Marcel Aymé, Travelingue IV.
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Marcel Aymé, Travelingue IV.
En reprenant une balle, Micheline se donna un coup de raquette sur la cheville. Elle serra les lèvres et se mit à sauter à cloche-pied. Bernard Ancelot enjamba le filet, la prit par le bras et, l'ayant aidée à s'étendre dans l'un des hamacs accrochés au fond du court, se pencha sur la cheville douloureuse qu'il caressa d'un doigt léger. Il admira ses jambes et, avant de se relever, posa sa joue sur l'un des genoux que découvrait la robe de flanelle blanche. Micheline le regardait, les yeux mi-clos, et son visage se colorait. Il lui prit la main. Elle serra la sienne, puis la lâcha et baissa les yeux, l'air gêné. Bernard eut un sourire affectueux, un peu niais. Il se sentait avec elle comme garçon et fillette, le cœur gonflé d'une amitié enfantine, et souhaitait rester dans cet état de grâce. D'ordinaire, il y parvenait sans trop s'efforcer. Le charme provincial de l'endroit semblait favorable aux mensonges honnêtes et à la paix des cœurs.
Le tennis avait été aménage sur une place à bâtir achetée à Auteuil en 1920 par M. Lasquin. Les jardins qui l'entouraient donnaient ombre et fraîcheur. Au bout du court, des hamacs étaient tendus en triangle entre trois vieux pruniers hérissés de surgeons. De la rue, on entrait par une petite porte pourrie et rouillée qui s'ouvrait au bout du mur de clôture, dégradé et surmonté d'un grillage d'arrêt pour les balles. Le court était très bien entretenu, mais le cadre avait un air d'abandon et de vétusté qui plaisait à Bernard comme un luxe involontaire.
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