il fallait frapper ces coupables, pour rétablir la paix
intérieure et affirmer l'autorité royale à travers tout le royaume.
Les vers de Malherbe furent offerts au roi à son retour du Limousin, et publiés en 1607.
Il sera désormais le poète
officiel, il le demeurera sous Louis XIII {Pour le roi allant châtier les Rochelois).
Le thème et ses développements.
Pour bien étudier ce morceau, il est nécessaire de se reporter au texte complet, dont ces strophes sont extraites.
C'est une prière à Dieu pour le Roi, en voici l'argument en bref : Malherbe prie Dieu « d'achever son ouvrage » :
pacification et restauration de la France déchirée et malheureuse.
Cette œuvre s'accomplira par le roi « vaillant et
sage », véritable chef, « digne de commander ».
Souvenir des « tempêtes passées ».
Un vrai « miracle » a pu les
apaiser par « la force de sa main ».
Mais tous les dangers n'ont pas disparu, des craintes subsistent, « l'hydre de la
rébellion », hélas! est féconde...
Que Dieu conseille le roi pour que le retour de nos malheurs soit évité.
La protection
de Dieu est plus efficace que « le nombre des armées ».
C'est la justice royale, « la rigueur des lois » qui maintiendra
l'ordre, affirmera l'autorité d'Henri IV.
La France pourra alors cesser d'être sur le pied de guerre, elle se livrera aux
travaux de la paix, pourra se réjouir; l'abondance et la prospérité succéderont aux « fâcheuses années ».
Longue vie
au roi, le meilleur que la bonté de Dieu nous ait jamais donné!
Une impression se dégage de l'ensemble : un double sentiment qui, au fond, n'en fait qu'un : sentiment religieux et
sentiment monarchique vont présider à la restauration du pays : foi en Dieu qui protège le roi, qui aime et bénit la
France; confiance dans ce roi dont la sage autorité sera la sauvegarde et l'espoir de son peuple.
Malherbe interprète
ici très exactement les dispositions de notre pays sous Henri IV, le poète officiel est bien en même temps le poète
national, porte-parole de tous les bons Français.
Explication littérale.
* 1re strophe : mots à expliquer : vaines fureurs : celles des hérétiques, dont l'insolence (équivalent d'audace) s'est
opposée à la raison (saine doctrine et sage politique représentées par l'autorité religieuse et le pouvoir royal).
ont...
les armes arrachées, remarquer l'accord du participe avec son complément d'objet direct, ce complément étant
placé 'avant, par une inversion que permettait la syntaxe du XVIIe siècle, exemple « Le centième décembre a les
plaines ternies » (Malherbe).
« Quand les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie.
» (La Fontaine.)
l'embonpoint : le bon état, la prospérité.
Malherbe énonce dans cette première strophe le thème général du morceau : Que Dieu, qui a déjà permis la
pacification de la France, la guérisse de ses maux et aide le roi à réaliser sa restauration.
* 2e strophe : heur, sort favorable (latin : augurium).
Aujourd'hui, deux formes composées diversifient le sens de heur
: bonheur, malheur, mais nous avons conservé l'adjectif : heureux.
assurés de : nous dirions aujourd'hui : assurés contre.
Cette strophe fait du roi un double éloge : il est vaillant dans la
guerre, il est sage, habile politique dans la paix.
Henri IV fut, en effet, un des rares rois de France qui eut au même
degré les qualités militaires et politiques.
Son apprentissage du commandement se fit sur les champs de bataille,
comme dans les complications, les intrigues, les dissensions civiles au milieu desquelles il dut manœuvrer pour arriver au
pouvoir.
La fin de la strophe introduit l'idée qu'il reste encore quelque chose à demander à Dieu, car toute crainte n'est
pas écartée pour l'avenir.
* 3e strophe : dessus nos têtes : l'adverbe, souvent mis à la place de la préposition sur, dans la langue classique.
deux contraires partis : catholiques et huguenots, puis la Ligue, luttant contre Henri de Navarre.
Divisions qui se
multiplient dans la dernière phase des guerres de religion, créant une situation inextricable ; comment en sortir sans un
« miracle » ? C'est par « la force de sa main » qu'Henri IV a sauvé la France.
* 4e strophe : rendra nos villes fortes : littéralement : remplacera les fortifications, nul ennemi n'osant plus les assaillir.
Veilles...
il n'y aura plus besoin de veilleurs au sommet des tours...
Le fer mieux employé qu'à forger des armes,
cultivera la terre avec la charrue.
N'orra plus de tambours : n'entendra (futur du verbe ouïr, que nous retrouvons dans
le Cid : « Mon sang criera vengeance et je ne l'orrai pas »).
Le poète ouvre les heureuses perspectives de la sécurité
restaurée ; les travaux de la paix succéderont à ceux de la guerre; l'agriculture, pour laquelle Henri IV et Sully
montrèrent tant de sollicitude, parce qu'elle est la première nécessité d'un pays à reconstruire, commencera l'œuvre de
rénovation.
Le peuple pourra se réjouir : plus de tambours guerriers, mais les tambourins qui feront danser sur les
places des villages le bon peuple de France !
* 5e strophe : nos douces destinées.
La France semble, par sa situation géographique, ses ressources, les qualités de
sa race, faite pour un destin heureux.
(« France, belle contrée, terre généreuse...
» dira André Chénier dans l'Hymne à
la France.)
Fâcheuses années, le mot est plus fort dans la langue classique que de nos jours.
Toute sorte de biens comblera :.
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